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Le Liban gravement menacé

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D'Aide à l'Eglise en Détresse (international) (Olivier Maksan) :

« Que restera-t-il du Liban ? »

Son Éminence le cardinal Bechara Boutros Rai, patriarche maronite, s’inquiète de l’équilibre religieux au Liban. Le chef de l’Église maronite unie à Rome exprimait récemment ses inquiétudes dans un entretien accordé à l’œuvre internationale de bienfaisance catholique Aide à l’Église en Détresse (AED) au siège du patriarcat de Bkerké, au Liban.

Conséquences économiques, sociales et culturelles

« En ce qui concerne la coexistence des musulmans et des chrétiens au Liban, il n’y a pas de problème. Tous les Libanais veulent cette coexistence. Notre grand problème, ce sont les réfugiés syriens. Il s’agit de plus de 1,5 million de personnes. Bien entendu, c’est une obligation humanitaire de les aider. Et l’Église fait beaucoup. Mais la plupart d’entre eux sont des sunnites. Sur le plan politique et religieux, ils peuvent être exploités par les sunnites libanais.  Nous avons déjà fait la même expérience avec les Palestiniens. Dans les années 1970, c’était eux qui avaient déclenché la guerre civile contre les Libanais et l’armée libanaise. À l’époque, les sunnites libanais s’étaient ralliés à eux. Cela pourrait se reproduire aujourd’hui. L’année dernière, lors de la première confrontation entre l’armée libanaise et l’État islamique (ÉI), l’armée a été attaquée par des sunnites armés syriens. À long terme, c’est une bombe à retardement. La guerre en Syrie et en Irak doit cesser afin que les gens puissent retourner dans leur pays. Le temps qui passe ne joue pas en notre faveur », explique le cardinal.

En outre, le cardinal a déploré les conséquences économiques pour le Liban résultant de la très grande quantité de réfugiés syriens. « Les Syriens veulent manger, naturellement. C’est pourquoi ils travaillent à des tarifs inférieurs à ceux des Libanais. Mais c’est aussi la raison pour laquelle les Libanais perdent leur emploi. Les Syriens ouvrent des magasins où les prix sont inférieurs à ceux des magasins libanais. Voilà pourquoi certains Libanais ont déjà émigré. »

Par ailleurs, les conséquences sociales et culturelles seraient graves. « À long terme, que restera-t-il du Liban et de la culture libanaise, si plus de 1,5 million de Syriens vit dans notre pays ? , s’inquiète le patriarche. Évidemment, ces changements ne restent pas sans conséquences pour les chrétiens du Liban. Les chrétiens veulent la liberté et une bonne vie. C’est pour ça qu’ils vendent tous leurs biens et émigrent. Le risque s’accroît que tout le Proche-Orient perde lentement sa présence chrétienne. C’est pourquoi l’Occident doit commencer à prendre conscience de la gravité de la situation. »

Un grand besoin de miséricorde

Le cardinal souhaite attirer l’attention de l’Occident sur la situation des chrétiens du Proche-Orient : « Les responsables politiques doivent comprendre que la guerre en Syrie doit s’arrêter. La communauté internationale doit cesser de fomenter la guerre et de l’alimenter. Le trafic des armes doit cesser. Ils doivent faire fi de leur fierté et tous s’asseoir autour d’une table pour trouver une solution politique. Mais leur fierté le leur interdit. Cette fierté dissimule des intérêts économiques qui visent le gaz naturel et le pétrole. »

Le cardinal Rai pense que groupes extrémistes islamiques tels que l’ÉI, Al Qaïda et An-Nusra auraient été créés par des États occidentaux et arabes et soutenus par de l’argent et des armes afin de les utiliser comme instruments pour leurs intérêts économiques et politiques : « Ils ne sont tout de même pas tombés du ciel, non ? Mais maintenant, ils représentent une arme contre le monde entier. »

Selon le cardinal Rai, la seule issue consisterait dans une solution politique en Syrie. « Pourquoi Assad n’est-il pas tombé comme Moubarak en Égypte ou Ben Ali en Tunisie ? Dans ces pays, la population entière était contre eux. En Syrie pas. Là, la population est du côté du président. Récemment, des élections s’y sont déroulées, qui ont confirmé le mandat d’Assad. L’Occident ne veut pas reconnaître ces élections. On dit qu’elles auraient été truquées. Mais il faut parler avec Assad. Le dialogue entre le gouvernement et l’opposition est décisif. En France par exemple, on m’a dit que l’opposition ne voulait pas discuter avec Assad. Mais avec qui voulez-vous qu’ils parlent sinon pour résoudre le conflit ? »

Par ailleurs, le cardinal Rai a expliqué que les musulmans du Proche-Orient avaient besoin de Jésus-Christ et des valeurs de l’Évangile. « De quoi les musulmans du Proche-Orient entendent-ils parler aujourd’hui ? De la guerre, de la haine, de la persécution, des assassinats, des déplacements, du fondamentalisme. Mais il faudrait qu’ils entendent parler de choses comme la paix, la justice, les droits de l’homme, le respect de la vie, la fraternité, la liberté et le respect d’autrui. Ils ont besoin du contrepoison de l’Évangile de Jésus-Christ. Il faut qu’ils puissent écouter un autre langage. Ici, on ne parle pas d’amour et de paix. On parle de guerre et de haine. »

Dans ce contexte, le patriarche désigne l’Année sainte commençant en automne comme un « geste prophétique » de Sa Sainteté le pape François. « Il n’y a pas de miséricorde dans le monde qui en a pourtant besoin, surtout de nos jours. Nous prions afin que nous autres chrétiens puissions être des apôtres et des héros de la miséricorde. » (...)

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