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Quand Benoît XVI, à la veille de son départ, revient sur Vatican II

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Lors de la rencontre de ce jeudi 14 février avec 4922 prêtres du diocèse de Rome, le pape a évoqué ses souvenirs relatifs à Vatican II. Frédéric Mounier (La Croix) rend compte des propos de Benoît XVI (voir aussi sur Vatican.va).

Extraits : 

Sur le mode de la « lectio divina », sans notes, durant trente minutes, le futur évêque émérite de Rome s’est adressé à ses prêtres, leur faisant part de son expérience personnelle durant le concile Vatican II. Il était alors l’assistant du cardinal Frings, archevêque de Cologne. À ce titre, il a participé aux réunions de la « fronde » de langue allemande, au Collège romain de Santa Maria dell’anima, à deux pas de la place Navone.

Redevenant le pape enseignant, Benoît XVI s’est d’abord souvenu : « Nous sommes allés au concile avec joie et enthousiasme. Nous espérions une nouvelle Pentecôte, une nouvelle ère. » Le jeune expert d’alors « sentait que l’Église diminuait, semblait une réalité du passé et non porteuse du futur. On espérait que l’Église serait de demain. » Et puis sont arrivés les premiers heurts avec la Curie : « Nous ne voulions pas seulement approuver ce qui avait été décidé, mais nous voulions être les sujets de ce qui se passait. » Et donc, les Pères conciliaires, au premier rang le cardinal Frings, « subitement, ont dit : « Nous voulons élire nos propres représentants. ». Le pape prend soin de préciser : « Ce n’était pas un acte révolutionnaire mais un acte de conscience de la part des pères. »

Spontanément, Benoît XVI se souvient des grands acteurs français de l’époque : le jeune P. Etchégaray, les pères Daniélou, Congar, de Lubac, Mgr Elchinger, archevêque de Strasbourg.

Puis, il a abordé le premier point de sa démonstration, toujours sans notes : la question de la liturgie. Il voulait « une vraie liturgie qui touche le peuple, au lieu d’être fermée dans une célébration pas comprise, sans la participation du peuple. » Pour aussitôt préciser : « Intelligibilité ne veut pas dire banalité. » Et cette intelligibilité appelle « une formation permanente du chrétien, pour croître dans le mystère de Dieu. » Ensuite, Benoît XVI a abordé la question de la nature de l’Église. Non, celle-ci « n’est pas une organisation à structurer, mais un organisme, une réalité vitale qui rentre dans mon âme de croyant, qui construit l’Église ». (...)

D’où la nécessité, à côté de la succession de Pierre, de « mieux définir la fonction des évêques » : « Le corps des évêques est la continuation du collège des Douze. » Si beaucoup ont vu dans ces débats conciliaires des « luttes pour le pouvoir », le pape précise : « Il ne s’agissait pas de pouvoir, mais de la complémentarité et de la complétude du corps de l’Église, articulée autour de deux éléments fondamentaux : le primat du pape et la collégialité. »

Et Benoît XVI a insisté sur « le lien entre le Corps du Christ, le Peuple de Dieu et l’union eucharistique, car c’est là que nous devenons corps du Christ » Sur le concept de Révélation et la manière de considérer l’Écriture, Ratzinger se souvient : « On se sentait un peu dans une situation négative face aux protestants, qui avaient fait de grandes découvertes. Les catholiques étaient un peu handicapés par la nécessité de s’en remettre au magistère. » D’où deux questions : « Quelle liberté d’interprétation ? Que veut dire Tradition ? ».  La bataille fut difficile, et l’intervention de Paul VI essentielle. C’est bien dans l’Église, éclairée par l’Esprit, que se lisent les Écritures : « La certitude de l’Église sur la foi ne naît pas seulement d’un livre, mais de l’Église illuminée par l’Esprit. Le Canon est un fait ecclésial. » Sur ce point, le pape a conclu : « Aujourd’hui aussi, on veut lire l’Écriture hors de l’Église, seulement sur le mode historico critique. Mais ce sont pas que des paroles humaines : c’est seulement dans l’Église que le sujet peut vivre et comprendre l’Écriture. » (...)

In fine, Benoît XVI s’est livré à une analyse du « concile des médias », du « concile des journalistes », qu’il a qualifié de « concile virtuel » obéissant à une « herméneutique politique », en opposition au « concile réel ». « Pour les médias, le concile était une lutte de pouvoirs. » Et donc, ils ont « pris position pour une partie qui parlait à leur monde : la décentralisation de l’Église, le peuple de Dieu compris comme peuple de laïcs, le pouvoir des évêques face à la souveraineté populaire, etc… » Sans oublier « la liturgie comprise non comme acte de la foi, mais comme une activité de la communauté profane. ».

Et Benoît XVI s’est donc opposé à « cette traduction banalisante de l’idée du concile, dans la praxis de l’application de la réforme liturgique, en dehors de la clé de la foi. » Et le pape s’est véritablement désolé : « Nous savons comment ce concile des médias, accessibles à tous, dominant, a créé tant de calamités, de problèmes : des séminaires et des couvents fermés, etc… » Il a conclu « Le concile virtuel a été plus fort que le concile réel. 50 ans après, apparaît notre propre devoir issu du concile réel, que ce concile-là vrai puisse véritablement renouveler l’Église »…

Avons-nous le droit d'écrire que ces propos ne nous rassurent pas vraiment ? Cette "nouvelle Pentecôte" s'est-elle produite ? Quels en ont été les fruits ? On a comme le sentiment d'être revenus à la case départ avec l'évocation de ce qu'aurait dû être le concile, de ce qu'il n'a pas été, de ce qui en est advenu (et qui n'est pas réjouissant) et de ce qu'il conviendrait d'en faire. Et maintenant, que fait-on ?

Voir également : la-parole-liberee-de-benoit-xvi

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Commentaire de "Tchantchès" (15/2) (communiqué par mail, le système des commentaires ne fonctionnant pas) :

La relation que donne aujourd’hui le « Figaro » de cette prestation me laisse un peu pantois. C’est étrange : voilà que Benoît XVI, démissionnaire, qui, comme l’observe Jean-Marie Guénois,  se dit  limité par des forces déclinantes du «corps et de l'esprit», donne, jeudi matin, devant les prêtres du diocèse de Rome, une magistrale improvisation de 50 minutes, sur sa vision de l'avenir de l'Église. Un avenir totalement lié, selon lui, à l'application du «vrai concile» Vatican II. Il a réaffirmé la thèse bien connue selon laquelle le concile des médias a occulté le « vrai » concile qui a eu du mal à se concrétiser et à se réaliser :« Parce que le concile virtuel était plus fort que le concile réel» mais il semble au pape (année de la foi oblige ?) que 50 ans après « le » concile, nous voyons ce concile virtuel se perdre et le vrai concile apparaître avec toute sa force spirituelle.Un avenir qu'il confie désormais à ceux qui vont reprendre le flambeau, en les rassurant par cette phrase à la à manière du Christ ressuscité : «même si je me retire maintenant en prière, je suis toujours près de vous tous et je suis sûr que vous serez aussi près de moi, même si je reste caché aux yeux du monde.». Selon le « Figaro », «  à bientôt 86 ans, Benoît XVI est apparu en pleine possession de ses moyens intellectuels. Il citait de mémoire de longues phrases latines. II plaisantait en racontant des anecdotes. Mais son corps frêle est resté comme immobile, figé sur son grand fauteuil blanc ».

Le concile et l’Eglise conciliaire ont-ils donc tout juste depuis cinquante ans et les vilains médias tout faux ? A moins que ce soit de nouveau la presse qui se trompe …

Tchantchès

Commentaires

  • Ratzinger se souvient : « On se sentait un peu dans une situation négative face aux protestants, qui avaient fait de grandes découvertes. Les catholiques étaient un peu handicapés par la nécessité de s’en remettre au magistère. » D’où deux questions : « Quelle liberté d’interprétation ? Que veut dire Tradition ? ». 

    Je ne comprends pas bien ce passage. Selon moi, il n'y a pas plus fondamentalistes bibliques, et même créationnistes, que les protestants. Ce sont un peu les talibans du christianisme, toujours désireux de retourner à je ne sais quelle pureté ou puritanisme des origines. Les catholiques sont pour cela beaucoup moins coincés. Les protestants ont fait de la Bible presque une idole, à l'instar des musulmans avec le Coran, comme s'ils avaient enfermé Dieu dans ce livre, et le possédaient de cette façon. Un peu comme s'ils avaient un génie à leurs ordres, enfermé dans une lampe magique. Je trouve qu'ils croient ainsi avoir mis la main sur Dieu, plutôt que de se laisser posséder eux-mêmes par l'Esprit de Dieu, qui n'a nul besoin de la lecture de la Bible pour nous toucher. Comme si celui qui ne sait pas lire serait automatiquement coupé de Dieu.

    Si les catholiques s'en remettent au magistère, c'est d'abord parce que ce magistère a su toujours évoluer, de manière lente mais permanente. Chaque Père de l'Église, chaque Docteur de l'Église, a même davantage vivifié et fait progresser l'Église que certains Conciles. Mais cette évolution s'est toujours faite par rapport à une meilleure compréhension de la volonté de Dieu. Alors que Vatican II me semble s'être préoccupé davantage de la volonté du monde. C'est l'Esprit de Dieu qui doit éclairer l'Église, et non pas l'esprit du monde. Sinon elle se fourvoie.

    Ensuite, les catholiques s'en remettent avec gratitude au magistère, simplement parce que l'interprétation et la compréhension des textes bibliques dépasse la simple capacité d'entendement du plus grand nombre. C'est assez évident, quand on voit que même de grands théologiens ne sont pas d'accord entre eux sur certains passages. Et ce n'est pas mépriser les gens que leur donner une aide à la compréhension de la Bible, c'est les aimer et les aider, c'est ne pas les laisser dans le brouillard et l'incompréhension. Un enseignant ne méprise pas ses élèves (au contraire) en les aidant à comprendre un texte, surtout un texte aussi dense et écrit de manière aussi symbolique ou poétique que la Bible.

    Enfin, je n'ai jamais cru qu'on évangélisait avec une Bible sous le bras ou en faisant lire la Bible à quelqu'un (pour autant déjà que ce quelqu'un sache lire). D'ailleurs certains athées ont décortiqué la Bible davantage que certains chrétiens, et ils n'ont pas été édifiés ou convertis. Il me semble que l'évangélisation et la conversion se font par l'exemple, par le témoignage d'une vie à la suite du Christ. Ou alors, par une expérience spéciale qui dépasse même notre compréhension, une espèce de révélation qui touche quelqu'un au moment où il ne s'y attend pas. Bref, je crois que la Bible ou les Actes des Apôtre s'écrivent encore tous les jours. L'Esprit Saint n'est certainement pas parti se reposer il y a 2000 ans.

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