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Retour sur une candidature féminine à l'archevêché de Lyon

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De Jean Duchesne sur aleteia.org :

Madame l’archevêque ?

22 juin 2020

Il y a un peu plus d’un mois, une femme s’est proposée comme archevêque de Lyon. Les arguments sont inadéquats et les vraies questions sont ailleurs.

On a pu lire dans la presse que la titulaire d’une maîtrise de théologie se portait candidate à la fonction d’archevêque de Lyon. Comme tout ce à quoi on n’aurait pas pensé spontanément, cette nouvelle a été dûment commentée. Ce serait pratiquement la même chose si un pilier de rugby déclarait s’inscrire au concours de Miss France. Les gloses sur l’événement sont d’autant plus méritoires que chaque mot de l’annonce est problématique, si bien qu’on peut se demander s’il y a là un message intelligible.

Candidature

On ne peut postuler à un poste ou siège vacant que s’il y a appel à candidature. On peut bien sûr faire savoir qu’on est intéressé, et c’est même nécessaire si le choix doit être fait au moyen d’une élection. Or ce n’est en l’occurrence pas le cas. Aucune offre d’emploi n’a été ni ne sera publiée et il n’y aura pas de vote. Non que ce soit exclu dans l’Église : les cardinaux élisent le pape, les moines leur abbé et les évêques d’un pays leur président. Mais il s’agit chaque fois de désigner un primus inter pares : un responsable et représentant de frères du même ordre ou rang. En revanche, un prêtre et a fortiori un évêque ne sont pas promus par le suffrage populaire. Ce n’est pas par méfiance envers la démocratie, ni parce que cela serait lourd et délicat à organiser (inscrire les électeurs, organiser la campagne, le scrutin…).

Mais le principe est que l’on ne se donne pas à soi-même un tel rôle et qu’on ne le reçoit pas non plus de ceux au service desquels il s’exerce, ni à la suite d’un sondage ou d’une pétition. C’est une mission donnée par le Christ lui-même aux apôtres qu’il a choisis et qui la perpétuent en consacrant des successeurs et des associés. Ceux-ci répondent à un appel qui vient de Dieu (c’est pourquoi on parle de vocation) et que l’Église apostolique authentifie avant de les ordonner. Ici, il eût été adéquat que la candidate à l’archiépiscopat commençât par faire état de l’appel qu’elle aurait perçu et qui serait la seule motivation qui puisse crédiblement motiver une postulation.

Archevêque

Il n’est pas indifférent de prendre en vue la nature de la fonction briguée. À regarder les propos rapportés de la respectable épouse et mère de famille qui se propose, il s’agit essentiellement de « gouvernance ». Mais est-ce à cela que se résument les tâches incombant à tout évêque ? Ce n’est qu’une des trois missions qu’il reçoit, selon la constitution Lumen gentium de Vatican II. À côté du gouvernement et même avant lui, il y a l’enseignement et la sanctification, c’est-à-dire d’abord la prédication et la transmission de la foi, et ensuite l’administration des sacrements avec la présidence des liturgies.

Le « gouvernement » pour sa part concerne les relations au jour le jour de l’évêque avec ses collaborateurs et avec les fidèles. Peut-on dissocier cet aspect-là des deux autres ? Il est clair que l’autorité pastorale est conférée non pas « d’en-bas » — par la nécessité d’organiser et d’aider concrètement —, mais « d’en-haut », comme découlant de celle de « docteur » (pour enseigner) et du sacerdoce du « liturge ». Cela dit, l’évêque, s’il est forcément responsable, ne peut pas tout faire lui-même quand l’Église a une surface sociale. Il a des associés et délégués, que lui-même, un de ses prédécesseurs ou l’évêque d’un autre diocèse a ordonnés prêtres ou diacres. Et il confie aussi — et c’est déjà et de plus en plus le cas — des missions à des laïcs, dont des femmes, dans les domaines non sacramentels : enseignement et gouvernement.

Femme

Rien ne s’oppose donc à ce qu’une femme participe au gouvernement ou à la transmission et l’approfondissement de la foi dans une Église locale, pourvu qu’elle y soit, comme n’importe quelle personne, affectée par l’évêque et agisse sous sa responsabilité. Mais elle n’a pas besoin de recevoir pour cela le sacrement de l’ordre. L’honorable journaliste et féministe qui revendique la succession du cardinal Barbarin semble d’ailleurs vouloir laisser aux prêtres en place le soin de toutes célébrations. Elle n’affiche pas non plus d’intention d’ordonner des prêtresses.

Ceci peut confirmer que cette étrange candidature à une fonction religieuse qui ne serait que très partiellement assumée n’a pas de ressorts proprement théologiques. Elle vise plutôt à promouvoir « la cause des femmes » dans la société en prenant pour cible l’Église, parce que celle-ci ne se laisse pas entraîner dans la tendance actuelle à imposer une stricte égalité entre les sexes. On comprend que l’estimable dame qui se déclare prête à trôner sur le siège primatial de Lyon et qui est sans doute sincèrement croyante, voudrait que son Église soit en pointe plutôt qu’à la traîne dans cette évolution que certains jugent aussi inéluctable qu’on a autrefois cru le Progrès.

Les vraies questions

On comprend aussi pourquoi cette revendication féministe est soutenue par des incroyants qui ne devraient pas se sentir concernés : ce qui est contesté sous prétexte que tout est politique est l’originalité de l’Église dans la société où elle s’insère. Or il ne peut pas être répondu à la question de savoir si une femme peut postuler à un archevêché. Ce qui rend la demande irrecevable n’est pas simplement qu’elle vient d’une femme. C’est que celle-ci veut seulement gouverner et non remplir toutes les obligations d’un évêque. C’est aussi qu’une telle mission requiert une vocation qui doit être reconnue sans qu’une postulation unilatérale suffise et encore moins le principe de non-discrimination entre les sexes dans la société profane. 

Mais les raisons pour lesquelles cette requête est sans objet méritent d’être creusées. Dans quelle mesure l’Église peut-elle et même doit-elle se couler dans les moules évolutifs du monde ? Est-ce uniquement en raison des mentalités de l’époque où il s’est révélé que Dieu s’est laissé concevoir comme masculin, que son Fils s’est incarné en un homme et n’a pas appelé de femme parmi ses apôtres, bien qu’il ne les ait manifestement point méprisées ? Cela rend-il les femmes inférieures ou justifie-t-il qu’elles se sentent infériorisées ? En quoi cette masculinité de Dieu ne se réduit-elle pas à sa version humaine (et animale) du mâle et ne doit-elle pas en être déduite ? Pourquoi Adam est-il présenté, dans les récits de la Création, comme incomplet ou inachevé sans Ève ? Que signifie que le seul être purement humain qui soit parfait est une femme : la Vierge Marie ? Les sexes sont-ils équivalents au point qu’absolument toute fonction puisse être remplie indifféremment par un homme ou par une femme ? Est-ce là « le sens de l’Histoire » selon le dessein de Dieu ? Le sexisme est-il un mal assimilable au racisme ou à l’oppression des pauvres ? Les deux moitiés de l’humanité constituent-elles des castes homogènes qui ne peuvent vivre en harmonie qu’en abolissant ce qui les distingue ou en le niant ? S’il vaut mieux faire l’effort de s’interroger plutôt que se contenter de faire du bruit, il y a du pain sur la planche…

Commentaires

  • Dieu le Père, Dieu le Fils (masculins) ... On pourrait ajouter qu'en hébreu, Esprit (Ruah) est féminin ?

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