Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Traductions liturgiques : le torchon brûle-t-il entre le pape et le Préfet de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements ?

IMPRIMER

De Nicolas Senèze sur le site du journal La Croix :

Traductions liturgiques, le pape François désavoue le cardinal Sarah

Alors que le cardinal Sarah cherchait à atténuer la portée du motu proprio Magnum principium, publié début septembre sur les traductions liturgiques, le Vatican a publié dimanche 22 octobre une lettre du pape recadrant le préfet de la Congrégation pour le culte divin. Pour François, les traductions liturgiques peuvent subir des adaptations.

C’est une sévère mise en garde que le pape François vient d’adresser au cardinal Robert Sarah à propos des traductions liturgiques. Dans une lettre écrite le 15 octobre dernier et publiée – de manière très inhabituelle – par le Saint-Siège dimanche 21 octobre, le pape recadre en effet de manière très claire son préfet de la Congrégation pour le culte divin à propos de la mise en œuvre du motu proprio Magnum principium.

Redonner la responsabilité des traductions aux conférences épiscopales

Dans ce texte publié le 9 septembre 2017, François entendait en effet redonner aux conférences épiscopales la responsabilité de la traduction des textes liturgiques. La traduction de ces textes faisait l’objet d’un sévère contrôle romain depuis l’instruction Liturgiam authenticam, publiée en 2001 sous Jean-Paul II, en vertu de laquelle Rome avait fini par imposer ses propres traductions aux épiscopats.

RELIRE : L’autorité des évêques renforcée en matière liturgique

Une façon de faire sur laquelle François entendait revenir en redonnant la responsabilité des traductions aux conférences épiscopales, leur travail ne devant plus obtenir que la « confirmation » (confirmatio) du Saint-Siège et non plus son « autorisation » (recognitio) comme c’était le cas jusqu’ici.

La réforme du pape François n’a rien changé pour le cardinal Sarah (voir ICI)

Néanmoins, dans un « commentaire » du motu proprio adressé au pape puis publié par certains sites traditionalistes, le cardinal Sarah expliquait que la réforme du pape François n’avait rien changé. « Comme la recognitio, la confirmatio n’est en aucun cas une formalité », écrivait notamment le cardinal, pour qui cette dernière « présuppose et implique un examen détaillé de la part du Saint-Siège, et la possibilité pour ce dernier de conditionner sine qua non la confirmatio à la modification de certains points particuliers qui pourraient être exigés par le fait qu’ils ne répondent pas au critère de “fidélité”. »

RELIRE AUSSI : Les priorités liturgiques du cardinal Sarah

Or, rien de tel pour le pape François. « Avant tout, il faut mettre en évidence l’importance de la nette différence que le nouveau motu proprio établit entre recognitio et confirmatio », écrit clairement le pape pour qui son texte « abolit la pratique, adoptée par (la Congrégation pour le culte divin) à la suite de Liturgiam authenticam ». Et de bien préciser qu’« on ne peut donc pas dire que recognitio et confirmatio sont” strictement synonymes” ».

Au contraire, affirme François, « Magnum principium ne soutient plus que les traductions doivent être conformes en tout point aux normes de Liturgiam authenticam, comme cela arrivait par le passé. » Il explique que « la confirmatione suppose donc plus un examen détaillé mot à mot, excepté dans les cas évidents qui peuvent être faits aux évêques pour leur réflexion ultérieure. Cela vaut notamment pour les formules importantes, comme les prières eucharistiques et en particulier les formules sacramentelles approuvées par le Saint-Père ».

Désaveu sans ambiguïté pour le cardinal Sarah

Et il ajoute son propre commentaire du mot « fidèlement », sur lequel le cardinal Sarah s’appuyait pour conserver une complète surveillance sur les traductions liturgiques. Ce mot, explique le pape, « implique une triple fidélité : en premier au texte original, aux langues particulières dans lesquelles il est traduit et, enfin, à la compréhensibilité du texte de la part des destinataires ». Contrairement à la pratique de la Congrégation pour le culte divin, François admet donc des adaptations du texte original latin pour que la traduction soit compréhensible.

« En ce sens, la recognitio indique seulement la vérification et la sûreté de la conformité au droit et à la communion de l’Église », insiste le pape, qui énonce clairement que « le processus de traduction des textes liturgiques importants »,comme le Credo et le Notre Père, « ne doit pas mener à un esprit d’“imposition” aux conférences épiscopales d’une traduction faite par le dicastère ». S’il concède que « la recognitio n’est pas un acte simplement formel », il rappelle aussi « l’esprit de dialogue » entre Rome et les conférences épiscopales que demandaient son motu proprio.

Enfin, alors que le texte du cardinal Sarah « a été publié sur de nombreux sites Web, et de manière erronée attribué à votre personne », le pape demande « courtoisement » à son préfet « de veiller à la divulgation de ma réponse sur les mêmes sites ainsi que de l’envoyer à toutes les conférences épiscopales ». Un désaveu sans ambiguïté pour le cardinal Sarah.

––––––

Repères

De nouvelles normes pour les traductions liturgiques

• Le motu proprio Magnum principium

Publié le 9 septembre 2017, il modifiait le canon 838 du Code de droit canonique.

• Le paragraphe 3 du canon 838

Modifié, ce paragraphe prescrit désormais qu’« il appartient aux conférences des évêques de préparer fidèlement les traductions des livres liturgiques en langues vernaculaires, en les adaptant de manière appropriée dans les limites fixées, d’approuver et de publier les livres liturgiques, pour les régions relevant de leur compétence, après confirmation par le Siège apostolique ».

------------------------

Les points de vue liturgiques du cardinal Sarah et du pape Bergoglio s’opposent frontalement. Le premier appelle de ses voeux une réforme de la réforme de Paul VI pour faire converger les deux formes du rite romain, de sorte qu’elles s’enrichissent mutuellement: dans l’espoir avoué de restaurer un jour l’unicité du rite. Le second veut au contraire diversifier encore davantage les célébrations dites ordinaires et barrer la route à toute convergence centripète qui désenclaverait la forme traditionnelle de la messe.

Il reste donc au cardinal Sarah à se soumettre, à se démettre ou être démis : tôt au tard, comme tous les cardinaux qui osent résister au pasteur suprême.

JPSC

Commentaires

  • C'est plutôt l'Eglise institution qui brûle.
    Et nous sommes obligés d'assister passivement à cette destruction en règle : nous savons que l'intention est de révolutionner l'Eglise de façon irréversible.
    Certaines rumeurs peu fiables ont parlé d'un projet d'abandon définitive de la cité du Vatican. Mais on peut s'attendre à tout. Et ce n'est que le début.

    Malgré tout, nous devons garder le sens de l'Eglise, contre vents et marées.

  • « Jules a des moustaches – Je répète – Jules a des moustaches »
    « Les lapins ont de grandes oreilles – Je répète – Les lapins ont de grandes oreilles ».
    « Les sanglots longs des violons de l’automne blessent mon cœur d’une langueur monotone » ……..

    C’est à peu près de cette façon que nous parle l’épître aux thessaloniciens 2 TH 2:1-12. Pas étonnant dès lors que personne n’y ait encore rien compris jusqu’à présent. Mais peut-être y a-t-il quelqu’un qui s’y connaît ou s’y reconnaît. Apparemment, ce message - codé - nous annonce la venue de deux personnes qui doivent coexister, donc vivre à la même époque et ensemble :
    • Le premier est certainement très important car il retient la venue du Jour du Seigneur, c’est-à-dire que, tant qu’il n’est pas venu, le Seigneur aussi ne viendra pas,
    • Le deuxième est certainement très contrariant car il retient la venue du premier et donc, il faut d’abord l’écarter pour permettre la venue du premier.

    A qui donc sont destinés ces messages ? S’agit-il de « caprices » de l’Ecriture ou d’informations pour brouiller les pistes ? Peut-être ne saurons-nous jamais ce que cela voulait dire ou bien seulement lorsque cela se sera accompli, c’est-à-dire quand il sera trop tard :
    « Ah ! Si je connaissais le con qui a fait sauter le pont ! » (Film – 7ème Compagnie)

  • @ Aube nouvelle

    Vous connaissez très certainement une des scènes représentées sur un mur de la chapelle San Brizio (cathédrale d'Orvieto). Derrière les deux personnages qui se trouvent à l'avant-plan (on ne sait d'ailleurs pas qui agit, ou plutôt on devine que l'un fait agir l'autre, tant ce dernier prête l'oreille à l'inspirateur que nous savons être le diable), on peut voir un groupe de religieux, les Ecritures dans la main, sans doute en train de discerner par rapport au spectacle qu'ils ont sous leurs yeux.

    Pendant qu'à l'arrière, l'ennemi assiège le temple sacré.

    Vous formulez les choses mieux que je les aurais exprimées moi-même (l'objectif n'étant évidemment pas de choquer la galerie). Mais je pense au contraire que ces choses ont été écrites longtemps à l'avance pour que ceux qui devaient un jour vivre ces événements ne soient pas troublés. Peut-être aussi pour en appeler à la responsabilité de ceux qui, individuellement ou collectivement, ne peuvent pas un jour ne pas se reconnaître.

    Les articles 673 et suivants du Catéchisme sont le reflet fidèle de l'Ecriture, vous le savez aussi. Nous sommes avertis, nous savons qu'une épreuve douloureuse est annoncée. Or, le Christ Notre Seigneur a dit que le monde passerait, mais que ses paroles ne passeraient pas.

    Soit dit en passant, qui aurait l'idée d'inventer une histoire qui montre les principaux protagonistes - témoins comme des lâches ou renégat, de laisser entendre qu'à la fin, c'est-à-dire lors du second avènement du Christ, la question se poserait de savoir si celui-ci trouverait encore la foi sur la terre ? Sans oublier le personnage central de l'histoire qui meurt crucifié, un seul disciple ayant eu le courage de le suivre jusqu'au bout... ni ces femmes, aimant le Seigneur plus que leur propre vie. L'heure des choix arrivera, c'est une certitude.

  • D'un côté, le cardinal Sarah, saint Jean-Paul II et le pape Benoît XVI, de l'autre, le pape François. Qui, le pauvre cardinal Sarah va t-il désavouer?

  • Cet épisode, particulièrement navrant, était hélas prévisible.
    Déjà, la nouvelle instruction avait été signée par le secrétaire du Dicastère plutôt que par le Préfet. Que reste-t-il d'autre à faire pour :le pauvre Cardinal Sarah que d'offrir sa démission...? Puisque le voilà publiquement dépouillé de son autorité avec la brutalité coutumière chez Bergolio.
    Sur le fond, "Magnum principium" est évidemment une catastrophe pour l'unité de la Liturgie.

  • Le Cardinal Sarah n'en a plus pour très longtemps à la tête de son dicastère. Le Pape croyait le contenir en le nommant Préfet mais c'était sans compter sur l'esprit de résistance de ce Cardinal, qu'on peut dire éminent sans mentir.

  • Les conférences nationales des évêques n'ont AUCUN fondement théologique ; c'est une superstructure bureaucratique... Seul l'évêque est le pasteur légitime, derrière l'unique Bon Berger. Le reste, c'est du gras, de la couenne.

  • @ PR Mélon

    Avec « Magnum Principium » Rome perd, à quelques réserves près, le droit au dernier mot sur la gouvernance des traductions des livres liturgiques au profit des conférences épiscopales : c’est ce que le pape François a explicitement signifié au Cardinal Sarah, en priant le malheureux prélat de rétracter sa propre lecture du motu proprio en lui ordonnant de diffuser lui-même celle du pontife régnant...

    Comme l’écrit en forçant un peu le trait le liturgiste Denis Crouan sur son site « Pro Liturgia », avec “Magnum principium” on ne pourra bientôt plus parler de “rite” romain mais simplement d’un “schéma” formant une sorte de trame autour de laquelle viendront se fixer des pratiques adaptables, interchangeables, évolutives en fonction des évolutions de la société, de la culture, des mentalités.

    En fait, ce dictatus papae entérine une pratique déjà largement répandue de facto dans la forme ordinaire du rite romain. Juste le contrepied de ce que voulait Benoît XVI.

Les commentaires sont fermés.