Retour sur Mgr Bugnini auquel une note a été consacrée il y a peu sur ce blog. De l'abbé Guillaume de Tanoüarn sur Metablog :
L'homme par qui la réforme liturgique est arrivé
Yves Chiron vient de consacrer un livre à celui qui fut la cheville ouvrière de la réforme liturgique et en quelque sorte l’inventeur de la messe dite « de Paul VI », Mgr Annibale Bugnini. Une occasion de revenir sur ce qui a été une véritable révolution spirituelle au XXème siècle.
Cet article figure dans le dernier numéro du Magazine Monde et Vie.
A l’origine de tout, il y a un homme, un organisateur hors pair plus qu’un théologien, Mgr Bugnini. En 1949, alors qu’il est directeur de la revue Ephemerides liturgicae, il lance une grande enquête qu’il intitule « Pour une réforme liturgique générale ». Et il justifie son titre : « Ou la réforme liturgique sera générale ou elle finira par ne satisfaire personne parce qu’elle laissera les choses comme elles sont, avec leurs déficiences, leurs incongruités, et leurs difficultés ». Bugnini était un précurseur.
Le pape Pie XII avait lui-même lancé l’idée d’une réforme liturgique (il avait d’ailleurs caressé la possibilité d’organiser un Concile). Comme tout bon chef, il avait créé une Commission, qu’on appellera ensuite la Commissio piana : elle siègera sans grands enjeux, même après sa mort. Pourtant, le pape Pacelli avait fait œuvre de réformateur, en retraduisant entièrement le psautier de saint Jérôme, dont le latin n’était pas assez classique au goût des cicéroniens mitrés. Résultat ? La traduction Bea, partout imposé avec autorité, qui substituait un latin de fort en thème au latin poétique (parfois jusqu’à l’obscurité) utilisé par saint Jérôme au IVème siècle. Echec cinglant de cette première réforme ; personne ne voulut de ces nouvelles traductions. Mais cela ne découragea nullement les réformateurs en herbe, parmi lesquels Mgr Bugnini.
Il avait compris deux choses : dans ce temps - les années 60 du siècle vingtième -, le prurit du changement est très fort, ceux qui changent ont raison a priori. On peut toucher à tout, même au latin de saint Jérôme, on peut échouer, comme Pie XII a échoué avec la traduction Bea, mais il faut être avec le pape. Et surtout il faut savoir être prudent et ne prendre personne de front. « Remittatur quaestio post concilium » dit souvent le Rapporteur Bugnini : on verra après le Concile. Fin manœuvrier, notre homme montre son savoir-faire en organisant les réunions de préparation pour la première constitution conciliaire, qui porte justement sur la liturgie, Sacrosanctum concilium. C’est un texte qui ouvre beaucoup de portes et ne va au bout de rien, un texte prudent, qui, en cette qualité, a pu recueillir les signatures de la quasi-unanimité des Pères conciliaires. Alors qu’il est plutôt en marge du Concile lui-même, le Père Bugnini fait la rencontre qui va changer sa vie : le cardinal Montini, archevêque de Milan, prône un large recours aux langues vernaculaire. Bugnini a trouvé son homme. Quelques semaines plus tard, cet homme devient pape sous le nom de Paul VI, avec un mandat : continuer le Concile.
Mais comment réformer ? Fait unique dans l’histoire de l’Eglise, le pape Paul VI n’hésite pas à doubler l’administration officielle de l’Eglise. Il crée une structure qui s’appellera modestement Consilium, le Conseil, mais qui, directement issue du Concile, considèrera qu’elle a tous les pouvoirs. A sa tête le cardinal rouge, Lercaro, archevêque de Bologne. Le secrétariat est confié au Père Bugnini. C’est lui qui va créer de toutes pièces, en faisant appel à des évêques et à des experts du monde entier, une machine à pondre des textes, et cela dans tous les domaines, du martyrologe au Bréviaire, de la consécration des vierges aux exorcismes. Le sommet bien sûr : les nouvelles « prières eucharistiques » appelées à se substituer au Canon romain. Yves Chiron cite le théologien Louis Bouyer, racontant dans ses mémoires comment telle prière eucharistique fut écrite sur un coin de table dans une trattoria du Trastevere. Bugnini veillait au rythme de production de son Think-tank ! C’est à lui que l’on doit attribuer l’extraordinaire efficacité de la réforme romaine de la liturgie.
Comment expliquer sa disgrâce et qu’il ait été brutalement envoyé comme nonce à Téhéran (après qu’on lui ait proposé l’Uruguay) ? Yves Chiron examine soigneusement l’hypothèse souvent avancée : on aurait découvert que Bugnini était franc-maçon. Dans Il faut que Rome soit détruite, Marc Dem racontait avec verve Bugnini oubliant sa serviette, avec des documents compromettants prouvant son affiliation. Nous sommes au temps de la splendeur de la Loge P2. Tout est possible. Yves Chiron ne trouve pas de preuve à charge. Il ne cite pas Marc Dem, qui lui-même ne citait pas ses sources… Il semble que la véritable raison de la disgrâce pontificale tient plutôt dans la manière dont Bugnini, sûr de son pouvoir sur le pape, avait tenté de faire passer en force de nouvelles prières eucharistiques. Il fallait bien arrêter d’une manière ou d’une autre la machine à produire en chambre. On peut dire que l’Eglise ne s’est pas relevé de cette réforme à marche forcée, qui, loin de remplir les églises comme on pensait naïvement qu’elle le ferait, les a implacablement vidées dans le grand bazar des années 70.
Un livre à méditer. Une biographie qui sera demain un lieu théologique sur les origines de la nouvelle messe.
Yves Chiron, Annibale Bugnini, éd. Desclée de Brouwer 222 pp. 18, 90 euros
Commentaires
On ne peut pas dire que cette nouvelle liturgie post-conciliaire, imposée par Mgr. BUGNINI ait été un succès, bien au contraire... D'ailleurs le Cardinal RATZINGER n'a-t-il pas dit dans ses entretiens: "il suffit de dix ans pour détruire la liturgie..Il faudra des générations pour la restaurer !...." Ces prélats modernistes, très nombreux en Occident, à la suite de ce Mgr. BUGNINI, ont cru que la création d'une nouvelle messe en langue vernaculaire et abrégée allait attirer du monde ! C'est bien l'inverse qui s'est produit. Mgr. BUGNINI a été l'artisan n° 1 de la destruction de la liturgie héritée du Concile de Trente et, pardonnez-nous, il fallait être un révolutionnaire si pas un franc-maçon pour provoquer un tel chambardement .... avec le résultat d'une déchristianisation accélérée....
Sans trop de risques de nous tromper, on peut dire que Mgr. BUGNINI a trahi les directives du document conciliaire de VATIVAN II sur la Liturgie et désintéressé, découragé beaucoup de croyants...
Grâce au regretté Pape BENOÎT XVI, un certain retour à la Tradition avait été amorcé avec le succès que l'on sait. Hélas ! Aujourd'hui, son magnifique travail a été mis sous le boisseau, mais, Dieu merci ! si les séminaires diocésains sont généralement vides, les diverses nouvelles congrégations et les ordres religieux qui ont choisi de revenir à la Tradition attirent tous un grand nombre de vocations. " Un bon arbre porte beaucoup de fruits, de BONS fruits "
Les " modernistes" ont réussi une oeuvre sans pareille : une désacralisation quasi-totale avec tous les effets pervers qu'elle implique: suppression des bancs de communion, ainsi plus d'agenouillement, communion en cortège et dans la main, chaises assises et confortables dans la plupart des églises, impossibilité pratique de s'agenouiller pour adorer et prier avec humilité sans oublier l' absence presque totale des références au Saint Sacrifice du Calvaire....
Décidément, Mgr. BUGNINI a bien travaillé en recourant, parait-il, aux services d'experts protestants pour créer "sa" liturgie, très proche de la commémoration protestante de la Dernière Cène.
Désolé, Mgr. BUGNINI ! Vous assumez une terrible responsabilité dans la crise actuelle de l'Eglise Catholique Romaine Et si je me trompe, que Dieu me pardonne !....
merci de nous informer...
on finira donc par tout savoir sur les dessous du Concile et les "agendas cachés" préparatoires...
L'hypothèse de documents maçonniques compromettants oubliés par Bugnini circule sur le net depuis de nombreuses années.
http://tradinews.blogspot.be/2015/04/yves-chiron-aletheia-mgr-bugnini.html
Le 15 mars 1965, il déclare ceci à l’Osservatore Romano:
" Nous devons dépouiller nos prières Catholiques et la Liturgie Catholique de tout ce qui pourrait représenter l’ombre d’une pierre d’achoppement pour nos frères séparés, c'est-à-dire pour les Protestants ".
Il fut exilé une première fois sous le pontificat de Jean XXIII. Et pourtant, c'est lui que le Pape Paul VI décida de le porter au poste de Secrétaire, à la même commission que celle d'où son prédécesseur l'avait renvoyée.
C'est tout de même étonnant qu'un des artisans majeurs de la réforme ait été envoyé en Iran (en 1975). Ce n'était pas un poste de promotion comme on peut facilement l'imaginer.
Une des rumeurs veut que la preuve de l'appartenance de cet homme à la franc-maçonnerie ait été rapportée dans les mains du pape, directement. On lui aurait alors fait comprendre que s'il ne le renvoyait pas, l'affaire serait révélée publiquement. Et de toute façon le Vatican n'a jamais donné de raison expliquant son éloignement en Iran, pas plus qu'il n'a démenti son affiliation à la maçonnerie.
Enfin, depuis, le vent a tourné: le cardinal Ravasi écrit désormais publiquement à ses chers frères maçons...
Mgr Bugnini avait de solides ennemis à l’intérieur même de la Curie romaine . Comme le note Nicolas Senèze dans le journal « La Croix », il manquait de formation et de sens théologiques et il fut tellement acharné à mettre en œuvre sa révolution liturgique qu’il finit par en oublier toute mesure.
Il me semble que Paul VI, éternel Hamlet, l’abandonna (mais le mal était fait) lors de la fusion (1975) de la congrégation des rites avec celle de la discipline des sacrements, dans les dédales d’une réforme (déjà !) de la curie romaine : sans qu’il soit besoin d’agiter le mythe d’une affiliation à la franc-maçonnerie dont les intégristes voient la « main noire » partout.