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Venez vous tous qui m'aimez, et sachez que je suis doux et humble de coeur (14e dimanche du T.O.)

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Homélie du Frère Jean-Philippe REVEL (Paroisse Saint-Jean-de-Malte - Aix-en-Provence) pour le quatorzième dimanche du temps ordinaire – A

Frères et sœurs, dans un grand nombre de psaumes ou de textes de l'Ancien Testament, on nous parle des luttes et des victoires d'Israël. Les victoires de Dieu sont les victoires de son peuple et réciproquement. C'est un refrain qui revient ainsi très souvent dans la Bible, et nous venons de l'entendre dans le psaume que nous avons chanté : "Je suis émerveillé par la puissance de ta gloire, et je me répète les prodiges que tu as accomplis". Voilà une réflexion typique de ces luttes d'Israël contre ses ennemis et des victoires que Dieu lui donne de remporter.

Quelquefois, cela tourne à la violence, comme nous le chantons tous les dimanches sans peut-être bien nous en rendre compte : "Partout sur la terre s'entassent leurs cadavres, il leur a fracassé la tête". D'autres fois, cela tourne plutôt à l'exultation cosmique : "Que gronde la mer et tout ce qui vit en elle, que les arbres battent des mains, que les fleuves se réjouissent et que les forêts dansent de joie". C'est l'ambiance habituelle de ces psaumes et de tous ces textes.

Aujourd'hui, le texte du prophète Zacharie va nous précipiter dans une tout autre perspective : "Exulte de joie, fille de Sion, car ton roi est vainqueur (c'est classique), tressaille d'allégresse car il vient vers toi juste, vainqueur, humble, porté non pas sur un char de triomphe, non pas même sur un cheval caparaçonné, mais porté par un âne, le petit d'une ânesse". Ce roi vient justement pour détruire les chars de guerre, pour casser les arc et briser les lances. Voici donc qu'il appelle tous les peuples à la paix, voici donc que la victoire n'est plus une victoire triomphale, ou plutôt c'est un autre triomphe, c'est le triomphe de la douceur et de la paix.

L'évangile va faire retentir ce même thème : "Je te bénis Père d'avoir caché cela aux sages et aux savants et de l'avoir révélé aux tout-petits". A qui Dieu a-t-il révélé cela ? Aux savants, aux spécialistes, aux théologiens, non. Le mystère de Dieu, seuls peuvent y pénétrer le Père qui connaît le Fils et le Fils qui connaît le Père, ce n'est pas un mystère de déploiement de force et de splendeur, c'est un mystère d'humilité. Dieu vient à nous, et c'est ce que Jésus a fait le jour des Rameaux, monté sur un ânon, le petit d'une ânesse. La victoire du Christ, celle qu'il apporte sur la croix n'est pas une victoire militaire, ce n'est même pas une victoire de prestige, c'est une victoire beaucoup plus profonde. C'est cela que saint Paul veut dire quand il parle de "l'ordre de la chair", c'est-à-dire de ce qui se voit, des apparences, et l'ordre de l'esprit, c'est-à-dire de ce qui est caché au fond du cœur et précisément, il faut être petit, pauvre, humble, monté sur un ânon pour pénétrer dans ce mystère de la vraie puissance de Dieu, de la vraie victoire de Dieu.

Jésus va résumer cela dans une phrase assez extraordinaire : "Venez vous tous qui m'aimez, et sachez que je suis doux et humble de coeur". Le Christ vient nous montrer la douceur, la paix, l'humilité du cœur. Voilà la grande révélation du Nouveau Testament. Dieu n'est pas un potentat qui fait triompher ses amis, Dieu est un Dieu de miséricorde, de tendresse : "Venez à moi vous tous qui ployez sous le fardeau et je vous rassasierai, je vous réconforterai".

C'est un thème qui lui aussi se trouve assez fréquent dans l'Ancien Testament déjà annoncé. Je voudrais simplement évoquer ici une page de l'Ancien Testament. Quand Dieu a rejeté Saül, le premier roi qu'il avait donné à Israël et qui n'a pas été à la hauteur de sa vocation, il envoie Samuel chez Jessé à Bethléem pour qu'il oigne un nouveau roi. Samuel convoque Jessé, et celui-ci lui présente tous ses fils. Ils vont défiler devant le prophète, en commençant par l'aîné, mais aucun n'a été choisi par Dieu comme roi d'Israël. Dans son cœur, Samuel est surpris, car il était persuadé d'avoir devant lui un homme de force, de vertu, d'équilibre, d'intelligence, et Dieu dit : "Je l'ai rejeté car l'homme regarde aux apparences, mais Dieu regarde au coeur". C'est toujours le même enseignement, ce n'est pas l'apparence glorieuse qui compte mais c'est la vérité du cœur. Quand on a fini de faire passer tous les fils de Jessé devant Samuel il demande : "As-tu encore d'autres fils ? – Oui, il reste le plus jeune, il garde les troupeaux". David est appelé, et lorsque le prophète le voit, Dieu lui dit : "C'est lui que j'ai choisi, donne-lui l'onction". Les choix de Dieu apparaissent aussi très souvent dans l'Ancien Testament comme le choix du plus faible par rapport au plus fort, du plus jeune par rapport au plus âgé, de celui qui apparemment n'est rien par rapport à celui qui est tout. Voici que si vous venez à moi, je vous soulagerai de tous vos fardeaux, dit le Christ, c'est cela sa véritable victoire.

Je voudrais vous lire un texte de saint Augustin qui commente ce passage et qui est, je crois, une très haute et merveilleuse révélation.

"Quelle est la leçon, je t'en conjure, Fils de Dieu par qui tout a été fait, et tout ensemble Fils de l'Homme, créé parmi tant d'autres choses, quelle est la leçon que nous venons apprendre à ton école ? que je suis doux et humble de cœur. Voilà donc à quoi se réduisent tous les trésors de la sagesse et de la science cachée en toi. Apprendre cette leçon capitale que tu es doux et humble de cœur. Est-ce donc chose si grande d'être petit, que si ce n'était à ton école, toi si grand, on ne pourrait absolument pas l'apprendre". 

Saint Augustin continue en montrant tous ceux qui dans l'expérience de leur petitesse, dans l'expérience de leur humilité, découvrent que le triomphe appartient à l'humilité et à la douceur du Christ. 

"Qu'ils écoutent, qu'ils viennent à toi, qu'ils apprennent de toi à être doux et humbles, ceux qui recherchent ta miséricorde et ta vérité en vivant pour toi, pour toi et non pour eux. Qu'il entende cela celui qui peine et qui est chargé, qui ploie sous son fardeau, jusqu'à ne point oser les yeux vers le ciel, le pécheur qui se frappe la poitrine et n'approche que de loin. Qu'il entende le centurion qui n'était pas digne que tu entres sous son toit. Qu'il entende Zachée le chef des publicains quand il rend au quadruple le fruit coupable de ses péchés. Qu'elle entende la femme qui avait été pécheresse dans la ville et qui répandait d'autant plus de larmes à tes pieds, qu'elle avait été plus éloignée de tes pas. Qu'elles entendent les femmes de mauvaise vie, les publicains, qui dans le Royaume des cieux précèdent les scribes et les pharisiens. Qu'ils entendent les malades de toutes sortes dont on te faisait un grief d'avoir été le convive, bien que de soi-disant bien portants qui ne cherchaient pas de médecins, alors que tu étais venu appeler non pas les justes, mais les pécheurs à la délivrance".

Que le Seigneur nous donne conscience de notre petitesse, de notre pauvreté, de notre péché, et donc de l'illumination dans notre cœur de sa miséricorde, de la douceur et de l'humilité de son cœur.

AMEN

Commentaires

  • Il semble que l'État d'Israël n'ait pas lu Zacharie ou n'aime pas le lire. Car il privilégie toujours les chars et les canons pour s'imposer par la force à ses ennemis. En fait, le plus grand ennemi d'Israël, c'est lui-même. Sa plus grande erreur historique est d'avoir affirmé que Dieu Lui-même lui aurait donné cette terre, ce royaume terrestre. Et même que Dieu en aurait fait un peuple supérieur aux autres, un peuple élu, une élite qui ne devait pas se mélanger aux autres, les non élus. Or, les multiples théories de "peuples supérieurs aux autres, de droit divin" ont toujours provoqué les pires conflits de l'humanité, dans tous les coins du monde. Que l'État d'Israël redescende donc de son nuage et apprenne à dialoguer avec les autres peuples, d'égal à égal, de frère à frère.

  • Comme disait de Gaulle, "Israël est un peuple d'élite, sûr de lui-même et dominateur" : dans la bouche du général, c’était un compliment (un peu ambigu).

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