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L'islam a la lumière de la foi chrétienne

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Du Père Edouard-Marie Gallez sur le site eecho.fr :

Beaucoup d’études paraissent sur l’islam. Même sans aucune prétention à être exhaustifs, nous sommes bien en retard sur l’actualité de leur parution – mais l’actualité de leur contenu, elle hélas, ne faiblit pas.

  • L´islam à la lumière de la foi chrétienne, Henri de Saint-Bon (février 2016)

9782356311405.jpgAprès Catholique/Musulman : je te connais, moi non plus, écrit avec Saad Khiari (F.-X. de Guibert, 2006), le Petit lexique islamo-chrétien (éd. de l’Oeuvre, 2012) et Le christianisme oriental dans tous ses états (éd. Le livre ouvert, 2014), Henri de Saint-Bon publie L´islam à la lumière de la foi chrétienne

Cet ouvrage de clarification n’est pas inutile dans un contexte chrétien où l’on évite encore et toujours d’avoir un discours cohérent sur l’islam. Faut-il que le discours (catéchétique en particulier) soit fait pour plaire et convenir à tout le monde ? Faut-il s’interdire d’avoir une pensée sur l’islam ?

On remarque tout de suite, à la fin de l’ouvrage, la présence de deux lexiques considérables (qui, ensemble, couvrent 80 de ses 310 pages) : l’un est consacré aux « mots catholiques ou à vision catholique », l’autre aux « mots islamiques ou à vision islamique ». L’objectif de l’auteur est clairement de dénoncer les ambiguïtés des mots, tout en sachant que, d’abord, beaucoup de chrétiens ne savent plus le sens des mots chrétiens ni celui des réalités qu’ils désignent – d’où l’intérêt évident de deux lexiques, avec des renvois du premier au second. Par exemple, la courte définition de la miséricorde dans le premier (p.259) renvoie au mot rahma dans le second (p.302) : la différence radicale est mise en lumière (mais elle pourrait l’être davantage : la rahma islamique et coranique est en fait plutôt une anti-miséricorde).

Le souci pédagogique inspire l’ensemble des 26 chapitres, dont certains ne font que deux pages mais qui se terminent tous par un tableau comparatif reprenant en quelques phrases-clefs le contenu du chapitre. Le tour d’horizon des thèmes abordés est impressionnant et, bien sûr, beaucoup demanderaient de nombreux développements. La conjonction de tous constitue l’originalité de cet outil.

On regrettera cependant que l’auteur, à la suite d’Annie Laurent, imagine qu’il existe des « valeurs spirituelles communes aux chrétiens et aux musulmans » (p. 225) – qu’il tente d’énumérer ensuite abstraitement. Nous avons eu l’occasion d’expliquer que cette approche qui découpe les croyances en notions abstraites équivaut à chercher le plus grand commun diviseur entre deux chiffres : c’est faire fi de l’histoire, où s’enracinent l’origine et les raisons véritables des oppositions entre le christianisme et un phénomène religieux qui est apparu à sa suite. Et l’auteur fait fi aussi de l’expérience et de la pensée de nos Frères chrétiens d’Orient, qui « dialoguent » avec les musulmans depuis 14 siècles et qui n’ont pas attendu les textes de Vatican II (lesquels ne sont pas aussi clairs que les caricatures qu’on en a faites).

Le problème est là : s’il s’agissait de comparer la philosophie d’Epicure à celle d’Aristote, la démarche abstraite, thématique et comparative de l’auteur serait excellente. Mais nous n’avons pas affaire à deux systèmes philosophiques mais, d’une part, à la Révélation du Salut en la Personne de Jésus, et d’autre part à la contrefaçon de cette Révélation en un système de salut (et non pas philosophique) ; dans ce système de salut, l’Oumma prend la place et le rôle du Sauveur (du monde).

Cette prétention de salut global (on connaît le slogan : « l’Islam, c’est la solution ! »), l’auteur ne l’entrevoit même pas, sinon de manière indirecte à travers son analyse du djihad (p. 169-173). On notera que la comparaison qui y est faite avec la parole de Jésus « Je ne suis pas venu apporter la paix sur la terre… » tombe mal : il y a deux mots en araméen qui sont traduits par le seul mot paix (eirènè en grec), une donnée qui est disponible sur le web depuis plus d’un an.

Or, la question essentielle à la sensibilité islamique est pourtant celle-là : comment Dieu peut-Il et doit-Il sauver ce monde qui est en train de s’autodétruire, notamment sous l’égide de maffias mondiales ? Nulle part la question du devenir de ce monde n’est abordée.

Des outils performants pour comparer thématiquement le christianisme et l’islam peuvent être utiles au public occidental désinformé et habitué à raisonner de manière notionnelle ; mais outre le fait que de moins en moins de gens sont capables de tels raisonnements, il faut bien constater que de tels outils existent depuis fin 1997, avec la parution de La croix et le croissant du P. Antoine Moussali et dont même le titre a été copié maintes fois. Vingt ans après, en serait-on toujours là ? Comparer n’est pas expliquer. Au mieux, on lève ainsi des ambiguïtés sur les fausses ressemblances et les oppositions radicales entre le christianisme et l’islam. Et ensuite ? Ne faudrait-il pas aborder les choses d’une toute autre manière ?

Edouard-M G.

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