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A Sarajevo les leaders des différentes religions lancent un appel à la paix
Les leaders des communautés chrétiennes orthodoxe et catholique, ainsi que des communautés musulmane et juive de Bosnie ont lancé ce dimanche 9 août à Sarajevo un appel à la paix dans le cadre la rencontre mondiale de Sant’Egidio. En soulignant l'"attachement du peuple serbe à la construction de la paix", le patriarche de l'Eglise orthodoxe serbe, Mgr Irinej, a souhaité que l'avenir des peuples des Balkans soit "libéré des expériences tragiques et douloureuses du passé".
"Je souhaite profondément que les nouvelles générations évoluent sans le sentiment de haine et qu'elles soient protégées de la terrible expérience des conflits", a dit le leader de l'Eglise orthodoxe serbe, en s'exprimant devant plusieurs milliers de personnes assistant au lancement des rencontres annuelles de la communauté catholique Sant'Egidio.
Sarajevo, une ville hautement symbolique, accueille, depuis dimanche 9 septembre, la rencontre mondiale interreligieuse pour la paix : «Living Together is the Future. Religions et cultures en dialogue» organisée par la communauté catholique italienne Sant’Egidio. Symbole des guerres qui ont dévasté l’Europe au XX° siècle, symbole de la mosaïque explosive des Balkans, cette ville a été choisie pour dire que les religions au XXI° siècle doivent devenir des instruments de paix.
"Pour que l'être humain soit encore plus humain"
Plus tôt dans la journée de dimanche Mgr Irinej a célébré une messe dans la principale église orthodoxe de Sarajevo. L'archevêque de Sarajevo, le cardinal Vinko Puljic, et plusieurs membres du clergé local, était présents lors de cette célébration. "Je suis ravi de pouvoir assister à cette prière pour la paix, pour que l'être humain soit encore plus humain, pour que notre société soit plus morale et je vous remercie de cette unité", a lancé le prélat.
Plusieurs centaines de fidèles ont assisté à la liturgie, nombre d'entre eux dans la cour de l'église, située dans le centre de Sarajevo, où la cérémonie était retransmise sur un écran géant. La veille, Mgr Irinej et plusieurs avait assisté à une messe célébrée par Mgr Puljic dans la cathédrale de Sarajevo.
Le fondateur de Sant’Egidio appelle à la compassion pour toutes les victimes
Andrea Riccardi, fondateur de la communauté Sant'Egidio et actuel ministre italien de la Coopération internationale et de l'intégration, a invité les communautés locales à la compassion pour toutes les victimes de la guerre des Balkans. "Soyons honnêtes, les souvenirs sur la guerre sont différents, mais la douleur et la souffrance qui rongent tout le monde sont les mêmes. La douleur est gravée dans le coeur de tous et la douleur de chaque mère est la même, indépendamment de son appartenance ethnique ou religieuse", a dit M. Riccardi.
La guerre intercommunautaire de Bosnie (1992-95), qui avait opposé les communautés serbes, croate et musulmane, a fait quelque 100.000 morts.
Sur environ 3,8 millions d'habitants en Bosnie, on compte aujourd'hui environ 40% de musulmans, 31% de chrétiens orthodoxes et 10% de chrétiens catholiques.
La crise affecte les fondations humanistes européennes
En soulignant qu'"il n'y a jamais eu à Sarajevo autant d'énergie spirituelle comme aujourd'hui", le leader de la communauté musulmane de Bosnie, Mustafa Ceric, a évoqué les victimes du conflit bosnien et notamment celles du siège de Sarajevo, qui a fait quelque 11.000 morts en près de quatre ans.
Mario Monti, le chef du gouvernement italien, et Herman Van Rompuy, le président de l'Union européenne, étaient également présents dimanche à l’inauguration de la rencontre. "La crise affecte les fondations humanistes autour desquelles l'Europe s'est bâtie et développée", a déclaré le président du Conseil italien. "L'euro qui était un facteur de cohésion (...) risquait et risque encore, peut-être de façon paradoxale, de devenir un facteur de divisions, de nouvelles fractures en Europe", a poursuivi le chef du gouvernement italien.
Pour la première fois toutes les religions ont participé à l'organisation
Les blessures dans la société bosniaque ne sont pas toutes cicatrisées – reconnaît le président de Sant’Egidio, Marco Impagliazzo. Et pourtant, les différentes communautés religieuses ont participé, dans la sérénité, à la préparation de cet événement : le patriarche orthodoxe serbe de Belgrade, le Grand Mufti de Bosnie, l’archevêque catholique de Sarajevo, le cardinal Puljic, le chef de la communauté juive, côte à côte, pour la première fois depuis vingt ans : c’est le signe que les choses peuvent changer et c’est un message pour la population.
Au moment de la guerre, les catholiques ont quitté en masse la Bosnie, une véritable hémorragie. Aujourd'hui, Sarajevo est une ville qui s’islamise et qui perd, chaque jour un peu plus, son caractère pluraliste. La communauté de Sant’Egidio veut aussi profiter de cette rencontre pour redire que la minorité catholique a les mêmes droits que les autres religions et qu’elle a toute sa place dans ce pays. Il s’agit aussi de montrer que les Balkans ont leur place en Europe et qu’ils peuvent devenir un modèle de convivialité.
Espoirs pour Sarajevo, inquiétude pour la Syrie
28 tables-rondes ont été organisées sur les thèmes de l’œcuménisme, de l’immigration et de la paix jusqu’à la clotûre mardi de la renconter. La situation en Syrie et l’imminent voyage de Benoît XVI au Liban seront bien présents dans tous les esprits.
Ces rencontres sont organisées dans le sillage de la rencontre interreligieuse d’Assise voulue par Jean-Paul II en 1986. Parce qu’on ne peut pas vivre dans la haine et dans la peur, Sant’Egidio veut reconstruire le vivre-ensemble dans l’esprit d’Assise.
Paolo Ciani, de la Communauté, revient sur cette rencontre de Sarajevo
Propos recueillis par Nadège Decremps
Commentaires
La Bosnie est un des très rares pays au monde où des Musulmans ont été persécutés à cause de leur foi (Srebrenica). Elle est aussi un des rares pays où toutes les religions s'entendent maintenant pour faire la paix. Puisse ce symbole être remarqué par les autres pays où trop de gens, en particulier Chrétiens, sont encore persécutés à cause de leur foi.
Ce qui me frappe, dans ces rassemblements pour la paix, regroupant les différentes communautés religieuses, c'est l'absence de représentants de l'athéisme. Or, ceux qui se revendiquent de leur athéisme ou de leur irréligion, et qui se vantent d'être de plus en plus nombreux, sont aussi partie prenante ; ils ne sont absents ni des périodes de conflit, ni des périodes de tentatives de paix.
Rappelons que c'est à Sarajevo, en 1914, qu'un anarchiste assassina l'archiduc héritier de Autriche Hongrie, ce qui mit le feu aux poudres du terrible conflit de la guerre de 14-18. Si la composante athéiste est donc mise hors jeu (ou si elle se met elle-même hors jeu?), on n'aura pas mis toutes les chances de paix de son côté.