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Le dogme : une balise qui protège le Mystère de toute explication réductrice

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Sur lalibre.be : une chronique d'Eric de Beukelaer

Le dogme, balise du mystère

Le dogme, "cancer de l’Eglise catholique" ? Telle est la thèse d’une récente opinion, parue dans les colonnes de ce journal, présentant le dogme comme "certitude de posséder la vérité". Et affirmant que : "l’Eglise du Christ et des apôtres a vécu presque trois siècles sans dogme". Le coupable serait l’empereur Constantin, au début du IVe siècle : "Dès le départ, les dogmes furent une question d’autorité et de pouvoir politique. On se mit aussitôt à condamner les opposants et à excommunier Arius, prêtre très dévoué d’Alexandrie, qui avait le tort de nier la divinité de Jésus et ne reconnaissait pas la Trinité."

Voilà une présentation qui plaît à nombre de catholiques, ayant souffert d’une overdose de petits catéchismes - de qualité souvent moyenne. Cependant, cette thèse n’est en rien conforme à l’histoire de l’Eglise… Si ce n’est celle écrite par Dan Brown dans son "Da Vinci Code".

Pour ceux qui adhèrent à pareille vision, Jésus est un homme inspiré - mais nullement Dieu. Sa divinité serait une perversion idéologique, née avec les siècles. En fait, leur foi est proche de l’islam. Dans le Coran, en effet, Jésus est le plus grand des prophètes (plus grand que Mohammed), mais ce sont ses disciples qui en ont fait un Dieu. Alors que Dieu est le Tout-Autre. Et que c’est blasphème que de vouloir l’humaniser.

Ici se marque une claire différence avec la foi proclamée par les chrétiens - tant catholiques, orthodoxes que protestants. Pour eux, le christianisme est l’expérience spirituelle d’un Dieu qui cherche l’homme, bien avant que l’homme ne cherche Dieu. Ce Dieu en quête d’humanité, ne se contente pas d’envoyer des messagers - prophètes et autres sages. Il va jusqu’à épouser la condition humaine en Jésus de Nazareth.

Celui qu’on surnomme le Christ, poursuit Sa mission jusqu’au bout du don de Soi, en prenant sur la croix la place de la victime innocente. Et Il traverse la mort par Sa résurrection au matin de Pâques. De telles affirmations "dogmatiques" se retrouvent à chaque page du Nouveau Testament - rédigé bien avant Constantin (globalement entre l’an 50 et 120).

Mais au fond, qu’est-ce qu’un dogme ? Pas une définition. En effet, "définir" signifie délimiter conceptuellement. Et Dieu est sans limites. Il est Mystère infini. Le dogme est au contraire une balise qui protège le Mystère de toute explication réductrice. Prenons pour exemple la crise "arienne", qui secoua l’Eglise au IVe siècle, avec une question pertinente : si le Père est Dieu et si Jésus est Dieu, et s’ils ne sont pas la même personne, comment comprendre cela ? Arius, prêtre et théologien d’Alexandrie, proposa une explication brillante et au goût du jour.

Usant d’une grille de lecture néoplatonicienne, il déclara que le Christ était une "émanation" divine, subordonnée au Père. L’explication plut. Même l’empereur Constantin fut séduit par elle en fin de vie. Ses trois successeurs immédiats firent d’ailleurs de l’arianisme la doctrine officielle de l’empire romain.

Au système arien s’opposa cependant le Mystère chrétien : si le Sauveur n’était pas de même nature que le Père, alors Dieu n’avait pas réellement épousé la condition humaine. D’où le dogme des conciles de Nicée (325) et Constantinople (381), qui condamnèrent l’arianisme au nom du sens de la foi : la Source que nous nommons "Père", le Verbe que nous nommons "Christ" et le Souffle que nous nommons "Esprit", sont un seul Dieu en trois Personnes. Les mots sont maladroits. La formulation diverge d’ailleurs en grec (hypostasis) et en latin (persona). Mais le dogme ne cherche pas à expliquer le Dieu "trois-en-un" mais bien à en préserver le mystère. "Trinité" est le nom fragile que l’Eglise donne à l’infini brasier du Dieu relationnel (tout à la fois Transcendance, Visage et Immanence). Un Dieu qui aime l’humanité à en mourir.

Commentaires

  • Les "dogmes" sont des formulations sans cesse reprises et revues
    pour tenter d'exprimer une réalité qui ne change pas,
    qui ne peut pas changer, mais réalité divine insaisissable.

    J'appelle chrétien ce lui qui dit et croit "Christ est ressuscité".

    Mais dire cela c'est dire qu'Il EST Dieu,
    Dieu incarné, mort, ressuscité, monté auprès du Père.
    Sinon, cela n'a absolument aucun sens.
    C'est dire qu'Il a souffert sa passion et est mort
    pour nous racheter, pour notre « rédemption ».
    Qu'est-ce à dire?
    La rédemption c'est le rachat, comme on rachète
    la liberté d'un esclave. 
    C'est la libération de l'emprise du malin, du mensonge.
    Par Sa mort et Sa résurrection Il nous libère de la mort
    pour que nous ayons la vie éternelle.

    Le dogme peut être (et a été formulé) de bien des façons
    mais la réalité ne change pas.

  • En « accusant » l'Église catholique de « dogmatisme » certains se disant « "libres" "penseurs" » veulent la condamner sans appel. C'est ne pas s'apercevoir du dogmatisme radical de cet a‑dogmatisme. C'est ne pas voir l’a-priori de ce choix qui résulte d'un scientisme rationaliste positiviste, qui ne se fonde sur rien d'autre que l'affirmation péremptoire de lui-même. Ce rationalisme est une foi qui refuse de s'appeler foi, choix arbitraire plus arbitraire que celui qui s'assume comme arbitraire.
    Nostradamus

  • Un beau texte religieux dans La libre, ça fait du bien . Cette approche lumineuse, poétique par moment, peut servir d'entrée en matière pour méditer les Mystères du Rosaire ...

  • Eh oui, Nostradamus.
    Pour beaucoup de libertariens le libertinage tient lieu de religion, mais gare à celui qui dévie de la doxa : pas de liberté pour les ennemis de la liberté. C'est le totalitarisme libertaire liberticide. Il est exclu de faire mine de commencer à contester la religion de l'irréligion ; c'est tout à fait incorrect et vous en payerez le prix. Pour vous le faire payer, le prince est toujours plus proche que Dieu et bien moins clément.
    C'est bien là l'absurde contradiction intrinsèque de ce matérialisme hédoniste : dogmatisme de l'a-dogmatisme, totalitarisme de la liberté défendant un élitisme irrémédiablement inégalitaire.
    Tout cela pour aboutir au vide, au non sens.

  • L’imagination est la folle du logis et, à cet égard, la religion est pour elle un terrain a priori propice; les formules dogmatiques sont des balises qui empêchent la foi de divaguer.
    Des balises mais pas des bornes : un mystère est par définition insondable. On connait la légende de saint Augustin : se promenant au bord d’une plage, il cherche à comprendre le mystère de la Trinité. En chemin, il rencontre un petit garçon assis au bord de l'eau."-Que fais-tu ? -Avec ma cuillère, je vide l'eau de la mer pour remplir ce trou creusé dans le sable. - C'est insensé, tu n'y arriveras jamais ! -Réponse du philosophe en herbe : je pense que j'en aurai fini avant que vous ne commenciez à comprendre cette histoire de Trinité."
    Le rationalisme récuse évidemment la leçon de cette légende ; pour lui, le cerveau humain est plus grand que le mystère. Tiens, encore un dogme ?

  • Merci aux personnes qui ont posté les commentaires précédents. Belle discussion grave et pénétrante.
    Mais comme il faut se battre face à l'évidence que l'absence de preuve n'est pas la preuve de l'absence

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