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Quo vadis Domine ?

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En décembre 2003, dans ‘Signes de foi’, Bertrand Ouellet signait cette chronique alors que le pontificat de Jean-Paul II s'acheminait vers son terme :

Le vieux Pierre et l’avenir de la papauté

Ces toutes dernières étapes du pontificat de Jean-Paul II sont à mes yeux une réponse qu’il donne à la question qu’il a lui-même posée sur la réforme de la papauté. En 1995, dans son encyclique sur l’oecuménisme (Ut Unum Sint), il avait en effet invité toutes les Églises à repenser avec lui le rôle du pape.

Le vieil homme qui lutte sous nos yeux contre la maladie et le handicap n’a certes pas l’allure ou les capacités qu’on exige du PDG d’une grande corporation mondiale ou d’un chef de gouvernement. Mais de toute évidence, ce n’est pas ainsi qu’il voit l’essentiel de sa mission. Il y a une expression qui revient souvent dans ses propos. Il parle de son rôle comme du “ministère pétrinien”, c’est-à-dire du ministère de Petrus, Pierre, l’apôtre de Jésus.

Jean-Paul II se conçoit et se présente maintenant comme le vieux Pierre. Et il estime qu’il peut être Pierre en santé ou malade, en pleine possession de ses moyens ou affaibli et limité. 

La figure de Pierre est une figure complexe. Oui, il est le premier à avoir reconnu la vraie identité du Christ. Oui, son nom est associé depuis le début à la profession de foi chrétienne: “Le Christ est vraiment ressuscité”, disait-on dès les origines, “il est apparu à Simon-Pierre”. Mais il aussi est celui qui a essayé de détourner Jésus de sa mission; “Arrière, Satan!”, lui avait répondu le Christ. Il est celui qui a d’abord utilisé la violence le soir de l’arrestation de Jésus, tranchant l’oreille d’un opposant; Jésus l’a fermement réprimandé. Et Pierre, ne l’oublions pas, est celui qui au moment critique a renié Jésus et s’est enfui. Il n’était pas au pied de la croix.

C’est pourtant à cet homme fougueux et impulsif que Jésus confie son Église, lui donnant lui-même le nom de Roc, Pierre, celui qui doit en être le fondement inébranlable. “Quand tu seras revenu, lui avait-il dit en prédisant son reniement, tu confirmeras tes frères dans la foi.”

Une tradition non biblique, rapportée dans le livre apocryphe “Les Actes de Pierre”, raconte que trente ans plus tard Pierre s’est enfui de Rome pour éviter la persécution. Sur la route, il rencontre le Christ qui, lui, s’en va vers la ville. “Quo vadis, Domine?”, lui demande-t-il. “Où vas-tu, Seigneur?” Et la réponse, célèbre: “Je vais à Rome pour être crucifié de nouveau.” Pierre rebrousse chemin. Il mourra crucifié à son tour.

Les faillites et les reniements n’ont certes pas manqué dans la longue lignée des évêques de Rome, successeurs de Pierre. Cela doit être constamment présent à la mémoire de celui qui chausse aujourd’hui “les souliers de Saint-Pierre”. Et cela permet peut-être de comprendre qu’en bout de course, quand il serait humainement possible qu’il soit lui-même tenté de “quitter la ville” comme Pierre jadis, il estime au contraire devoir être jusqu’au bout le Roc, celui qui confirme ses frères et ses soeurs dans la foi. Après tout, s’il y a un test ultime de la foi, c’est bien celui de la souffrance et de la mort. Même mourant, Pierre peut être Pierre.

Je crois que le monde et l’Église — toutes les Églises, comme les diverses Communautés ecclésiales — auront toujours besoin de ce ministère de Pierre. S’il doit y avoir réforme de la papauté, c’est sans doute en l’allégeant des structures organisationnelles qui ont accumulé sur le pape bien des choses qui pourraient être du ressort des Églises nationales ou locales. Il ne faudrait plus que, dans les dernières années d’un “vieux Pierre”, on se demande sans cesse s’il est en mesure de “gouverner l’Église”. Son rôle est d’abord et avant tout de l’inspirer et de la soutenir dans la foi et l’unité.

L’essentiel ministère pétrinien repose sur le témoignage d’une foi qui persévère malgré les doutes, les tentations et les épreuves. Et malgré l’âge et la maladie. Il est loin d’être inconvenant qu’il soit exercé par une personne affaiblie comme le vieillard courageux qu’est maintenant Karol Wojtyla, Jean-Paul II.

Commentaires

  • Jean-Paul II qui a supporté durant de nombreuses années une maladie dégénérative de plus en plus contraignante nous a donné une extraordinaire leçon de courage devant le scandale de la souffrance et de la mort, qui nous concerne tous : Vicaire du Christ, il devenait de la sorte l’ icône vivante de son Maître.Ce témoignage m’a personnellement beaucoup plus impressionné que l’image du « pape superstar » durant la première partie de son pontificat.

    Alain Vircondelet, l’auteur de « La Passion de Jean-Paul II », parue en avril 2005 aux Presses de la Renaissance, évoque au détour d’une page (page 72) un propos du journaliste vaticanologue Vittorio Messori selon lequel en 2000 une retraite du bienheureux Pontife, déjà très affaibli, aurait été envisagée au monastère de Czerna en Pologne.

    Mais le valeureux pape Wojtyla se ressaisit alors, décidant au milieu des sarcasmes des uns et des raisons à vue humaine des autres, de poursuivre son témoignage : malgré les infirmités de l’âge et les effets toujours plus éprouvants de la maladie, qui le frappaient au vu de tous. Quelle leçon pour l’Eglise ! Et les jeunes, venus prier en foule sur la place Saint-Pierre durant son agonie semblent être les premiers à l’avoir comprise.

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