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Benoît XVI : quelques grains de sel dans le dialogue judéo-chrétien

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B XVI et les juifs d222709a-039e-11df-a2cf-ac9375520f0e.jpgNous avons fait écho ici : Quand Benoît XVI suscite la polémique sur la question du dialogue judéo-catholique à la controverse suscitée par la publication récente dans la revue « communio » d’un texte du pape émérite Benoît XVI. Plusieurs rabbins germanophones et théologiens chrétiens l’ont en effet âprement critiqué.

Première question : la nouvelle alliance se substitue-t-elle à l’ancienne ?  Evoquant l’abandon de la théorie catholique dite de la « substitution », Joseph Ratzinger confirme qu’à son sens aussi Israël n’a pas été remplacé par l’Eglise et que l’alliance ancienne n’a jamais été révoquée mais il ajoute que cette déclaration (qui date de Vatican II)  est trop «  imprécise ».

Les dons de Dieu sont irrévocables mais depuis Adam nous savons qu’il arrive à l’homme de rompre les contrats. Si l’on disculpe le peuple élu de toute responsabilité dans le drame de la passion et de la croix,  l’alliance première ne serait pas dissoute, Jésus ayant dit lui-même qu’il était venu non pour l’abolir mais pour l’accomplir. Reste que la synagogue  est demeurée aveugle  à cet accomplissement universel et définitif en Jésus-Christ. Pourquoi l’Eglise  devrait-elle nécessairement taire au peuple juif cette bonne nouvelle destinée à tous les hommes sans exception ? Cette question devrait faire l’objet d’un examen plus « approfondi »

Deuxième question : la fondation contemporaine  de l’Etat d’Israël se justifie-t-elle par un droit divin inscrit dans la Parole délivrée par l’Ecriture sainte comme le donne à croire un certain rabbinat? A ce compte, il faut alors réfléchir aussi au sens de l’exil de Babylone, de la destruction irrémédiable du Temple au 1er siècle de notre ère, de la diaspora et de la dispersion multiséculaire des Juifs symbolisée par le personnage d’Ahasvérus (le Juif errant). Pour Benoît XVI, la fondation d’Israël est une conséquence de la Shoah, un événement purement politique : elle n’a aucune signification théologique et ne fait pas partie de l’histoire de la rédemption.  

Dans l’un et l’autre cas, Benoît XVI est dans la continuité de sa pensée. Dans un de ses premiers entretiens avec Peter Seewald, publié en 1997 ( "Le sel de la terre" chez Flammarion/Cerf, pp. 238  et sq), ces deux questions sont déjà clairement abordées, sinon résolues :

A propos de l’Ecriture Sainte d’Israël :

« […] Grâce à l’existence de l’Ancien Testament, qui fait partie de la Bible chrétienne, il y a toujours eu une profonde parenté intérieure entre christianisme et judaïsme. Mais précisément ce bien commun lui-même était une cause de discorde : les juifs avaient pour ainsi dire le sentiment que nous leur avions volé la Bible  –et que nous ne la vivions pas. Ils en étaient, pensaient-ils, les véritables propriétaires. Inversement, la chrétienté avait le sentiment que les juifs faisaient une lecture erronée de l’Ancien Testament, qu’on ne pouvait lire avec justesse que dans une perspective ouverte sur le Christ. Les juifs l’ont pour ainsi dire enfermé en eux et lui ont ôté sa direction intérieure. Ainsi, la possession chrétienne de l’Ancien Testament a poussé les chrétiens contre les juifs, jusqu’à leur dire : vous avez certes cette Bible, mais vous ne l’utilisez pas comme il le faut, vous devez encore faire cet autre pas.

D’autre part, il y a toujours eu dans le christianisme, depuis le IIe siècle, des mouvements qui voulaient rejeter l’Ancien Testament ou du moins en réduire l’importance. Même si cela n’est jamais devenu la doctrine officielle de l’Eglise, une certaine sous-estimation de l’Ancien Testament était largement répandue dans la chrétienté. Naturellement, si on ne lit que les prescriptions légales ou les histoires cruelles au pied de la lettre, on peut finir par penser "comment cela pourrait-il être notre Bible ? " et de là vient aussi un anti-judaïsme chrétien. Quand, dans les temps modernes, les chrétiens ont abandonné l’interprétation allégorique grâce à laquelle leurs pères avaient « christianisé » l’Ancien Testament, ils ont pris une nouvelle distance avec ce livre : il faut réapprendre à le lire. 

Nous devons vivre de nouveau notre appartenance commune en l’histoire d’Abraham, où s’inscrivent en même temps notre séparation et notre parenté, en respectant le fait que les juifs ne lisent pas l’Ancien Testament  les yeux fixés sur le Christ, mais sur cet inconnu qui va encore venir. Leur foi ne va donc pas dans la même direction que nous. Et nous espérons, inversement, que les juifs pourront comprendre que, même si nous lisons l’Ancien Testament à une autre lumière, nous essayons de partager ensemble la foi d’Abraham et ainsi de pouvoir vivre intérieurement tournés les uns vers les autres » car « c’est comme juif fidèle à la Loi que Jésus a dépassé le judaïsme et a voulu réinterpréter tout l’héritage , en l’incluant dans une nouvelle fidélité, encore plus grande  (…) ».

A propos de l’Etat d’Israël :

« Terre promise, terre due ? » Ratzinger n’évoque jamais aucun argument biblique ou d’ordre religieux pour justifier la décision du Vatican de reconnaître cet Etat :

« La fondation de l’Etat d’Israël après la Seconde Guerre mondiale correspondait à un décret des Nations-Unies ; on reconnaissait au peuple juif le droit d’avoir son propre Etat, un pays à soi. Mais, selon le droit des peuples, le tracé des frontières demeurait contesté ; comme on le sait les réfugiés arabes ont quitté en grand nombre le nouvel Etat et doivent vivre pour ainsi dire entre plusieurs Etats, dans une situation extrêmement problématique et très mal définie.

Dans ces cas-là, le Vatican attend toujours que se forment des relations juridiquement claires. Ainsi a-t-il aussi attendu pour les anciennes frontières orientales  de l’Allemagne et il n’y a établi de nouveaux diocèses qu’au moment où la politique orientale de Brands a réglé les questions litigieuses entre la Pologne et l’Allemagne ; avec la République démocratique allemande, on sait qu’il n’y eut jamais de relations diplomatiques.

En Israël, le problème de Jérusalem s’est encore ajouté au reste : il semblait douloureux que la Ville Sainte  de trois religions put devenir la capitale d’un seul Etat, religieusement marqué. Ici aussi, il fallait attendre des éclaircissements. Finalement, un accord précis sur la situation juridique des chrétiens et des institutions chrétiennes dans le nouvel Etat a paru souhaitable. »

JPSC

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