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Sapiens ?

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Une chronique de l’abbé Eric de Beukelaer dans « La libre Belgique » :

« Si nos ancêtres ont commencé à se poser des questions de sens, un "sens" ne mérite-t-il pas d’être recherché ?

Cet été, j’ai lu "Sapiens", le best-seller de Yoval Noah Harari (éd. Albin Michel), qui me fut offert par une amie athée. Dans un style accessible, cet ouvrage érudit décrit l’avènement de notre espèce - le "Sapiens" - et sa conquête de la terre. Ainsi, l’auteur souligne que ce qui rendit notre aïeul supérieur à ses cousins "Erectus" ou "Neandertalis" (et lui permit au passage d’éliminer nombre d’espèces animales…) fut sa capacité à déployer son imagination et à communiquer grâce au langage. Avec pour effet que des bandes de chasseurs-cueilleurs se sont fédérées en villes et nations, car unies par des mythes fondateurs. L’univers du religieux engendra ainsi l’ordre politique, et l’intelligence humaine coopéra, de la sorte, à plus grande échelle. Autrement dit, ce serait sa capacité à se raconter des histoires et à y croire, qui aurait rendu Sapiens maître du monde.

Je suis disposé à admettre cette théorie, mais le regard strictement matérialiste de l’auteur, limite son analyse. Si l’ouvrage illustre "comment" la religion serait apparue et en vue de quel gain évolutif, jamais n’est abordée la question du "sens" de pareille évolution. Je m’explique par comparaison : les sciences naturelles ont démontré que des poissons ont commencé à évoluer en dehors du milieu aquatique en développant des poumons à partir de branchies. Pareil gain évolutif fut cependant possible… parce que l’oxygène existe. Pourquoi en serait-il autrement avec l’accès de Sapiens à la pensée religieuse ? Si nos ancêtres ont commencé à se poser des questions de sens, n’est-ce pas aussi parce qu’un "sens" mérite d’être recherché ? Par la conscience qu’il a de lui-même, Sapiens n’est pas prisonnier de l’instant. Il s’appartient mentalement et devient de la sorte le gardien de son passé. Ceci le rend curieux de son avenir. La démarche religieuse - qu’elle soit primitive et magique, ou élaborée et éthique - ouvre l’homme à ce qu’il cherche plus encore que du pain : le sens de sa vie. Evidemment, la question de fond demeure : la quête religieuse rejoint-elle une réalité transcendante ("Dieu" pour le croyant) ou n’est-elle qu’une géniale prothèse, inventée par Sapiens pour nourrir son goût de vivre ? La raison humaine n’est pas en mesure de trancher pareil dilemme. L’acte de foi (croyant ou athée) est un passage obligé. Mais la question, elle, ne peut être éludée.

Pour illustrer mon propos, imaginons une tribu amazonienne, préservée de tous contacts avec l’Occident, à laquelle un explorateur apporterait un poste de télévision. Dans un premier temps, les indigènes pensent que les images habitent la petite boîte magique et une grande crainte se saisit du village. Mais bientôt la curiosité l’emporte et après avoir tué l’explorateur, ils s’en prennent à l’objet. Le plus vaillant des guerriers s’avance et lui fracasse la carapace. Tous découvrent alors qu’elle ne contient aucune image, mais des pièces muettes qu’ils jettent dans le fleuve. Le soir venu, la tribu entonne une danse de victoire, tout en dégustant l’explorateur. Par leur bravoure, ils ont vaincu la machine à image et découvert qu’elle n’était que du vent ! Dans un coin, seul le vieux sorcier demeure pensif : mais alors, ces images d’où venaient-elles ? Ne représenteraient-elles pas à un autre monde lequel - bien qu’"ailleurs" - n’en serait pas moins réel ? Notre civilisation me fait penser à ces indigènes. La boîte à symboles qu’était la religion de nos grands-mères faisait peur avec ses menaces de damnation. Nous l’avons donc déconstruite en mettant à nu ses innombrables rouages psychologiques, sociologiques et historiques. Puis, beaucoup ont tout jeté aux oubliettes de l’histoire. Mais la question demeure : et si le message de la religion renvoyait Sapiens à une Réalité autrement plus réelle que les mirages dont la société de consommation gave son quotidien ?

--> Le titre est de la rédaction. Titre original: Sapiens...

Contribution externe »

Ref. La religion, un outil pour conquérir la terre?

Vraiment et pour quoi faire ?

Par l’homme, écrivait Pascal, l’univers sait qu’il existe. La conscience réflexe révèle une nouvelle dimension de notre univers et, par là même,  l’ampleur du drame de sa condition mortelle. Car la figure de ce monde passera comme celle de chaque homme après quelques tours de carrousel autour d’une étoile perdue dans l’innombrable cortège des galaxies dont la course est sans objet apparent. Rien mieux que l’art funéraire alexandrin exposé au musée des antiquités d’Athènes ne peut rendre l’infinie tristesse d’un monde sans véritable espérance : dans la religion du monde gréco-romain, les dieux eux-mêmes sont soumis à la fatalité aveugle du destin, dont ce monde fut en fin de compte libéré par la foi chrétienne. Que celle-ci s’étiole à son tour, on voit aussitôt réapparaître, comme de nos jours, les tentations mortifères d’une civilisation au déclin. Après Bernanos et de Lubac au siècle dernier, Rémi Brague (Prix Ratzinger 2012) a bien montré l’impasse à laquelle se heurte l’humanisme athée contemporain.

JPSC

Commentaires

  • L' exemple des " images télévisées perdues " imaginé par le Père Eric de Beukelaer est très convaincant. Il parle à notre intelligence, à notre sensibilité . Je 'm'en suis déjà servie avec des amis agnostiques et je dois dire que cet exemple les laisse rêveurs. On sentait que leur coeur s'était ouvert.
    " La vraie vie est ailleurs " disait le jeune Rimbaud qui ne savait pas encore que lui même mourrait saintement ( témoignage du prêtre qui l ' a accompagné à la fin de sa vie)

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