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Réfléchir sur l'avenir de l'Europe

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Pascal de Roubaix, dans son "Courrier du Beffroi", consacre à l'Europe une réflexion approfondie et opportune. Nous découvrons, sur trop de sites, français notamment, des prises de position dictées par un nationalisme étroit qui ne nous semblent ni judicieuses ni équilibrées. C'est pourquoi nous relayons ici ce courrier qui nous paraît d'un bien meilleur tonneau en remerciant l'auteur pour son aimable autorisation :

L’Europe nécessaire

Si vous le voulez bien, utilisons le répit que nous donne l’été pour réfléchir un peu à l’avenir (faute de quoi nous serons condamnés à le subir).

Dans les mois et les années qui viennent la bataille risque de se rejouer sans cesse entre, d’une part, ceux qui veulent une intégration des états européens dans un ensemble du style « Etats unis d’Europe », c’est-à-dire un grand pays fédéraliste, et les autres, d’autre part, qui ne veulent plus entendre parler de cette Europe chicanière, omniprésente, dispendieuse et irrespectueuse de nos états d’âmes, ni des pertes de souveraineté qu’elle implique pour nos nations.

Les premiers se sentent portés par l’évolution irréductible de l’Histoire, les autres s’appuient sur l’Histoire pour répéter qu’on ne peut négliger le passé et qu’il faut construire l’avenir en le respectant.

Il me semble évident que les deux camps ont raison.

La révolution des communications est telle que les frontières ont beaucoup perdu de sens ; c’est certain. Mais ce n’est pas avec quelques traités plus ou moins volontaristes qu’on effacera en une ou deux générations  deux mille ans de l’Histoire de nos différents peuples, de nos diverses cultures, coutumes et langues, et des institutions multi-centenaires qui les encadrent; c’est tout aussi évident.

Et nous voilà devant la question politique centrale pour chacun de nos pays et pour l’ensemble des 495 et quelques millions de citoyens qui y vivent. Car c’est bien de politique qu’il s’agit : comment adapter la gestion de nos pays aux évolutions planétaires que nous ne pouvons éluder ?

Je crois que ceux qui rêvent (ou font semblant par souci de leur image de dirigeant moderne) d’une Europe fédérale pure et simple, pratiquent une forme d’aveuglement volontariste ou en tout cas une méthode Coué vouée aux déconvenues les plus cinglantes. Je ne crois pas que demain l’Irlandais et le Chypriote, le Prussien et le Portugais, le Danois et le Sicilien auront les mêmes goûts, les mêmes tempéraments, la même esthétique, et surtout le même rapport à l’autre et le même langage. Je crois que les différences qui nous caractérisent mettront des lustres et des générations à s’estomper. Leur évolution vers plus d’unité de vue et de manière de faire est sans doute inéluctable, mais leur uniformisation est sans doute impossible, si même elle était souhaitable.

Je crois par contre que ceux qui prétendent défendre la « souveraineté nationale » à travers vents et marées, sont aveugles ou se moquent du monde. Comment ne pas voir que les souverainetés se ridiculisent quand elles luttent contre le fait de la mondialisation. L’information aujourd’hui instantanée, mondiale et accessible à tous, est un fait, et un fait est plus respectable que le Lord Maire (comme disent très justement ces Anglais merveilleux qui viennent encore de nous épater lors de l’ouverture des Jeux de Londres). Si la communication est mondiale, la mondialisation ne peut pas ne pas se communiquer, et nos souverainetés en pâtiront que nous le voulions ou non.

A cheval entre ces deux tendances, la vérité de l’Europe sera peut-être bien le choix politique le plus important de ce siècle. C’est que c’est de chez nous que tout est parti et, si notre position dans le monde n’est plus dominante à ce jour, nous avons sans doute encore un rôle essentiel à jouer dans l’avenir de notre humanité même si celle-ci se montre de plus en plus rétive au formatage occidental que nous avons cru devoir imposer, sans toujours nous en rendre compte.

Tout d’abord ce choix doit être fait, faute de quoi, divisés sur les sujets mondiaux, nous n’y pèserons pas plus que les petits actionnaires d’une multinationale face aux investisseurs institutionnels. Or l’Europe est dépositaire des valeurs humanistes essentielles d’une civilisation incomparable. A ce titre, elle a, je le pense, le devoir d’exister ; nous devons donc faire le choix d’une Europe et d’une Europe unie.

Mais pour respecter notre diversité, nous devons trouver une formule originale afin de faire une force de nos différences qui auraient pu apparaître, de prime abord, comme un obstacle insurmontable.

Je pense que cette idée originale est celle que contient le principe dit de subsidiarité.

Rappelons que le principe de subsidiarité préconise, dans l’organisation des pouvoirs politiques, de ne confier à un pouvoir plus élevé et plus central, que ce que le plus local, le plus proche n’a pas la possibilité d’exercer efficacement.  C’est l’exact contraire du centralisme jacobin.

Le point de départ de la subsidiarité est, bien évidemment, la personne individuelle libre et responsable, puis la cellule familiale qui est le creuset de cette liberté dans la responsabilité. Le premier et principal pouvoir organisé est la municipalité, la commune, celui qui regroupe les citoyens dans une entité à taille humaine. C’est ce pouvoir proche (à dimension suffisante qui nécessitera parfois des regroupements délicats dans les pays où elles sont restées trop exiguës ou des divisions là où on a vu trop grand pour garantir la proximité) qui doit être la base de tous les autres. Les formidables progrès des technologies de l’information doivent servir, non plus à tout règlementer au niveau le plus élevé, mais au contraire, à favoriser à tout propos la proximité, la souplesse et l’adaptation des exigences aux besoins et aux désirs des citoyens. Je pense aussi que si l’on renforce comme il faut le pouvoir de proximité en lui laissant la compétence complète de ce qu’il peut gérer lui-même, les citoyens accepteront mieux de voir des sujets internationaux échapper à leurs nations respectives.

Nécessaire pour régler les questions face auxquelles un pouvoir plus local serait impuissant, l’obligation du recours au centralisme pour certaines matières, même jusqu’au niveau mondial, est une évidence. Songeons par exemple à l’organisation des voies aériennes. Mais c’est le choix de ce qui doit être géré par les pouvoirs politiques locaux puis  intermédiaires, les arrondissements, départements  et provinces, ou les régions, les états et finalement l’Europe, qui doit faire l’objet du débat politique ; débat essentiel pour notre avenir et celui de l’Europe.

Quant à l’Europe, elle doit cesser de donner l’impression de s’occuper de tout et de n’importe quoi. Apprendre qu’elle aurait pondu une directive pour fixer les dimensions obligatoires des bacs à sable dans les élevages d’émeus (sic !) n’ajoute, pour ne citer que cet exemple grandiose, vraiment rien de bon à son image et certainement rien non plus à son utilité. Aujourd’hui ses interventions intempestives (ou perçues comme telles) désorganisent les marchés comme à plaisir, à coup de subsides artificiels d’une part, et de règlementations étouffantes d’autres part. N’est-il pas temps de recadrer son rôle à partir d’une gouvernance charpentée par le principe de subsidiarité ?

Pour une bonne acceptation de nos institutions, les citoyens doivent aussi comprendre facilement qui a le pouvoir, de gérer quoi, et à quel niveau. Les enfants devraient apprendre cette répartition ou du moins ses grandes lignes à l’école. Par ailleurs, afin que ces institutions fonctionnent en toute démocratie, chaque niveau de pouvoir  doit être contrôlé démocratiquement par une forme ou une autre d’assemblée élue. Chaque niveau doit aussi être maître de son budget, et, donc, responsable pour fixer et percevoir lui-même les contributions qu’il demandera aux citoyens.

Il me semble que si nous revoyons notre fonctionnement sur base de ces principes, non seulement nous sauverons l’Europe, mais nous aurons surtout créé les  structures indispensables et suffisantes à la sauvegarde des principes fondamentaux du personnalisme, c’est-à-dire à la base du progrès de la civilisation du monde.

Et là, nous avons encore beaucoup, beaucoup de travail.

Pascal de Roubaix.

Vice-président de l’Institut Thomas More.

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