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Qui va reprendre les clés de Pierre?

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Sur son site « chiesa », Sandro Magister livre cette analyse pertinente (extraits) :

« Les cardinaux qui, dans la matinée du lundi 11 février, avaient été convoqués dans la salle du consistoire pour la canonisation des 800 chrétiens d’Otrante qui furent martyrisés par les Turcs il y a six siècles ont été stupéfaits lorsque, à la fin de la cérémonie, ils ont entendu Benoît XVI leur annoncer, en latin, qu’il renonçait au pontificat.

C’est à eux que reviendra, au milieu du Carême, la tâche de choisir son successeur. Le nouvel élu célèbrera sa première messe sur la place Saint-Pierre le 24 mars, dimanche des Rameaux, le jour où Jésus entra dans Jérusalem, monté sur une ânesse et acclamé aux cris de "béni soit celui qui vient au nom du Seigneur"(…).

En 2005, l’éventualité d’une élection de Ratzinger n’est pas apparue à l'improviste, elle était déjà mûre depuis deux ans au moins et toutes les autres possibilités étaient tombées l'une après l’autre. En revanche, aujourd’hui, la situation est tout à fait différente. Et un élément inédit s’ajoute à la difficulté de distinguer les choix possibles : la présence du pape démissionnaire.(…)En dépit de sa promesse de se retirer dans la prière et dans l’étude, presque cloîtré, il sera difficile d’éviter que sa présence, même silencieuse, ne pèse sur les cardinaux convoqués au conclave, puis sur le nouvel élu. Il est indiscutablement plus facile de parler avec liberté et franchise d’un pape monté au ciel que d’un ancien pape présent sur la terre. 

(…) En Italie, en Europe et en Amérique du Nord, l’Église traverse des années difficiles, une période de déclin général. Mais avec, ici ou là, des regains de vitalité et d’influence sur la sphère publique, parfois inattendus comme cela a été le cas en France récemment. Encore une fois, donc, les cardinaux électeurs pourraient porter leur choix sur un prélat provenant de cette zone, qui, en tout état de cause, continue à détenir le leadership théologique et culturel sur toute l’Église. Et justement l'Italie pourrait revenir dans la course, après le pontificat d’un Polonais et celui d’un Allemand.

Parmi les cardinaux italiens, Scola, 71 ans, paraît être celui qui a le plus de chances. Il a reçu une formation en théologie dans le cénacle de "Communio", la revue internationale dont Ratzinger fut l’un des fondateurs. Il a été le disciple de Mgr Luigi Giussani, fondateur de Communion et Libération. Il a été recteur de l’université du Latran, qui est celle de l’Église de Rome. Il a été patriarche de Venise, où il a montré des capacités réelles de gouvernement. Depuis près de deux ans, il est archevêque de Milan.(…)

En dehors de l'Italie, le collège cardinalice semble avoir tendance à porter ses regards vers l’Amérique du Nord. Dans cette partie du monde, un profil qui peut correspondre aux attentes est celui du Canadien Marc Ouellet, 69 ans, multilingue. Il a lui aussi reçu sa formation théologique dans le cénacle de "Communio" et il a été pendant de nombreuses années missionnaire en Amérique latine, avant de devenir archevêque du Québec, c’est-à-dire de l’une des régions les plus sécularisées de la planète. Il est aujourd’hui préfet de la congrégation vaticane qui sélectionne les nouveaux évêques dans le monde entier (…)

Toutefois il n’est pas du tout exclu que le prochain conclave décide d’abandonner l’Ancien Monde et de s’intéresser aux autres continents. Si l'Amérique latine et l'Afrique, où réside pourtant la plus grande partie des catholiques, ne semblent pas offrir de personnalités de grande envergure capables d’attirer des votes, il n’en est pas de même pour l'Asie.Sur ce continent, qui s’apprête à devenir le nouvel axe du monde, l’Église catholique joue elle aussi son avenir. Aux Philippines, seul pays d’Asie où les catholiques soient majoritaires, brille un cardinal jeune et cultivé, l'archevêque de Manille Luis Antonio Tagle, sur lequel se porte de plus en plus l’attention.

En tant que théologien et historien de l’Église, Tagle a été l’un des auteurs de la monumentale histoire du concile Vatican II publiée par la progressiste "école de Bologne". Mais, en tant que pasteur, il a montré un équilibre de vision et une rectitude doctrinale que Benoît XVI lui-même a beaucoup appréciés. Mais ce qui frappe surtout, c’est sa manière d’exercer son ministère épiscopal, en vivant de manière sobre et en se mêlant aux humbles, avec beaucoup de passion missionnaire et de charité.

Son point faible pourrait être son âge, 56 ans, c’est-à-dire un an de moins que Wojtyla lorsque celui-ci fut élu pape. Mais ici entre en ligne de compte la nouveauté que constitue la démission de Benoît XVI. Après le geste que celui-ci vient d’accomplir, la jeunesse ne sera plus un obstacle empêchant d’être élu pape.

 Le pari surnaturel de Benoît XVI

(…) En presque huit ans de pontificat, Benoît XVI a fait preuve de résolution et de clairvoyance dans sa manière d’indiquer les objectifs et de tenir fermement le gouvernail. Mais, sur la barque de Pierre, l'équipage ne lui a pas toujours été fidèle.

Il en a été ainsi quand il a dicté une ligne de conduite rigoureuse pour combattre le scandale de la pédophilie au sein du clergé, ayant à faire face à des applications hypocrites et tardives.

Il en a été de même quand il a exigé un nettoyage et de la transparence dans les bureaux financiers de l’Église, qui n’en ont pas tenu compte.

Il en a été ainsi lorsqu’il a découvert qu’il était trahi par son majordome de confiance, qui a révélé ses secrets et dérobé ses papiers les plus personnels.

Mais il y a plus. Le pape Ratzinger s’est battu avant tout et surtout pour raviver la foi de l’Église, pour corriger les dérives en matière de doctrine, de morale, de sacrements et de commandements. Et là encore il s’est souvent trouvé seul, combattu, incompris.

En somme la réforme entreprise par Benoît XVI est une réforme inachevée. En donnant sa démission, il a reconnu qu’il n’était pas en mesure de la conduire plus loin avec ses faibles forces. Et il s’en est remis au conclave pour que celui-ci élise un nouveau pape qui ait l'énergie nécessaire pour mener à bien cette entreprise.

Il fait là un pari surnaturel qui rappelle celui de son prédécesseur Jean-Paul II au cours des dernières et douloureuses années de sa vie.

Parmi les analystes de l’Église, c’est le professeur Pietro De Marco, de l'université de Florence, qui a saisi avec le plus de finesse la signification de l'audacieuse renonciation de Benoît XVI.

Il semble qu’il y ait une différence abyssale entre le pape actuel et son prédécesseur Jean-Paul II qui, au lieu de donner sa démission, a voulu jusqu’au bout "rester sur la croix". Mais ce n’est pas le cas.

Le pape Karol Wojtyla a voulu tirer du charisme de son corps malade un profit spirituel pour l’Église qui compense et au-delà l’inefficacité croissante de son gouvernement.

Tandis que Benoît XVI affronte un risque symétrique : il confie le gouvernement de l’Église, c’est-à-dire son "bien", aux forces entières de celui qui lui succèdera, plutôt qu’aux bienfaits spirituels qu’il aurait obtenus s’il avait continué à s’en remettre à sa faiblesse, en restant à son poste.

Le charisme de Jean-Paul II et la rationalité de Benoît XVI sont les deux faces inséparables des deux derniers pontificats, la clé de chacun d’eux étant le geste qui l’a conclu.

Il est donc insensé de voir dans la démission du pape actuel l'aube d’une nouvelle façon d’agir qui obligera les futurs pontifes à démissionner en raison de leurs infirmités ou du poids des ans, éventuellement sous l'arbitrage d’un jury visible ou invisible composé de médecins, d’évêques, de canonistes et de psychologues.

La décision d’un pape de donner sa démission ou de rester à son poste jusqu’au bout est toujours et uniquement prise par lui, selon l’organisation de l’Église. Sa renonciation, Benoît XVI l'a décidée "en conscience devant Dieu" et il ne l’a soumise à personne. Il l’a simplement annoncée. »

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