Selon Jean-Marie Guénois, envoyé spécial du « Figaro » à Rome le pré-conclave organisé au Vatican attise les divergences entre les cardinaux :
« Un poids lourd reste un poids lourd. Il a beau avoir 85 ans, le cardinal Angelo Sodano (photo), ancien secrétaire d'État de Jean-Paul II, demeure une figure très active de la curie romaine. À commencer par le fait d'être le doyen du Sacré Collège, un poste clé pour préparer ce conclave. Lui est trop âgé pour entrer dans la chapelle Sixtine - il sera représenté, dans cette fonction de doyen, par l'un de ses proches, le cardinal Giovanni Battista Re, 79 ans. Mais, pour le moment, c'est lui qui mène la danse du pré-conclave en cherchant à accélérer le tempo de la musique. Il est bien placé, puisqu'il en est le chef d'orchestre. Sauf que la baguette, elle, ne semble pas être suivie, car une partie de l'orchestre entend jouer une autre partition. Il est toutefois loin d'être isolé. Il a pour lui la crédibilité d'avoir été le grand secrétaire d'État de Jean-Paul II: parcours sans faute d'un diplomate de formation, très bien secondé, vraiment à la hauteur de son poste, tant par son intelligence stratégique que par son tempérament. Il porte toutefois la responsabilité d'avoir tout fait pour protéger les agissements du fondateur des Légionnaires du Christ, le Mexicain Marcial Maciel, accusé d'abus sexuels, et d'avoir mené une politique du silence sur les affaires de pédophilie. Mais, aujourd'hui, à Rome, ces dossiers scandaleux sont considérés comme réglés. Et donc comme appartenant au passé
Rapprochement tactique
L'avenir, lui, est immédiat. Et c'est une question de journées. D'où le rapprochement tactique opéré par le cardinal Tarcisio Bertone, ancien secrétaire d'État de Benoît XVI, qui ne peut pas se prévaloir du même bilan, au même poste. Il est discrédité mais reste très puissant. Il est camerlingue, donc chargé de gérer les affaires courantes de la transition. Il siège avec Sodano à la tribune de la salle du pré-conclave, devant les cardinaux. Il est de notoriété publique que les deux hommes n'ont cessé de se critiquer sous le pontificat de Benoît XVI. Il faut bien constater aujourd'hui leur rapprochement.
Cette alliance totalement inattendue indique, selon plusieurs sources, que les «Italiens» sont en train de resserrer les rangs, alors qu'ils étaient profondément divisés. Un mouvement qui, s'il se confirme, ne sera pas sans conséquence sur l'élection du pape. Les Italiens pèsent un quart du collège cardinalice (49 cardinaux sur 209) et un quasi-tiers des électeurs (âgés de moins de 80 ans). C'est-à-dire 28 sur 115… À titre de comparaison, les Brésiliens disposent de 5 électeurs. Le continent africain, de 18! (…)
La vieille partition romaine
En face, il y a les «autres». (…). Le handicap de ces non-Italiens est qu'ils «débarquent», au sens propre du terme, pour la plupart. Et qu'ils ne sont pas organisés, puisque de cultures et de langues trop différentes. Sauf que, cette fois-ci, les cardinaux des États-Unis (11 électeurs), dont le bouillant Dolan, archevêque de New York et président de la Conférence des évêques, est la figure de proue, et les cardinaux allemands (6 électeurs) sont objectivement unis pour poser des questions qui dérangent. Et refuser de voir se rejouer cette vieille partition romaine, comme si de rien n'était.
Ici Vatican: le clan des Italiens contre les «étrangers»
Après tout, le pape est l’évêque de Rome, pas de Washington, ni de Berlin…
Commentaires
La nomination d'un Pape Italien serait une régression catastrophique pour l'Eglise qui se dit "universelle". La description de l'énorme influence de Soldano, un protecteur de Macial Marciel, signifierait un autre retour catastrophique vers une hypocrisie qui a fait tant de mal au catholicisme. Le Pape qu'il faudrait actuellement devrait plutôt être une sorte de nouveau Saint Augustin, un pécheur qui a avoué ses faiblesses et qui a reçu la grâce de pouvoir les surmonter. Seule une telle personnalité aurait l'autorité morale pour affronter ceux qui prônent l'abandon de toute résistance aux pulsions sexuelles, certainement le plus grand défi spirituel de notre époque.