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La Royauté du Christ

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Dimanche 25 novembre 2012

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 18,33b-37. 

Alors Pilate rentra dans son palais, appela Jésus et lui dit : « Es-tu le roi des Juifs ? » 
Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien parce que d'autres te l'ont dit ? 
Pilate répondit : « Est-ce que je suis Juif, moi ? Ta nation et les chefs des prêtres t'ont livré à moi : qu'as-tu donc fait ? » 
Jésus déclara : « Ma royauté ne vient pas de ce monde ; si ma royauté venait de ce monde, j'aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. Non, ma royauté ne vient pas d'ici. » 
Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C'est toi qui dis que je suis roi. Je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Tout homme qui appartient à la vérité écoute ma voix. »

Homélie du Cardinal André Vingt-Trois, Saint-Séverin - Dimanche 26 novembre 2006

Source: http://www.paris.catholique.fr/447-Rassemblement-des-Associations.html

Frères et Soeurs, le dialogue entre Jésus et Pilate, tel que nous le rapporte l’évangile selon saint Jean, fait bien ressortir, comme c’est souvent le cas dans cet évangile, la différence du sens dans lequel chacun emploie un même mot.

Ici, c’est le mot roi. Pilate comprend ce titre dans le sens où il le pratique habituellement dans son métier de procurateur. Il s’agit d’une fonction publique, une autorité, dans le contexte historique des évangiles une autorité absolue et sans discussion, une domination sur les peuples. Jésus, Lui, ne pense pas à ce titre de royauté. Le dialogue, s’il ne peut pas rester un dialogue de sourds, doit faire apparaître quelques éléments de différence entre la conception commune de la royauté et le sens que le Christ veut y mettre. "Ma royauté ne vient pas de ce monde " : comment comprendre cette royauté qui ne vient pas de ce monde ?

Nous la comprenons à la lumière du déroulement de la vie du Christ, des invitations qui lui ont été adressées à plusieurs reprises d’utiliser sa capacité de convaincre et sa puissance miraculeuse pour faire des signes et se rallier le peuple, afin de chasser l’occupant romain et devenir enfin le successeur de David que tout le monde attendait en Israël. Tout au long de l’Evangile, Jésus s’est dérobé à cette invitation, il a fait comprendre peu à peu qu’aussi bien ses discours que les miracles qu’il accomplissait n’avaient pas pour but de séduire une foule qui le suivait avec intérêt, mais qu’ils visaient à manifester qu’à travers ses paroles et ses gestes un enjeu plus large et plus grand que la prise du pouvoir en Israël se jouait. Nous le savons : le malentendu entre Jésus et ceux qui voulaient voir en Lui le restaurateur du Royaume, ce malentendu s’est déclaré de manière évidente au moment de la multiplication des pains, quand tous se sont éloignés de Lui. A mesure qu’Il s’est approché de Jérusalem pour son dernier pèlerinage, celui de son procès et de son exécution, les plus fidèles se sont détachés de lui pour le laisser seul.

L’image royale que le Christ va donner de sa mission, ce sera l’image de l’homme crucifié au-dessus duquel on aura inscrit plus par dérision que par raison : "Jésus de Nazareth, roi des Juifs ". Le roi qui se donne à voir à la foule qui l’entoure, c’est celui vers lequel ils vont "lever les yeux ", comme nous le disait tout à l’heure la lecture. "Ils vont lever les yeux vers celui qu’ils ont transpercé ". Ainsi, par le don qu’Il fait de sa vie, Jésus manifeste que la puissance de Dieu ne s’emploie pas pour prendre le pouvoir dans les Etats, ni pour imposer sa loi par la force publique. La royauté de Dieu s’impose par le don que Jésus fait de sa vie, par le signe de l’amour absolu qu’il donne en se mettant tout entier au service de l’Humanité à laquelle il a été envoyé, par l’abaissement total dans la situation d’esclave. C’est à ce moment-là que Dieu le glorifie en le ressuscitant.

L’évocation de l’écart entre l’image commune du roi et la réalité que Jésus donne à voir, nous aide peut-être à comprendre aussi comment nous-mêmes, nous comprenons, nous imaginons et nous vivons notre rapport à la société et au pouvoir politique. Combien de fois sommes-nous tentés de croire que la puissance de la vérité de notre foi devrait s’imposer à tout esprit raisonnable comme une évidence, qu’elle devrait légitimement obtenir les suffrages de telle façon que notre conception de la vie soit enfin imposée par la loi. Malheureusement, - ou heureusement, je ne sais pas -, l’expérience nous a montré, et continuera à nous montrer, que la puissance de Dieu n’est pas au service de nos représentations de la société.

Si le Christ veut régner sur les hommes, ce n’est pas en utilisant le bras séculier pour faire advenir la vérité dont il est le témoin. Pour le Christ venu rendre témoignage à la vérité, la force de la conviction ne vient pas du nombre des divisions ou des majorités électorales ; elle vient de la puissance de l’amour offert, elle vient du signe du sacrifice vécu sur la croix, elle vient de la mise en pratique des commandements de Dieu tels qu’ils nous ont été donnés et tels que nous sommes invités à les observer : "L’aimer, le servir de tout notre coeur, de toute notre âme, et de toutes nos forces " ; "Aimer notre prochain comme nous-mêmes pour l’amour de Lui ". Si nous devons, et nous y sommes fortement invités, si nous devons donner un signe dans ce monde, ce n’est pas en prenant le pouvoir pour montrer que nous sommes les plus forts. Si nous devons donner un signe en ce monde, c’est le signe de l’amour, en assumant le témoignage de la vérité tel que nous l’avons reçu, non pas par la force de la loi, et moins encore par la force des armes mais, le Pape Jean-Paul II nous y invitait dans son encyclique, par "la splendeur de la vérité " elle-même. Le témoignage rendu à la vérité n’est pas le triomphe de nos conceptions sur les autres conceptions de la vie, c’est le service de la mission donnée par Dieu à son Fils, c’est le service de la mission donnée par son Fils à son Eglise ; c’est la mission d’être toujours et partout serviteurs de nos frères.

Si nous voulons être vraiment disciples du Christ-Roi, ne fixons pas nos yeux sur l’image d’un roi dominant le monde, fixons-les sur l’image du Christ en croix. Pourtant, l’Ecriture nous le disait à l’instant : ce Christ crucifié est le roi de l’univers. Comment comprendre cela sinon par le fait que par sa mort et sa Résurrection il ouvre le chemin de la vie à tout être humain, quels que soient son âge, ses talents, ses défauts, ses faiblesses, sa culture, sa nationalité, ses références religieuses même. Le Christ offrant sa vie pour la multitude ouvre à la multitude le chemin de la vie. Le Christ manifestant l’amour de Dieu en ce monde ouvre à la multitude les portes de la famille de Dieu. Le Christ, Roi de l’Univers, est celui qui fait de toute l’humanité, à travers les siècles, un seul peuple, une seule famille, un seul corps qui est le sien.

Notre mission, c’est de contribuer à ce rassemblement des peuples et des hommes dans l’amour du Christ. Notre mission, c’est de donner en ce monde le témoignage de la puissance de l’amour par delà les faiblesses de chaque individu. Notre mission, c’est de montrer comment l’amour surmonte toutes les difficultés de l’existence. Que le Seigneur nous donne la force d’être aujourd’hui les témoins du Christ Roi de l’Univers, en étant avec Lui serviteurs de Dieu au service de l’humanité, en étant avec Lui offert dans l’amour.

Amen.

+ André Vingt-Trois Archevêque de Paris

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