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Euthanasie : le contrôle de la loi de 2002 est en panne

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Une opinion parue sur lalibre.be :

"On verra dans les prochaines semaines si le débat de l’euthanasie des mineurs s’impose à la Chambre. Mais certains élus ont perdu de vue une question importante, à savoir que le contrôle de la loi de 2002 est en panne." 

Une opinion d'Etienne Dujardin et Drieu Godefridi, respectivement coordinateur et porte-parole du collectif des "Dossards Jaunes".

On verra dans les prochaines semaines si le débat de l’euthanasie des mineurs s’impose à la Chambre. En effet, le programme de fin de législature est toujours lourd. C’est le moment de faire passer les dernières propositions socio-économiques avant les élections et il serait étonnant que la majorité souhaite se déchirer sur ce sujet. Différents partis auraient trop à perdre en soulevant ce dossier clivant à quelques semaines des élections alors qu’aucun d’entre eux ne le proposait dans son programme de 2010. Mais une « minorité bruyante», selon l’excellente expression de Philippe Moureaux, a décrété qu’il y avait urgence en la matière et qu’il fallait faire le forcing… est-ce cela le rapprochement du politique et du citoyen ?

De plus, les débats se suivent et se ressemblent , mais certains élus ont perdu de vue une question importante, à savoir que le contrôle de la loi de 2002 est en panne. Il y a quelques semaines, en séance plénière au Sénat, plusieurs sénateurs mettaient ce débat sur la table. Il est temps que l’ensemble des élus et des présidents de parti se saisissent de cette question, car la situation est problématique.

Le contrôle est totalement inefficient. Prenons pour preuve les paroles de Wim Distelmans, Président de la commission de contrôle de l’euthanasie et pro-euthanasie. Le 7 avril 2012, à la question de savoir pourquoi très peu d’euthanasies sont déclarées à la commission de contrôle du côté francophone alors que c’est une obligation légale et que c’est indispensable pour assurer le contrôle, il répond, dans une grand quotidien francophone : « Les médecins disposent pourtant de la possibilité de faire légalement aujourd’hui ce qu’ils devaient faire clandestinement hier ! Dans près de la moitié des cas, ils préfèrent la clandestinité.»

Un médecin très médiatisé, le Dr Cosyns déclarait déjà en 2007 qu’il ne comptait plus « ni consulter un deuxième médecin, ni prévenir la commission compétente » et ses déclarations ont été reprises plusieurs fois dans la presse. En 2013, lors d’une audition en tant qu’expert (sic), il a même affirmé au Sénat qu’il ne déclarait plus aucun cas d’euthanasie depuis 2011. Il me semble que si nous devions déclarer à la presse que nous ne payerons plus nos impôts, nous ne serions certainement pas invités comme expert fiscal au Sénat ! Or, dans le cas qui nous occupe, c’est l’impunité totale, même devant une violation manifeste de la loi.

Ces éléments n’ont pas empêché la commission de contrôle de l’euthanasie d’indiquer dans son dernier rapport (recommandations au législateur) : « La commission confirme ses avis antérieurs selon lesquels l’application de la loi n’a pas donné lieu à des difficultés majeures ou à des abus qui nécessiteraient des initiatives législatives ». La moitié des actes d’euthanasie sont clandestins selon les dires non pas d’un obscurantiste mais du Président de la commission de contrôle lui-même. Mais circulez il n’y a rien à voir…et surtout ne vous risquez pas à ouvrir le débat.

Des études universitaires (VUB, Université de Hull au Royaume-Uni) déplorent le laxisme du contrôle de la loi. Il en va de même du comité national d’éthique mandaté par François Hollande pour évaluer la loi belge, qui constate que : « La pratique de l’euthanasie semble résister à tout contrôle efficace…».

Un autre élément dénoncé par des sénateurs est le conflit d’intérêt au sein de la commission. En effet, six des membres de la commission militent dans des lobbys qui veulent favoriser « la reconnaissance à l’individu de la maitrise de sa propre mort » (art. 3 statuts ADMD) et pas seulement l’euthanasie dans certains cas de souffrances. Il est normal que la commission soit pluraliste mais n’est-il pas étonnant que des membres qui militent ostensiblement pour l’extension d’une loi fassent partie de la commission de contrôle de cette même loi ?

Egalement surprenante, la conception que les membres de l’ADMD se font de leur mission de contrôle, l’une des balises importantes prévues par le législateur. Jusqu’au mois de novembre 2013, avant que cela ne soit dénoncé dans la presse, l’ADMD affichait sur son site Internet dans une rubrique « Diffusion des idéaux » : « Des membres du conseil d’administration participent aux travaux de la commission fédérale de contrôle et d’évaluation sur l’euthanasie » Dans une autre rubrique, dénommée « actions pour rendre plus effective la loi », il était stipulé : « Plusieurs membres du conseil d’administration participent activement aux travaux de cette commission … » Ces passages ont été purement et simplement supprimés du site depuis que la presse s’en est faite l’écho, car ils étaient visiblement trop gênants.

Ces questions ne sont pas à balayer d’un revers de la main, elles doivent être abordées par le politique. Que l’on soit pour ou contre l’euthanasie n’est pas la question. Le vrai sujet de l’euthanasie en Belgique aujourd’hui est celui de la réalité du contrôle.

Dans la revue de la laïcité de mai 2012, Josy Dubié (ex-Ecolo) faisait part de son extrême réticence à « rouvrir ce chantier de l’élargissement aux patients dont on ne peut s’assurer de la conscience. Car alors comment éviter les dérives ? » De fait pour ouvrir un chantier il faut contrôler les fondations. Il est urgent que le législateur prenne ce sujet à bras le corps et répare la panne. Telle est la première préoccupation du collectif des Dossards Jaunes récemment mis sur pied.

Commentaires

  • Tout médecin veut-être maître chez lui.
    S'il est pour donner la mort, il n'acceptera de fait aucun contrôle.
    S'il est pour le respect de la vie, il rejettera tout diktat légal.
    La loi quelle qu'elle soit, est vraiment de peu de poids dans ce domaine.
    L'euthanasie et l'infanticide existaient avant toute "dépénalisation" et existe et existera en dehors ou en marge.
    C'est un peu naïf ou plutôt vraiment hypocrite de croire que l'on puisse "contrôler" quoi que ce soit.
    C'est le médecin qui tient le dossier médical. C'est le médecin qui rempli les formulaires légaux. C'est le médecin qui éventuellement fait les autopsies et les analyses.
    La solidarité absolue entre médecins du même bord est une réalité.Il est évidemment impossible qu'il y ait quel que contrôle que ce soit.
    C'est pourquoi pour moi il ne doit y avoir aucune autorisation, aucune dépénalisation d'un acte qui est un meurtre, un homicide avec préméditation.
    L'accord de la victime, sur la tête de qui on a mis en contrat, ne change pas la nature de l'acte, qui, quel que soit l'emballage reste un meurtre

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