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Une religieuse témoigne sur la situation en Syrie

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Mère Agnès-Mariam de la Croix, 29/04/2011, sur le site "Oasis" :

La complexité de la situation et le décalage entre perception locale et perception internationale. Quelques extraits d'un texte que Mère Agnès-Mariam de la Croix nous a envoyé du Monastère Saint Jacques l’Intercis de Qara.

On m’a demandé mon avis sur ce qui se passe chez nous. Vous le savez je travaille en Syrie à la réhabilitation d’un monastère du VIème siècle tombé en ruine. Notre communauté monastique est dévouée au témoignage et à l’unité de l’Eglise d’Antioche et chargée de servir les pèlerins et les personnes en recherche spirituelle. Nous recevons près de 20000 visiteurs par an. Cette affluence, avec le réseau local et régional d’amitiés de la communauté, nous permet d’avoir une idée assez objective de la situation qui nous préoccupe. […]

En fait, ce qui nous pose problème n’est pas le phénomène des manifestations contre les régimes de notre région mais le timing, et l’accompagnement tendancieux qui est réservé à ces dernières de la part des chaînes satellitaires, en coordination parfaite avec certains gouvernements. Elles étaient préparées pour l’année, le jour et l’heure. Al Jazirah, huée cependant par les forces de la coalition en Iraq mais transformée aujourd’hui en porte-parole international – oh combien ambigu – des valeurs du nouveau Moyen-Orient ; Al Arabiyah, qui s’exprime – oh paradoxe – au nom de la liberté à partir du fief de la plus grande théocratie arabe en Arabie Séoudite ; Al Hurra, née des cendres du régime de Saddam Hussein par insufflation washingtonienne: CNN, le vétéran de la guerre du Golfe, le très royal BBC New, France 24, à peine adoubé, dans leurs versions internationale et arabe. Ces mastodontes évoluent en parfaite harmonie idéologique avec les aréopages du net : les leurs propres ainsi que Facebook, Tweeter, Utube ou autre et sont relayés par la presse écrite en ligne.

Notre expérience en Syrie
Tant que l’information ne nous concernait pas nous ingurgitions passivement les nouvelles savamment orchestrées des autres pays en souffrance. Mais lorsque il s’est agit des évènements éclatés en Syrie, nous avons commencé petit à petit à nous rendre compte que ces chaînes n’informent pas elles cherchent à infléchir le cours des évènements par des moyens virtuels perfectionnés. Ce faisant elles représentent un totalitarisme d’un type nouveau qui manipule l’opinion publique. Il nous a été aisé de découvrir que les données médiatiques sont soumises à un subtil filtrage qui fausse leur sens. On les traite d’une manière sélective pour aboutir à une image donnée de la situation et, ce qui est pire, l’orienter insidieusement dans un sens voulu. Une nouvelle « source » de renseignements pour ces chaines est qu’elles quémandent les messages MMS, multimédia, envoyés clandestinement à partir de téléphones portables. Ces messages téléphoniques sont souvent l’unique source d’information visuelle ou sonore pour retransmettre ce qui se passe dans tel ou tel pays. Nos jeunes ont été sollicités par des SMS ou des mails à envoyer ces documents aux chaînes satellitaires avec, en contrepartie, la promesse d’une rémunération financière.

Par appât du gain et parce qu’il y a preneur, tout et n’importe quoi est offert sur ce marché dérisoire de l’information. Un de nos contremaîtres m’a montré un vidéo-clip local réalisé par des jeunes syriens pour illustrer une chanson arabe. On y voit une bande de jeunes habillés de noir circulant armés dans des voitures décapotables comme des gardes de sécurité. A notre grande stupéfaction cette même vidéo a été montrée sur la chaîne Al Jazira comme étant la preuve de l’arrogance des services secrets syriens ! […]

Des mercenaires circulent un peu partout. Le cousin de notre tailleur de pierre allait au restaurant depuis une semaine. Une voiture sans immatriculation passe près de lui et l’abat à bout portant. Hier à Deir Atiyeh, village cossu à quatre kilomètres du nôtres, un groupe armé à tiré sur le restaurant le plus sélect et a endommagé plusieurs magasins. La présence de ces mercenaires a fait que nos jeunes des quartiers chrétiens de Homs, Rableh, Qusayr, Dmaineh, Jousseh, ont formé des comités populaires pour fermer l’entrée des ruelles et villages et s’assurer de l’identité de tout arrivant. Ils témoignent que les forces de sécurité elles-mêmes acceptent d’être fouillées. Nos jeunes de Homs ont poursuivi et attrapé des fauteurs de troubles, qui étaient des étrangers de nationalités irakienne, libanaise ou égyptienne, armés et arborant des téléphones portables type Thuraya (connectés par satellites).

Mais ce qui donne le frisson est le récit que m’a fait ce matin un témoin oculaire. G.B.A.N qui est institutrice Cette personne est digne de foi, elle est membre de notre paroisse et très proche de notre monastère depuis des années: Voici ce qu’elle m’a racontée :

Témoignage d’une institutrice
« Les manifestants que nous avons vu déferler le jour des Rameaux ne sont pas de Homs. Ils nous demandaient comment se diriger dans les rues. Beaucoup sont des gamins qui portent des sortes de pantoufles qu’ils égarent dans la rue. Ces adolescents se sont targués devant nous de "gagner de l’argent". Ils ont fait état de sommes d’argent qui leur ont été distribuées pour participer à la manifestation. Pour quelques-uns c’était 500 livres syriennes la journée, pour d’autres c’était 1000 livres syriennes. Nous avons entendu nos voisins se répéter les uns les autres : "d’où viennent ceux-là et pourquoi doivent-ils s’exprimer chez nous à notre place ?". Les gens de Homs avaient peur et se barricadaient chez eux. Les manifestants étaient mal élevés, des Hardabasht. A 18h30 ils se sont arrêtés à l’église Saint Antoine des grecs-orthodoxes à Bab El Sbah et ont parlé insolemment avec les Pères Wahib Bitar et Tohmeh Tohmeh qui faisaient les prières des Rameaux. Ils les ont interrompus et leur ont intimé l’ordre de se dépêcher pour terminer. Du jamais vu en Syrie où la coexistence islamo-chrétienne est idéale. Nos jeunes étaient à leur poste à l’entrée des quartiers sous le contrôle des comités populaires : A Adawiya, Al Nuzhat, Bab El Sbah, Al Zahra’ et Khaldiyé. Ils ont réussi à empêcher l’accès de nos quartiers aux manifestants. Les manifestants ont continué leur chemin, cassant des magasins, brûlant des pneus et molestant les passants. Ils proféraient des paroles vulgaires et insultantes. On a fait état de personnes assassinées, comme un général qui allait dans sa voiture faire des achats. On leur a tiré à bout portant puis on les a coupés en morceaux pour causer la plus grande frayeur au public. Le même procédé a été utilisé par les salafistes à Nahr El Bared avec l’armée libanaise, où les soldats eurent les yeux crevés et les membres coupés. Durant leurs obsèques tout Homs était bouleversé et acclamait le Président. Mais les médias étrangers n’ont donné aucune importance à cet incident. Ils attribuent tout à des "coups montés" du régime. Le lendemain après-midi les manifestants sont revenus. Les services d’ordre ont remarqué qu’un immeuble en réfection était infiltré par des snipers. Ils ont entouré l’immeuble pour se saisir des snipers et ont demandé aux forains d’éteindre toute lumière. Quelques-uns des snipers qui cherchaient à fuir ont été touchés par les balles de nos soldats. Ils ont été transportés à l’hôpital militaire. Je connais le médecin en chef de cet hôpital, Dr. Kasser Finar. Le soir il était bouleversé en nous racontant que ces snipers étaient des syriens venus des villages reculés aux confins du désert. Ils étaient drogués au point de ricaner tout le temps et de n’avoir aucune sensation de souffrance. Hier l’armée a mis la mis sur une cache d’arme importante à Homs, dans la mosquée de Mreij à Bab El Sbah. Ce soir les manifestants se sont rassemblés autour de la place de l’horloge qu’ils ont nommées "place de la libération". Nous les avons entendus vociférer sans arrêt durant la nuit des slogans effrayants : "Le front de Homs proclame le Jihad, habitants de Homs, au Jihad !". Mais personne de la ville n’a bougé. Vers 4 heures du matin nous avons entendu des salves d’armes à feu et le matin quel fut notre soulagement de voir que toute cette foule hirsute avait été dispersée. Aujourd’hui Homs est comme en état de siège. Les forces de sécurité ont interdit les motocyclettes. Personne ne peut rentrer à Homs mais on peut en sortir. Nous avons tous vu que ces manifestants étaient des occupants à la solde d’une entité extérieure à la Syrie. On nous dit que ce sont des salafistes. Nous n’avons aucune hésitation à le croire, nous avons vu de nos yeux leurs agissements. Ils ne sont pas des nôtres, ils viennent pour un complot occulte, pas pour une réforme constructive. Que Dieu nous assiste. » […]

Jamais une ingérence étrangère ne pourra remplacer le dialogue intérieur et serein dans une famille, une région ou une nation. Je rapporte ici le point de vue d’une blogueuse du nom de Nour qui écrit le 14 Avril : «Je crois qu’il serait naïf de croire que ces « révolutionnaires » avec les médias Arabes postent simplement des vidéos pour disséminer une information qu’ils sont incapables de vérifier. Ils ne sont pas de simples amateurs qui font des erreurs tout le temps. Ceci fait partie d’une campagne organisée et concertée pour inciter les gens à la violence et à la haine. C’est pourquoi je la rejette totalement ainsi que ceux qui organisent cette charade. Quand aux vrais protestataires j’ai déjà accepté quelques-unes de leurs requêtes car elles sont légitimes et j’ai assuré qu’ils avaient le droit absolu de manifester pacifiquement. Mais je condamne avec les termes les plus sévères l’usage de la violence (TOUTE VIOLENCE) par les officiers de sécurité contre les pacifiques protestataires. Cependant je ne cois pas que je devrais soutenir toute personne qui s’oppose au régime pour le simple fait d’être opposition avec le régime. Je ne soutiens pas l’usage de moyens déshonnêtes et dégénérés pour combattre le régime parce que les gens qui utilisent de tels moyens ne sont pas meilleurs que le régime ».

Un changement réalisé par la force coûtera cher laissant présager le pire des scénarios à l’avenir. C’est l’inconnu et l’horreur du vide, même si les médias et leurs distingués invités semblent confiants dans l’avenir et pressent vers la déstabilisation du régime. Sous cette angle les protestations violentes (admettons-le, il y a des intrus qui sont chargés de faire monter la tension) nuisent à la cause de la vraie réforme. […]

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