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Les vieux débats de Vatican II sur la collégialité sont de retour

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jpg_1350796.jpgUne ère que l’on croyait close après Paul VI refait surface un demi-siècle plus loin, sous le règne d’un pape considéré comme « révolutionnaire ». Confondant peut-être l’image et la réalité, d’aucuns ressortent les vieilles lunes du tiroir, en proposant que le synode des évêques soit l’organe suprême de gouvernement de l’Église, une sorte de "concile permanent". Mais Vatican II avait exclu cette éventualité. Les cardinaux Müller et Ruini, d'accord avec Ratzinger cardinal et pape, expliquent pourquoi : à lire sur le site « Chiesa » de Sandro Magister. Extraits :

Les deux synodes qui sont programmés l’un pour le mois d’octobre de cette année et l’autre pour celui de l’année prochaine suscitent une attente fébrile non seulement en raison de la question qui va y être discutée – la famille et en particulier la "vexata quæstio" de l’accès des divorcés remariés à la communion – mais aussi en raison des prévisions qui concernent leur fonctionnement (…)..

Dans la ligne de l’intention manifestée par François d’associer à la primauté papale en ce qui concerne le gouvernement de l’Église une collégialité épiscopale plus réelle.

Les propositions de renforcement de l'institution synodale qui ont été faites par Enrico Morini dans la revue "Il Regno", par exemple, sont emblématiques de cette attente. Morini enseigne l’histoire et les institutions de l’Église orthodoxe à l'université d’état de Bologne et à la faculté de théologie d'Émilie-Romagne et il est président de la commission du diocèse de Bologne pour l'œcuménisme :

La proposition de Morini se présente sous la forme suivante :

"Un premier point est représenté par la transformation du synode des évêques en une assemblée qui soit non seulement consultative mais également délibérative, transformation prévue par le motu proprio 'Apostolica sollicitudo' du pape Paul VI en date du 15 septembre 1965.

"Le second point est représenté par la composition de ce synode des évêques, qui deviendrait l’organe suprême de gouvernement de l’Église latine (c’est-à-dire - pour employer une expression qui est malheureusement devenue désuète aujourd’hui - du patriarcat de Rome). Il serait constitué de représentants de toutes les conférences épiscopales nationales et de tous les cardinaux en fonction, mais uniquement d’évêques de rite latin : en effet l’organe suprême de gouvernement de l’Église universelle, auquel participent des évêques de tous les rites, est le concile œcuménique. Pour le moment, cependant, les thèmes prévus pour la discussion pourraient être soumis simultanément à l’examen des synodes des Églises orientales catholiques.

"Le Synode des évêques devrait être convoqué par le pape, qui le préside personnellement, ordinairement tous les deux ou même trois ans. Chaque réunion du synode des évêques devrait désigner, par élection, un conseil permanent de 12 évêques, tous cardinaux, chargés d’assister le pape dans le gouvernement ordinaire de l’Église. Ce conseil constituerait un 'synode permanent' doté, sous la présidence primatiale du pape, d’un pouvoir de décision, il serait convoqué tous les deux ou trois mois et renouvelé lors de la session suivante du synode, en réservant au pape le droit de veto afin de sauvegarder sa primauté".

D’après Morini, ce renforcement du rôle du synode devrait également influer sur le mécanisme de l'élection du pape.

Cette élection devrait continuer à être confiée uniquement aux cardinaux, en tant que représentants symboliques du clergé romain, à l’exclusion des patriarches catholiques orientaux. Mais les électeurs seraient tenus de choisir le nouveau pape parmi les 12 membres du conseil permanent du synode (…).

Toutefois le cardinal Gerhard Ludwig Müller, préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, a manifesté son opposition à cette proposition de renforcement du synode et à d’autres propositions du même genre.

Il l’a fait à Rome, le 29 avril, en présentant un volume où sont réunies toutes les interventions de Joseph Ratzinger, en tant que cardinal et en tant que pape, à propos de l'institution qu’est le synode.

"Le synode des évêques – a déclaré Müller – n’a pas pour fonction de remplacer ou de suppléer le pape ou le collège des évêques". Et par conséquent "on comprend pourquoi il a essentiellement et normalement une fonction consultative et non pas avant tout délibérative".

Mais le synode – a-t-il ajouté – ne peut pas non plus être assimilé à un "concile permanent" et encore moins remplacer un concile œcuménique :

"Le synode, en raison de sa nature, ne peut pas devenir un organe stable de gouvernement de l’Église, qui serait régi par des principes semblables à ceux qui régissent un grand nombre de démocraties ou d’institutions politiques. En témoigne le fait que ce n’est pas la majorité, mais bien le 'consensus' tendant à l’unanimité qui, en fait, constitue 'in ecclesia' le critère fondamental en fonction duquel les décisions sont prises, aussi bien au synode que dans toute autre assemblée ecclésiale éminente. […] S’il n’en était pas ainsi, la genèse des décisions ecclésiales serait dominée non pas par la vérité et par la foi, mais bien par la politique et par les lobbies".

On peut facilement prévoir que, au cours des prochains synodes, cette exigence d’un consensus presque unanime sera mise en œuvre contre ceux qui voudront permettre aux divorcés remariés d’accéder à la communion : une innovation qui a dès maintenant, parmi les cardinaux, des partisans déterminés, même s’ils sont loin d’effleurer l'unanimité.

En plus du cardinal Müller, une autre personnalité est intervenue lors de la présentation du livre contenant les textes de Ratzinger relatifs au synode : le cardinal Camillo Ruini.

Celui-ci s’est arrêté principalement sur un texte qui avait été lu par Ratzinger lors d’une réunion à huis clos en 1983, texte très peu connu jusqu’à hier et qui exclut très clairement l'attribution au synode de pouvoirs de gouvernement propres sur l’Église universelle.

"En effet – argumentait Ratzinger à cette occasion – la suprême autorité sur toute l’Église, dont jouit le collège [des évêques] uni au pape, ne peut, d’après la doctrine du concile Vatican II, être exercée que de deux manières : ou bien de manière solennelle lors d’un concile œcuménique ou bien par un acte commun des évêques du monde entier (Lumen gentium, 22)".Or le synode n’est ni l’un ni l’autre. Par conséquent, même dans le cas où des pouvoirs de délibération seraient attribués au synode, cela n’aurait lieu que par délégation du pape.

Ce n’est pas tout. "Ce qui est valable pour le synode est également valable pour des structures permanentes telles que le secrétariat du synode ou son conseil. Qui, 'a fortiori', reçoivent leur autorité du pape et dont les actes ne peuvent pas être définis comme collégiaux à proprement parler" (...).

Tout l’article ici : Pierre et les douze. Le débat à propos des pouvoirs du synode

Un reformatage aussi radical du gouvernement de l'Eglise est-il compatible avec sa nature et, accessoirement, avec le tempérament plutôt autoritaire du pape François ? Très peu probable, en effet. JPSC

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