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Une découverte : Newman et la Liturgie

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John Henry Newman.jpgLe site Liturgia de la Schola Sainte-Cécile de l’église Saint-Eugène-Sainte Cécile à Paris vient de publier la version française de la conférence  prononcée par notre compatriote l’abbé Jean-Pierre Herman au Circolo culturale John Henry Newman de Seregno (Lombardie).  Il s’agit d’un texte passionnant à lire, très instructif sur le rôle joué par la découverte de la liturgie catholique dans l’itinéraire de Newman de l’anglicanisme vers le catholicisme, car on fait rarement allusion à la sensibilité liturgique de cet auteur prolifique.

Nous en résumons quelques traits :

Le conférencier rappelle d’abord qu’à la source religieuse de l’anglicanisme on trouve Thomas Cranmer (1489-1556), archevêque de Canterbury, gagné aux idées du réformateur Zwingli, et c’est cet archevêque qui fut le premier artisan du Book of Common Prayer (le Livre de la Prière commune) de l’Eglise d’Angleterre, dont l’adoption définitive intervint en 1562. Cette  compilation du missel, du bréviaire, du rituel et du catéchisme se termine par les dans les Trente-neuf articles de Religion, auxquels doit souscrire toute personne qui fait profession de foi anglicane

La  liturgie réformée à l’anglaise est  simplifiée et plus « scripturaire » : l’Office divin est réduit à la Morning Prayer (prière du matin), appelé aussi Matins et l’ Evening Prayer (prière du soir) qui deviendront les offices paroissiaux par excellence. L’introduction au Prayer Book recommande aux curés de les célébrer quotidiennement dans leur église, en présence du peuple. L’office de Holy Communion ou encore Eucharist, en évitant soigneusement le terme « Messe », quant à lui, ne doit être célébré qu’occasionnellement, normalement quatre fois par an, après Matins et sans aucune solennité.

Mais qu’en est-il du temps de Newman (1801-1890) ? La situation spirituelle et pastorale de la majorité du clergé anglican, héritée du XVIIIe siècle, tient en deux mots : embourgeoisement et relativisme. On comptait de nombreuses paroisses de campagne où la Holy Communion n’avait plus été célébrée depuis plusieurs années. Et lorsqu’elle l’était, seul un tout petit nombre de fidèles y assistaient.

Dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, apparut toutefois un « renouveau évangélique » piétiste dont le principal artisan, en Angleterre, est le pasteur anglican John Wesley. Il fut suivi d’un renouveau liturgique désireux de montrer que le Prayer Book ne rompt pas la tradition des liturgies anciennes, mais se place résolument dans leur continuité historique

Le mouvement « tractarien » d’Oxford, dont Newman fait alors partie, est dans cette ligne : c’est la liturgie qui fait l’Eglise et à cet égard il faut suivre le Prayer Book, rien que le Prayer Book, mais tout le Prayer Book.  La piété qui animait déjà le futur converti durant les célébrations n’a pas échappé à ses contemporains : soin apporté à la Liturgie de la Parole, dévotion dans la manière de célébrer et de prêcher Avec prudence, iNewman envisagea une célébration eucharistique hebdomadaire à Saint Mary’s où l’office divin retrouva aussi sa place de même que la pratique de la confession individuelle (carême 1838). Il professe aussi sa foi en la présence réelle, suivi en cela par la plupart des tractariens, comme d’ailleurs  la foi au caractère sacrificiel du sacrement, même si les l’expression de celle-ci varie en fonction des auteurs.

Même si Newman n’a pas axé l’essentiel de sa réflexion sur la liturgie, l’influence de celle-ci transpire dans ses sermons. L’Eglise est, pour lui, la communauté de la louange et à mesure que croît son sens de la liturgie, il s’intéresse non seulement aux origines du Prayer Book, mais aussi aux limites de celui-ci.. Un pas décisif sera franchi lorsqu’ il reçoit l’édition du bréviaire romain qui provoque en lui une grande admiration. Il se met alors à les réciter. On peut dire que le bréviaire a joué un rôle capital et formatif dans l’évolution de Newman. Il a contribué à changer le regard, jusque là extrêmement critique, qu’il jetait sur l’Eglise de Rome. La rencontre du bréviaire a signifié, pour Newman, sa première rencontre « de l’intérieur » avec la liturgie romaine et lui a fourni l’occasion de se livrer pour la première fois à l’étude approfondie d’un livre liturgique. Il a fait l’expérience d’un attrait et d’un enrichissement de la vie spirituelle que n’avait jamais pu lui apporter le Prayer Book, tant pour sa vie liturgique que spirituelle.

Aidé par la prière quotidienne du bréviaire, il en est venu, non sans angoisses et conflits intérieurs, à identifier l’Eglise qui avait construit cette prière comme la véritable Eglise fondée sur les Apôtres. La comparaison des deux liturgies a été décisive dans le choix qu’il a du faire entre l’église d’Angleterre et celle de Rome. Il voyait clairement que l’église dans laquelle il avait été baptisé et ordonné ne pouvait prétendre détenir l’autorité et l’apostolicité, et que sa liturgie manquait du caractère réellement catholique qui faisait l’objet de sa recherche. L’Eglise de Rome, par contre, en dépit des défauts qu’il lui trouvait, possédait toutes ces qualités, jusque et y compris une liturgie intégrale.

Et il a pu conclure dans l’Apologia pro vita sua :

« Je la regardais (l’Eglise de Rome) : avec ses rites, ses cérémonies et ses prescriptions, et j’ai dit « ça, c’est la religion ». Puis j’ai jeté un regard sur notre pauvre église anglicane, pour laquelle j’avais travaillé avec tant de zèle et à laquelle j’appartenais inconditionnellement. Et malgré mes tentatives de lui donner une base doctrinale et esthétique, elle me semblait la pire des inconsistances »

L’abbé Jean-Pierre Herman est chapelain aux sanctuaires de Beauraing et adjoint au secrétariat de l’archevêque de Malines-Bruxelles, Mgr André-Joseph Léonard.

Le texte complet de sa conférence se trouve ici : Newman et la Liturgie

Commentaires

  • Telle était la situation du temps de Newman.
    Il en va malheureusement tout à fait autrement aujourd'hui.
    Je me permets de vous signaler une situation particulière qui en dit long : dans notre paroisse, une couple anglican s'est installé et a demandé de pouvoir participer aux offices. Musiciens chevronnés, ils ont apporté à cette paroisse leurs compétences et leur dévouement pour y créer une excellente chorale. Mais voilà qu'aujourd'hui des âmes bien intentionnées sont occupées à saborder leur travail; elles n'apprécient ni le grégorien, ni la polyphonie, ni Bach, ni Mozart et appellent de leurs voeux le retour aux rengaines dont on nous casse les oreilles depuis Vatican II. La morale de cette histoire, pour moi qui ai assisté à quelques offices anglicans à l'occasion d'un séjour à Londres, c'est que les anglicans bénéficient aujourd'hui d'une richesse liturgique et musicale qu'on a bien de la peine à trouver chez nous, et que Newman, dans ces temps que nous vivons aurait eu bien du mal à être séduit par la liturgie catholique, du moins celle que l'on trouve dans nos paroisses. La tentation, aujourd'hui, serait de fuir la trivialité d'une liturgie des plus médiocres pour se réfugier dans des églises orthodoxes ou des chapelles anglicanes.

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