21 février 2022
Face aux recours de diocèses pour défendre l'accès de fidèles à la messe selon l'ancien rite, le pape publie un rescrit retirant tout pouvoir aux évêques locaux sur ce dossier. Rome décidera seul désormais.
Le pape François resserre l'étau autour des traditionalistes. Lors d'une audience accordée ce lundi au cardinal anglais Arthur Roche, préfet du dicastère pour le culte divin et la discipline des sacrements, le pape a formellement validé un rescrit, sorte de décret juridique, retirant quasiment tout pouvoir de gestion du dossier traditionaliste aux évêques locaux, au profit du seul Vatican. Le texte a été publié ce mardi.
Rome devient ainsi le décideur ultime sur deux points précis. Le premier est l'autorisation éventuellement accordée à de jeunes prêtres ordonnés après le 16 juillet 2021 de célébrer la messe selon l'ancien missel de 1962, en vigueur avant le concile Vatican II, surnommée « messe en latin ». Le second est la possibilité d'utiliser une église paroissiale ou d'ériger une paroisse personnelle pour la célébration eucharistique selon l'ancien rituel. Sur ces deux points, l'évêque local ne pourra plus rien décider sans le feu vert romain.
C'est Benoît XVI qui avait permis en 2007 que la célébration de la messe selon l'ancien rituel catholique soit possible au titre d'un rite « extraordinaire » et dans un souci de « réconciliation ». À certaines conditions toutefois, dont l'existence d'une communauté de fidèles « stable » qui devait attendre l'autorisation de l'évêque local, alors chargé de ce discernement.
Mais le succès pastoral obtenu depuis par ces communautés traditionalistes, aux États-Unis et en France notamment (affluence, forte présence de jeunes et de familles, vocations sacerdotales et religieuses nombreuses), a conduit François à abroger juridiquement le 16 juillet 2021 cette libéralité pour éviter, disait-on à Rome, la constitution d'une Église catholique « parallèle » considérée très critique sur la réforme liturgique du concile Vatican II.
« Autoritarisme »
L'une des clés de cette reprise en main pour rétablir une « seule et unique » façon de célébrer la messe, le rite « ordinaire » issu du concile Vatican II (1962-1965), face au peuple et dans la langue parlée par les fidèles, fut la suppression de l'existence juridique de ce rite « extraordinaire » et d'enlever à l'évêque local tout pouvoir en la matière.
Aux États-Unis, plusieurs évêques favorables aux traditionalistes, dans les diocèses de Knoxville (Tennessee), Lake Charles (Louisiane), Portland (Oregon), Springfield, (Illinois) et Denver (Colorado) notamment, ont joué du droit canonique - le droit de l'Église et de son article 87 – pour contester la décision du pape François.
Cet article stipule : « Chaque fois qu'il le jugera profitable à leur bien spirituel, l'évêque diocésain a le pouvoir de dispenser les fidèles des lois disciplinaires tant universelles que particulières portées par l'autorité suprême de l'Église pour son territoire ou ses sujets. » Sauf cependant pour les lois dont « la dispense est spécialement réservée au Siège apostolique ou à une autre autorité ».
C'est bien le point visé par la publication du rescrit du 20 février. Signé par le cardinal Roche et autorisé par François, il empêche le recours à cet article 87 car il réserve toute « dispense » en matière liturgique au seul Siège apostolique.
Deuxième intervention magistérielle
Autre consolidation : la forme juridique du rescrit, signé par un cardinal sous l'autorité du pape, le fait entrer désormais dans le domaine du « magistère pontifical ». On ne peut plus lui opposer la fantaisie éventuelle du cardinal signataire. Il a acquis l'autorité maximale.
Ce rescrit est la deuxième intervention magistérielle pour imposer le motu proprio du 16 juillet 2021, qui ne passe pas dans les milieux traditionalistes. Le 18 novembre 2021, un document technique, « Responsa ad dubia », avait déjà mis les points sur les i dans le même sens, mais sans parvenir à éteindre la fronde. D'où le recours à cette forme juridique. Il pourrait aussi annoncer un document encore plus contraignant contre les communautés traditionalistes au printemps prochain.
Une évolution qui inquiète plusieurs évêques français, pourtant modérés, qui voient réduite leur responsabilité par un « autoritarisme » pontifical affichant pourtant une ambition « synodale » de gouvernement partagé et non imposé « d'en haut ».
Le rescrit :
RESCRIPTUM EX AUDIENTIA SS.MI, 21.02.2023
[B0150]
Le Saint-Père, lors de l'audience accordée le 20 février au soussigné Cardinal Préfet du Dicastère pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, a confirmé ce qui suit concernant la mise en œuvre de Son Motu Proprio Traditionis custodes du 16 juillet 2021.
Ces dispenses sont réservées de manière spéciale au Siège Apostolique (cf. C.I.C. can. 87 §1) :
l'utilisation d'une église paroissiale ou l'érection d'une paroisse personnelle pour la célébration de l'Eucharistie en utilisant le Missale Romanum de 1962 (cf. Traditionis custodes art. 3 §2) ;
l'octroi de la permission aux prêtres ordonnés après la publication du Motu proprio Traditionis custodes de célébrer en utilisant le Missale Romanum de 1962 (cf. Traditionis custodes art. 4).
Comme le prévoit l'art. 7 du Motu proprio Traditionis custodes, le Dicastère pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements exerce l'autorité du Saint-Siège dans les cas susmentionnés, en surveillant l'observation des dispositions.
Si un évêque diocésain a accordé des dispenses dans les deux cas susmentionnés, il est tenu d'en informer le Dicastère pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, qui évaluera les cas individuels.
En outre, le Saint-Père confirme - après avoir déjà exprimé son assentiment lors de l'audience du 18 novembre 2021 - ce qui a été établi dans les Responsa ad dubia avec les Notes explicatives annexées du 4 décembre 2021.
Le Saint-Père a également ordonné que ce Rescrit soit publié dans L'Osservatore Romano et, par la suite, dans le commentaire officiel des Acta Apostolicae Sedis.
Du Vatican, le 20 février 2023
Arthur Card. Roche
Préfet
Commentaires
Ces discussions menées sur la question de la messe "ancienne" ou "de toujours" par des fidèles qui semblent ne rien connaître au sujet de l'histoire (très) mouvementée de la liturgie devient lassante. Et c'est l'occasion de poser une question fondamentale : pourquoi le pape et les évêques ne disent-ils rien aux prêtres qui, dimanches après dimanches, messes après messes, s'emploient à fausser - parfois même à massacrer - la liturgie restaurée à la suite de Vatican II tout en se réclamant de ce concile qu'ils n'ont jamais étudié, jamais compris, et qu'ils ignorent en se réclamant d'une pastorale qui vide partout les églises? Oui, pourquoi le pape et les évêques ne disent-ils rien à ces prêtres-là ?
J'enrage de voir que l'Eglise catholique romaine est tombée entre les griffes de cette secte malfaisante et tyrannique dont François est le chef. Comme n'importe quel dictateur, il ne s'entoure que de médiocres - Roche par exemple - afin d'asseoir son pouvoir pour mieux persécuter ceux qu'il déteste. Cet homme est haineux et méchant. Bien sûr, il échouera, mais que de dégâts il aura commis tout au long de son triste pontificat.
J'avoue de j'ai du mal. Du mal à voir ce pape haïr à ce point la Messe du curé d'Ars tout en ne disant pas un mot à l'encontre des déviations liturgiques des prêtres les plus modernistes qui ne se privent pas de saper la foi catholique à travers des innovations qui déforment et piétinent l'enseignement de l'Eglise. Finalement, à quelle religion appartient le pontife actuel? De quel esprit est-il animé sinon de celui du monde? Non, dans l'Eglise actuelle, saint Jean-Paul II ne retrouverait pas ses jeunes. Avec François, les bons sont devenus les mauvais et les mauvais les bons et sa persécution vis-à-vis de ceux qui furent encouragés par les deux papes précédents ne dira pas le contraire.
Attention à ne pas faire d'anachronismes : le saint curé d'Ars ne célébrait pas selon la forme de la liturgie romaine appelée aujourd'hui "extraordinaire". Tout comme il ne chantait pas le grégorien puisque les mélodies de ce répertoire avaient été remplacées par du plain-chant. Saint Jean-Marie Vianney célébrait respectueusement la liturgie de son temps sans réclamer un retour à ce qui s'était fait au cours des siècles passés.
Selon l'article, le motu proprio du 16 juillet 2021 a eu pour motif, officiellement, d'éviter la constitution d'une Eglise "parallèle". Cela ne semble pas exact. Il y a déjà une Eglise parallèle, celle administrée par quelques bureaucrates à Rome. Le véritable motif est apparemment de détruire l'Eglise originelle, en tentant d'écarter ses membres fervents, ceux qui la fortifient.