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30.000 enfants "vendus par l'Eglise catholique" ?

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   Sur cette Nième offensive cathophobe, il est permis d'aller plus loin que Mgr Terlinden dans l'interview que nous avons reproduite. Paul Vaute s'est livré à l'examen élémentaire des fondements de ce récit et des motivations de ceux qui le rééditent aujourd'hui.

   Beaucoup d'entre nous se lassent, et il y a de quoi, de devoir sans cesse faire face à de nouvelles offensives contre l'Eglise catholique, qu'elles soient médiatiques, cinématographiques, romanesques et on en passe... La dernière en date est un podcast du quotidien Het Laatste Nieuws intitulé "Kinderen van de Kerk", dont le contenu a été repris con amore par la RTBF sous le titre "Flandre : quelque 30.000 enfants vendus par l’Église catholique à l’insu de leur mère, entre 1945 et les années 80". On peut lire l'article sous ce lien: https://www.rtbf.be/article/flandre-quelque-30000-enfants-vendus-par-leglise-catholique-a-linsu-de-leur-mere-entre-1945-et-les-annees-80-11300796. L'agence Belga a également diffusé l'information et plusieurs journaux, radios et télévisions en ont fait leurs choux gras mais aucun, semble-t-il, ne s'est livré sur ce sujet à l'exercice du fact-checking dont les journalistes mainstream sont si friands quand il s'agit de contredire les gens ou les institutions qu'ils n'aiment pas.

   Dans le cas présent, il s'agit, comme souvent, d'un plat réchauffé. Het Laatste Nieuws, organe de tendance libérale, a recyclé un récit déjà exploité il y a plusieurs années, manifestement à point nommé pour surfer sur l'effet Godvergeten. Ce n'est pas faire du complotisme de comptoir que de voir derrière cet amoncellement de méfaits qui, supposés ou réels, ne manquent en tout cas pas d'équivalents dans les autres "piliers" philosophiques, une volonté d'alimenter un projet de remise en cause du financement public du culte catholique.

   Venons-en au fond. Les évêques ont demandé une enquête indépendante et, cela va sans dire, s'il en ressort que des personnes, au sein des institutions de l'Eglise, se sont rendues coupables d'enlever des enfants à leur mère ou de stériliser celle-ci sans son consentement, voire de la violenter, nous ne pouvons rien faire d'autre que les vouer aux gémonies et espérer que la Justice sera encore en mesure de leur administrer la punition et les obligations de dédommagements proportionnées au mal commis. Mais le titre donné par la RTBF est déjà, en soi, un mensonge. Ce n'est évidemment pas "l'Eglise catholique" qui aurait "vendu" les enfants en question. Dans l'hypothèse la plus déplorable, il s'agirait d'actes commis par des religieux ou des religieuses, qui n'engagent pas plus l'Eglise tout entière que le curé rouge entré dans la guérilla ne l'engage. Quand Gérard Depardieu ou Patrick Poivre d'Arvor sont accusés de multiples viols, personne n'écrit que les producteurs de cinéma ou la chaîne de télévision qui les ont employés ont violé.

   Par ailleurs, il tombe sous le sens que si des jeunes femmes célibataires et enceintes souhaitaient assumer leur maternité et élever elles-mêmes leur enfant, elles n'avaient aucune raison de se rendre "chez les religieuses". Ce choix était le plus souvent dicté d'entrée de jeu par le souci d'accoucher en toute discrétion et de faire adopter l'enfant, dans l'espoir de pouvoir ainsi repartir à zéro, sans avoir à subir les conséquences du viol ou de l'égarement amoureux à l'origine de leur grossesse. Cette possibilité fut aussi offerte dans les institutions liées à la laïcité. Les milieux non chrétiens, à l'époque, étaient majoritairement aussi hostiles aux relations et à la parentalité hors mariage que les milieux chrétiens. L'expression "à l'insu de leur mère" est donc plus que sujette à caution.

   Quand au nombre, "quelque 30.000", indépendamment des données utilisées ou des extrapolations par lesquelles il a été établi – "on ne sait pas très bien d'où il sort", a dit Mgr Terlinden dans l'entretien rapporté ci-dessous –, il est moins impressionnant qu'il n'y paraît, s'agissant d'un total au bout de quatre décennies au moins - "entre 1945 et les années 80". En moyenne, cela représenterait une cinquantaine de cas par mois, alors que le nombre de naissances mensuelles en Belgique pendant cette période a évolué entre 9500 et 13.500 (beaucoup plus, bien sûr, jusqu'au milieu des années 60 qu'ultérieurement).

   Les témoignages ? Toute adoption est une histoire singulière. Certains enfants se sont trouvés dans un foyer épanouissant, où a régné l'amour réciproque. Pour d'autres, cela s'est mal passé. Quelle preuve avons-nous que les personnes auxquelles la parole a été donnée constituent un échantillon représentatif des supposés 30.000 ? Aucune.

   L'argent ? On parle de montants situés entre 10.000 et 30.000 francs belges, "parfois beaucoup plus", payés par les parents adoptifs. Comment l'auditeur, le lecteur ou le téléspectateur ne se révolterait-il pas ? S'impose à lui l'image de religieuses cupides, exploitant éhontément le malheur d'autrui, d'autant plus qu'on n'envisage nullement le rapport possible entre ces montants et le coût des accouchements et des soins prodigués aux nourrissons pendant leurs premières semaines ou leurs premiers mois. Les adoptions auxquelles il est procédé de nos jours, le plus légalement du monde, ont aussi un prix. Selon le site officiel belge en la matière (http://www.adoptions.be/index.php?id=saac_faq), il comprend:
- le coût initial au dépôt du dossier de la demande: 100 à 200 euros indexables
- le paiement au greffe: 20 euros
- les frais occasionnés par l'enquête sociale et psychologique: 400 euros à payer à l'OAA (Organisme autorisé pour l'adoption)
- le coût de "l'encadrement d'un projet adoptif par un organisme d'adoption interne agréé": 5000 euros maximum, indexables.
Total: au moins 5500 euros, soit un peu plus de 220.000 francs belges. S'il s'agit d'une adoption internationale, les montants sont évidemment nettement supérieurs.

   Pour être de bon compte, il existe heureusement des primes à l'adoption versées par les Régions, mais elles sont loin de couvrir toutes les dépenses (environ 1300 euros en Région wallonne). Mais surtout, pas plus dans nos organismes agréés actuels que dans les institutions religieuses hier, les adoptions ne sont diligentées par des bénévoles.

   Pour terminer, il faut ajouter cette évidence qu'en dépit des problèmes qu'ils ont pu rencontrer et du drame que constitue toujours le fait de ne pas connaître ses parents biologiques, les enfants pris en charge par les religieuses montrées à présent du doigt ont eu au moins cette chance qu'on les a laissés vivre. Dans l'enfer moderne d'aujourd'hui - même, hélas!, au sein de nombre de structures (anciennement) catholiques -, on résout le problème des filles enceintes par des moyens autrement expéditifs.

Paul VAUTE
Journaliste honoraire, historien

Commentaires

  • Mise au point on ne peut plus opportune.
    Ce qu'il y a de complètement délirant dans la présentation de cette affaire par les media mainstream, c'est que l'impression est créée que les bébés auraient été volés par des religieux après kidnapping de la mère ! C'est évidemment les femmes enceintes, éventuellement sous la pression de leurs propres parents soucieux de respectabilité dans la bonne société, qui prenaient l'initiative de s'adresser à des structures d'accueil.
    Il y avait une rémunération, s'exclament aussi les professionnels de l'indignation sélective. Et alors, l'offusqué, tu te serais occupé de tout cela gratuitement, toi ?
    Cette reconstruction par des scribouillards populistes sert à alimenter des bavardages de pipelettes et surtout à "se payer du catho" dont la hiérarchie est incurablement bonne poire au point de demander pardon pour les bienfaits prodigués par ses prédécesseurs.
    Par ailleurs, comme cela est mentionné par M. Paul Vaute, la supériorité écrasante de cette période soi-disant obscurantiste sur la nôtre, c'est que l'on tentait alors de traiter les grossesses embarrassantes en sauvant à la fois l'honneur de l'une et la vie de l'autre.
    Et la tartuferie des dénonciateurs de ce pseudo-commerce dépasse toutes les bornes de l'indécence lorsque ce sont les mêmes qui censurent le dévoilement des actuels trafics sexuels d'enfants.

  • Comparer les coûts d'aujourd'hui à ceux d'autrefois le semble un bon sens total. Dans ma famille, on a adopté en 1980, et la procédure a été menée en 3 semaines... il n'y avait pas toutes ces enquêtes, semble-t-il !

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