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Père André Manaranche : la crise des vocations est liée à la fragilité et à l’ignorance

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pere_manaranche_130864128783703700.jpgLes ordinations de prêtres dans les diocèses belges s’approchent du néant. Pour cette année 2011, on cite le chiffre de six ordonnés (trois de part et d’autre de la « frontière » linguistique (il y en avait eu 7 en Wallonie et 4 en Flandre, en 2010). A Liège, Hasselt, Gand et Anvers : aucune ordination sacerdotale. On se console avec des ordinations diaconales…

Nous avons déjà publié cette information, sans qu’apparemment  beaucoup d’internautes s’en émeuvent.

Dans le dernier numéro de l’hebdomadaire « Famille Chrétienne », Aymeric Pourbaix a interrogé le Père jésuite André Manaranche sur cet effondrement des vocations sacerdotales et religieuses, qui frappe tout le monde occidental et dont la Belgique donne le plus triste exemple.

Maître en théologie et docteur en sciences sociales, consulteur à la Congrégation pour le clergé, le Père André Manaranche a effectué un travail considérable de recherche et d'enseignement dans de nombreux séminaires, monastères et communautés nouvelles de France et d'Afrique. Longtemps conseiller religieux des routiers Scouts d'Europe, il enseigne toujours la théologie à l’abbaye Saint-Wandrille et à l’école d’évangélisation Jeunesse-Lumière.

Il est, notamment, l’auteur de nombreux et excellents ouvrages destinés à ouvrir les jeunes à la foi (Premiers pas dans l'amour, Un amour nommé Jésus, Ceci est mon corps, Rue de l’Évangile, Les Raisons de l'espérance etc.). En 1994 déjà, il avait aussi publié un livre très critique sur la manière dont était conçue la « pastorale » des vocations (Vouloir et former des prêtres, paru chez Fayard). Presque vingt ans après, rien n’a vraiment changé ni dans l’Eglise ni dans la société.

Les aînés parmi les Liégeois se souviendront peut-être de la conférence sur les raisons d’espérer, qu’il avait prononcée devant mille auditeurs au Palais des Congrès de Liège en 1987, un an après celle d’un certain André Léonard, alors professeur à l’UCL,  sur les raisons de croire (devant un public aussi nombreux, réuni à l’Université de Liège). Des conférences déjà contestées par un certain establishment clérical.

Le Père André Manaranche, qui fête cette année, comme Benoît XVI ses 60 ans de sacerdoce, estime que la crise des vocations touche tout le monde, notamment en raison de la fragilité des personnes et du schéma libéral qui prévaut souvent au plan théologique. Une vision sans concession. Extraits de l’interview parue dans « Famille Chrétienne » :

Considérez-vous que nous sommes encore en crise, du point de vue du sacerdoce ?

Je ne suis pas le bon Dieu. Je ne suis pas pessimiste, car je suis sûr que l’Esprit-Saint travaille et qu’il n’a pas dit son dernier mot. Mais il est vrai que confronté aux faits - la chute ininterrompue des vocations sacerdotales depuis 1947 – on a de quoi s’inquiéter… [Ndlr : En 1947, il y avait 1649 ordinations en France. En 2011, 109...]

Ce n’est pourtant pas la même crise que dans les années 70. En 1968, on a voulu la sécularisation du sacerdoce. Il fallait que les prêtres fassent un boulot séculier. Les prêtres-ouvriers sont donc devenus de bons syndicalistes, ce qu’ils n’étaient pas au début : c’était vraiment des prêtres ! Aujourd’hui, la crise est différente, et elle touche tout le monde, même dans les milieux « classiques » ou tradis, parce que les fragilités sont les mêmes partout : nous respirons le même air et nous avons tous ces schémas en tête.

Comment définiriez-vous cette fragilité ?

J’ai fait à trois reprises cette analyse pour la Congrégation pour le clergé. Pour le dire de manière abrupte, le problème est que l’Eglise, dans les mentalités, est devenue une simple association loi 1901. L’idée d’une présence sacramentelle et nécessaire du Christ a largement disparu. C’est ce qu’a voulu faire Aristide Briand en 1905: il a créé les associations cultuelles, pour faire rentrer l’Eglise dans le schéma associatif existant en droit français. Mais pour la présider, il n’y avait pas besoin d’évêque. Le pape Pie X a alors dit non.  En 1922, ont été créées les associations diocésaines, dont le chef est l’évêque. Ce qui faisait droit à la présence sacramentelle au sein de l’institution.

Ce qui est en jeu, c’est le schéma libéral au plan théologique : en remplaçant la place prioritaire, essentielle, du sacrement par une association fondée sur un contrat, on crée une institution qui part des hommes, et non pas du Christ, même si son objet est de parler du Christ. Il y a derrière cela l’idée que finalement, on peut se passer du prêtre. Et donc s’il y a moins de prêtres, on peut tout à fait les remplacer  par des laïcs. Chez nos frères anglicans, cela explique par exemple que 500 000 d’entre-eux aient demandé à devenir catholiques, pour échapper à la confusion qui règne au sein de leur confession à ce sujet...

Existe-t-il d'autres raisons à cette crise des vocations ?

Pour la moi, la crise des vocations est aussi une question de culture. Quand je prêche, je ne fais pas d’éloquence, mais je ne peux m’empêcher de faire référence à la culture, de ce qui s’est dit et fait auparavant. Même si on peut être érudit sans avoir aucune culture... Aujourd’hui, c’est l’ignorance faramineuse qui règne, même en théologie. Sans faire de l’esbroufe avec du savoir, j’aime montrer les traces d’une culture. Pour moi la culture, c’est une connaissance gustative, ce qui a du goût, et non pas ce qui est sec et étriqué.

Quel est le secret de votre liberté ?

J’aime le Christ, j’aime l’Eglise. L’amour de l’Eglise est capital ; ce qui n’empêche pas de dire ce qu’on pense.

 

Pour retrouver le début de l'interview du père André Manaranche, parue dans le numéro 1745 de Famille Chrétienne, abonnez-vous au magazine ! 

 

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