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Cinquante ans de controverses : comment lire ou relire Vatican II ?

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C’est la question examinée par Sandro Magister sur son site « Chiesa ». Voici quelques raccourcis du document :

ROME, le 19 janvier 2012 – Lorsqu’il a proclamé une Année de la foi qui coïncidera avec le cinquantième anniversaire de l'ouverture du concile Vatican II, Benoît XVI a insisté une fois encore sur la nécessité d’une "juste herméneutique" de cet événement. (…). Dans un long essai qui a été publié en deux parties par "La Rivista del Clero Italiano" [La Revue du clergé italien], Gilles Routhier professeur à l’Université Laval (Québec) a reconstitué tout le parcours de la controverse entre Rome et les Lefebvristes. Il en a analysé les rapprochements, les ruptures, les changements de ligne. Pour en arriver à cette conclusion : l'herméneutique "de la discontinuité et de la rupture", aussi bien que celle "de la continuité", qui ont été toutes les deux soutenues, à des moments différents, par les Lefébvristes et par d’autres courants traditionalistes, restent invinciblement éloignées de l'herméneutique "de la réforme" qui est proposée par Benoît XVI, avec sa conception dynamique de la tradition.(…) 

Pendant plusieurs années, l’herméneutique de Vatican II ne semblait pas poser problème. Tous étaient bien d’accord pour dire que Vatican II introduisait une nouveauté dans la tradition (…) mais pour les traditionalistes, [...]  de ce fait, il fallait y opposer une fidélité sans faille. En effet, depuis Vatican II, Mgr Lefebvre s’était appliqué à démontrer que l’enseignement de Vatican II était en rupture avec la tradition.

 Peu de temps après l’inauguration du pontificat de Jean-Paul II (1978) il voudra plutôt montrer que, interprété "à la lumière de toute la Sainte Tradition", ce concile ne représente aucune nouveauté.(…). Cette ouverture de Mgr Lefebvre à des discussions avec le Vatican devait jeter le trouble à l’intérieur du groupe traditionaliste qui fut alors traversé par de vives tensions et soumis à de fortes turbulences. [...] d’où surgirent des « sédévacantistes » pour lesquels il faut continuer à interpréter le concile et les réformes postconciliaires comme des actes de rupture par rapport à la tradition, en suivant une stricte herméneutique de la discontinuité.

 Si des proches de Mgr Lefebvre ont poursuivi de la sorte ce chemin de l’interprétation du concile comme moment de rupture, celui-ci, en revanche, comme on l’a vu, a maintenu au cours de cette période une ambivalence, rejetant d’une part Vatican II, [...] mais espérant d’autre part un rapprochement dont la condition était l’acceptation du concile à la lumière de la tradition, expression comprise à sa manière (…) :  "Nous avons toujours accepté et déclarons accepter les textes du Concile selon le critère de la Tradition c’est-à-dire selon le Magistère traditionnel de l’Église. […] Mais estimant que la déclaration sur la liberté religieuse est contraire au Magistère de l’Église, nous demandons une révision totale de ce texte. Nous estimons également indispensables des révisions notables de documents comme : L’Église dans le monde, Les religions non chrétiennes, L’œcuménisme, et des clarifications dans de nombreux textes qui prêtent à confusion".

  Et le cardinal Ratzinger lui répondait   "vous pouvez exprimer le désir d’une déclaration ou d’un développement explicatif sur tel ou tel point. Mais vous ne pouvez pas affirmer l’incompatibilité des textes conciliaires – qui sont des textes magistériels – avec le Magistère et la Tradition". En d’autres mots, on ne pouvait corriger les textes conciliaires ou les renier, mais il était loisible de demander des explications complémentaires qui pourraient en expliciter le sens ou en donner une nouvelle interprétation…

S’ouvre ensuite une nouvelle phase dans ces conversations pour obtenir par une voie interprétative une révision de l’enseignement de la Déclaration sur la liberté religieuse de Vatican II. Sans résultat. Alors Mgr Lefebvre revint, après une parenthèse de plus de huit ans où il a joué la carte de l’herméneutique de la continuité, tâchant par là de réinterpréter le concile à partir des textes pontificaux antérieurs, à une position plus intransigeante. Désormais, il renoue avec l’herméneutique de la discontinuité qu’il pratiquait entre 1974 et 1978, allant jusqu’au sacre de quatre évêques (1988). Sans l’autorisation de Rome. 

 C’est sur l’horizon des discussions entre le Saint-Siège et la mouvance lefébvriste qu’il faut lire le débat sur l’herméneutique de Vatican II et qu’il faut interpréter les catégories d’herméneutique de la continuité, de la discontinuité et de la réforme. [...] Il faudra attendre 2005, avant que ce débat ne s’enflamme à nouveau (…) : au terme de cette année, la première de son pontificat, marquée par le 40e anniversaire de la clôture de Vatican II, comme le précisera Benoît XVI en introduction de son allocution, que se situe sa leçon d’herméneutique conciliaire en présence des membres de la curie. (…) On a retenu de cet exposé que le pape opposait à une herméneutique de la rupture une herméneutique de la continuité. Or, la lecture attentive du texte conduit à une autre conclusion. [...] Ce que Benoît XVI a opposé à l’herméneutique de la rupture, c’est "une herméneutique de la réforme dans la continuité de l’unique sujet-Église". [...]. Voir ici : Benoît XVI, le Réformateur

 Mais encore ? Rupture, continuité, tradition, réforme dans la continuité : ces querelles « herméneutiques », toujours actuelles, peuvent paraître fort embrouillées aux esprits que la théologie n’inspire pas.

L’important pour le peuple fidèle est de pouvoir distinguer clairement, lorsque le pouvoir suprême de l’Eglise (le pape ou le pape avec un concile œcuménique) s’exprime sur des questions relevant de la doctrine de la foi, la mesure dans laquelle ce pouvoir engage son autorité et quels sont exactement les actes antérieurs du magistère s’imposant à lui pour un développement cohérent du corpus doctrinal.   

 Les controverses récurrentes sur l’interprétation des textes de Vatican II (dont le style « pastoral » inédit n’aide pas toujours à éclairer le sens) appelleraient un acte magistériel de niveau équivalent pour donner la juste clé de lecture de ce concile, dont les fruits ne sont pas évidents. Mais les temps sont-ils mûrs pour produire un tel acte clarificateur susceptible d’être reçu par tous ?

 

 

 

 

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