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Le dialogue interreligieux à la lumière du concile

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imagesCA6MTDQ9.jpg…Vatican II, of course. Voici comment la docte Commission Théologique  Internationale (CTI), instituée par le Saint-Siège en 1969, développe le message conciliaire confronté au paradigme traditionnel : « extra ecclesiam, nulla salus » : hors de l’Eglise point de salut. L’expression est de saint Cyprien de Carthage (IIIe siècle), interprétant en ce sens la double sentence de Jésus à Nicodème, dans l’Evangile selon saint Jean, chapitre 3 :  « Dieu n'a pas envoyé le Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (verset 17) ; « mais celui qui ne croit pas est déjà jugé, parce qu'il n'a pas cru au nom du Fils unique de Dieu. » (verset 18) :

A titre documentaire (et non scientifique) nous reproduisons ci-après quelques extraits d’une lecture cursive de l’exposé de la CTI, figurant dans les publications vaticanes officielles  (tous les développements ici  CTI 1997. ) :

« L’appréciation théologique des religions a été rendue pendant longtemps impossible à cause du principe « extra Ecclesiam nulla salus », entendu dans un sens exclusiviste. Avec la doctrine sur l’Église comme « sacrement universel du salut » ou « sacrement du Royaume de Dieu », la théologie essaie de répondre à la nouvelle manière de poser le problème

La question première aujourd’hui n’est plus de savoir si les hommes peuvent atteindre le salut même s’ils n’appartiennent pas à l’Église catholique visible ; cette possibilité est considérée comme théologiquement certaine. La pluralité des religions… nous interroge sur la possibilité de parler encore de la nécessité de l’Église pour le salut, et sur la compatibilité de ce principe avec la volonté salvifique universelle de Dieu…

… On parle de la nécessité de l’Église pour le salut en deux sens : la nécessité de l’appartenance à l’Église pour ceux qui croient en Jésus, et la nécessité, pour le salut, du ministère de l’Église qui, par charge reçue de Dieu, doit être au service de la venue du Royaume de Dieu. .

 Dans son Encyclique Mystici Corporis, Pie XII aborde la question du rapport avec l’Église de ceux qui atteignent le salut hors de la communion visible avec elle. Il dit d’eux qu’ils sont ordonnés au corps mystique du Christ par un désir inconscient (DS 3821)… Dans le cas d’une ignorance insurmontable, il suffit du désir implicite d’appartenir à l’Église ; ce désir sera toujours présent quand un homme aspire à conformer sa volonté à celle de Dieu (DS 3870). Mais la foi, au sens de He 11, 6, et l’amour, sont toujours nécessaires d’une nécessité intrinsèque (DS 3872).

Le Concile Vatican II fait sienne la phrase « Extra Ecclesiam nulla salus ». Mais avec elle, il s’adresse explicitement aux catholiques, et il limite sa validité à ceux qui connaissent la nécessité de l’Église pour le salut. Le Concile considère que l’affirmation est fondée sur la nécessité de la foi et du baptême, affirmée par le Christ (LG 14). De cette manière, le Concile se situe en continuité avec l’enseignement de Pie XII, mais (…) à la différence de Pie XII, le Concile renonce à parler de votum implicitum, et n’applique le concept de votum qu’au désir explicite des catéchumènes d’appartenir à l’Église (LG 14). À propos des non-chrétiens, il dit qu’ils sont ordonnés d’une manière différente au Peuple de Dieu. Selon les différentes manières par lesquelles la volonté salvifique de Dieu embrasse les non-chrétiens, le Concile distingue quatre groupes : en premier lieu, les juifs; en deuxième lieu, les musulmans ; en troisième lieu ceux qui, sans faute de leur part, ignorent l’Évangile du Christ et ne connaissent pas l’Église, mais qui cherchent Dieu d’un cœur sincère et s’efforcent d’accomplir sa volonté connue au travers de la conscience; et en quatrième lieu ceux qui, sans faute de leur part, n’ont pas encore atteint la reconnaissance expresse de Dieu, mais qui malgré cela s’efforcent de mener une vie droite (LG 16).

Quand les non-chrétiens, justifiés par la grâce de Dieu, sont associés au mystère pascal de Jésus-Christ, ils le sont aussi au mystère de son corps, qui est l’Église. Le mystère de l’Église dans le Christ est une réalité dynamique dans l’Esprit Saint. Bien qu’il manque à cette union spirituelle l’expression de l’appartenance à l’Église, les non-chrétiens justifiés sont inclus dans l’Église « corps mystique du Christ » et « communauté spirituelle » (LG 8). C’est en ce sens que les Pères de l’Église peuvent dire que les non-chrétiens justifiés appartiennent à l’ecclesia ab Abel. Alors que ces derniers sont réunis dans l’Église universelle avec le Père (LG 2), ceux qui appartiennent explicitement « de corps » mais non pas « de cœur » à l’Église ne seront pas sauvés, parce qu’ils n’ont pas persévéré dans la charité (LG 14).

En cela, on peut parler non seulement d’une ordination à l’Église des non-chrétiens justifiés, mais aussi d’un lien avec le mystère du Christ et de son corps, l’Église. Mais on ne devrait pas parler d’appartenance, ni même d’une appartenance graduelle, à l’Église, ou d’une communion imparfaite avec l’Église, expression réservée aux chrétiens non catholiques (UR 3 ; LG 15) ; car l’Église est par essence une réalité complexe, constituée de l’union visible et de la communion spirituelle. Bien évidemment, les non-chrétiens qui ne sont pas coupables de ne pas appartenir à l’Église entrent par la mise en pratique de l’amour envers Dieu et le prochain dans la communion de ceux qui sont appelés au Royaume de Dieu; cette communion se révélera comme Ecclesia universalis lors de la consommation du Royaume de Dieu et du Christ.

…Cette mission universelle et cette efficacité sacramentelle quant au salut ont trouvé leur expression théologique dans la dénomination de l’Église comme sacrement universel du salut. En tant que telle, l’Église est au service de la venue du Royaume de Dieu, dans l’union de tous les hommes avec Dieu et dans l’unité des hommes entre eux (LG 1).

Quelques conséquences pour une théologie des religions

…Face à la nouvelle situation créée par le pluralisme religieux, se repose la question de la signification universelle de Jésus-Christ et de son rapport avec les religions, ainsi que de la fonction qu’elles peuvent avoir dans le dessein de Dieu, dessein qui n’est pas autre chose que récapituler toutes choses dans le Christ (Ep 1, 10).

…On reconnaît qu’il y a dans les différentes religions des rayons de la vérité qui éclaire tout homme (NA 2), des semences du Verbe (AG 11), que par la disposition de Dieu il y a en elles des choses bonnes et véridiques (OT 16), qu’il y a des éléments de vérité, de grâce et de bien non seulement dans les cœurs des hommes, mais aussi dans les rites et les coutumes des peuples, même si tout doit être « purifié, élevé et porté à sa perfection » (AG 9 ; LG 17). Quant à dire que les religions en tant que telles peuvent avoir une valeur dans l’ordre du salut, c’est là un point qui reste ouvert.

…L’Encyclique Redemptoris Missio, qui suit et développe la ligne du Concile Vatican II, a souligné avec davantage de clarté la présence de l’Esprit Saint non seulement dans les hommes de bonne volonté pris individuellement, mais aussi dans la société et l’histoire, dans les peuples, les cultures, les religions, et ceci, toujours en référence au Christ (RM 28 ; 29). Il existe une action universelle de l’Esprit, qui ne peut se séparer de, ni se confondre avec, l’action particulière qu’il mène dans le corps du Christ qu’est l’Église (ib.).

…On affirme clairement que c’est Jésus ressuscité qui agit dans le cœur des hommes en vertu de son Esprit, et que c’est l’Esprit lui-même qui distribue les semences du Verbe présentes dans les rites et dans les religions. La différenciation entre les deux modes d’action de l’Esprit Saint ne peut conduire à séparer ceux-ci, comme si seul le premier était en rapport avec le mystère salvateur du Christ.

Étant donné cette reconnaissance explicite de la présence de l’Esprit du Christ dans les religions, on ne peut exclure la possibilité que celles-ci exercent, en tant que telles, une certaine fonction salvifique, c’est-à-dire qu’elles aident les hommes à atteindre leur fin ultime, même malgré leur ambiguïté. Dans les religions, est thématisée explicitement la relation de l’homme avec l’Absolu, sa dimension transcendante. Il serait difficilement pensable que ce que l’Esprit Saint réalise dans le cœur des hommes pris individuellement ait une valeur salvifique, et que ne l’ait pas ce que ce même Esprit réalise dans les religions et dans les cultures. Le magistère récent ne semble pas autoriser une différenciation si radicale. Il faut d’autre part remarquer que beaucoup de textes auxquels nous avons fait référence ne parlent pas seulement des religions, mais mentionnent avec elles les cultures, l’histoire des peuples, etc. Elles toutes, aussi, peuvent être « touchées » par des éléments de grâce.

… Dans les religions, c’est le même Esprit qui agit que celui qui guide l’Église. Mais la présence universelle de l’Esprit ne peut se comparer à sa présence particulière dans l’Église du Christ. Bien qu’on ne puisse exclure la valeur salvifique des religions, cela ne signifie pas que tout en elles soit salvifique. On ne peut oublier la présence de l’esprit du mal, l’héritage du péché, l’imperfection de la réponse humaine à l’action de Dieu, etc. (cf. Dialogue et Annonce, 30-31). Seule l’Église est le corps du Christ, et c’est seulement en elle que se donne dans toute son intensité la présence de l’Esprit. Par conséquent personne ne peut rester indifférent à l’appartenance à l’Église du Christ et à la participation à la plénitude des dons salvifiques qui ne se trouvent qu’en elle (RM 55). Les religions peuvent exercer une fonction de « praeparatio evangelica », elles peuvent préparer les différents peuples et cultures à l’accueil de l’événement salvateur qui a déjà eu lieu. En ce sens, leur fonction ne peut pas être comparée à celle de l’Ancien Testament, qui fut la préparation de l’avènement même du Christ.

… Le salut s’obtient par le don de Dieu dans le Christ, mais non sans la réponse et l’acceptation humaines. Les religions peuvent également aider la réponse humaine, en tant qu’elles lancent l’homme à la recherche de Dieu, à agir selon sa conscience, à mener une vie droite (cf. LG 16 ; également Veritatis splendor 94 : le sens moral des peuples et les traditions religieuses mettent en relief l’action de l’Esprit de Dieu). La recherche du bien est en termes ultimes une attitude religieuse (cf. Veritatis splendor 9. 12). C’est la réponse humaine à l’invitation divine, qui est toujours reçue dans et à travers le Christ (32). Il semble que ces dimensions objectives et subjectives, descendantes et ascendantes, doivent aller de pair, comme il en va dans le mystère du Christ. Les religions peuvent donc être, dans les termes indiqués, un moyen qui aide au salut de leurs adeptes, mais elles ne peuvent pas être comparées à la fonction que l’Église réalise pour le salut des chrétiens et de ceux qui ne le sont pas.

…L’affirmation de la possibilité de l’existence d’éléments salvifiques dans les religions n’implique pas en elle-même un jugement sur la présence de ces éléments dans chacune de ces religions concrètes. D’autre part, l’amour de Dieu et du prochain, rendu possible, en ultime instance, par Jésus l’unique médiateur, est le seul chemin pour arriver à Dieu lui-même. Les religions ne peuvent être porteuses de la vérité salvatrice que dans la mesure où elles conduisent les hommes à l’amour véritable. S’il est vrai que cela peut se produire également chez ceux qui ne pratiquent pas une religion, il semble que le véritable amour pour Dieu doit conduire à l’adoration et à la pratique religieuse en union avec les autres hommes. "

Retenons donc l’essentiel de ce qui semble ressortir de ces textes nuancés et parfois un peu emberlificotés (c’est Flaubert, je crois, qui faisait la lecture de ses manuscrits à sa cuisinière, pour s’assurer de la lisibilité de l’expression de sa pensée ; c’est peut-être un exemple à suivre aussi par les théologiens) :

-Selon la théologie issue de Vatican II, ce n’est pas un « désir implicite » d’être membres de l’Eglise catholique qui sauve les non chrétiens justifiés  mais un lien propre qui les « ordonne de manière différente » au mystère du Christ et à son Corps, qui est l’Eglise.

-Par ailleurs « on ne peut exclure » que les religions non chrétiennes exercent «  en tant que telles » une certaine fonction salvifique, sans pouvoir être comparée à la fonction que l’Eglise réalise pour le salut  des chrétiens et de ceux qui ne le sont pas.

Bref, pluraliste mais pas relativiste.  Question à deux sesterces : certes, la grâce de Dieu dépasse les frontières de l’Eglise visible, mais est-ce avec ce genre de discours que le christianisme a pu convertir les peuples païens, de l’antiquité à nos jours ?

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