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Anne-Dauphine Julliand : « La consolation demande de la patience, de la douceur. Et du temps. »

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De Christophe Henning sur le site du journal La Croix :

Consolation », d’Anne-Dauphine Julliand : la vie d’après

Anne-Dauphine Julliand poursuit sa méditation sur le sens de la vie après la mort de ses deux filles, et l’affirme : la consolation est possible.

Consolation

d’Anne-Dauphine Julliand

Les Arènes, 196 p., 18 €

« La consolation demande de la patience, de la douceur. Et du temps. » Qu’Anne-Dauphine Julliand ait soif de consolation ne surprendra pas ceux qui ont en mémoire ses premiers livres (1). « J’ai perdu mes filles. Mes deux filles. D’une “leucodystrophie métachromatique”. Un nom barbare pour une maladie rare, qui détruit tout sur son passage », rappelle-t-elle dans ce nouveau récit qui rassemble en un bouquet fragile les étapes de la vie d’après.

Après la sidération, après la maladie et son cortège de frayeurs et de vains espoirs, après la mort impitoyable. Thaïs est emportée à l’âge de 3 ans, en 2007, sa petite sœur Azylis dix ans après.

« On ne peut se faire juge de la douleur d’autrui »

Anne-Dauphine Julliand n’a pas de recette pour les parents « désenfantés ». Elle veut simplement dire que peuvent cohabiter en un même cœur la douleur et la paix : « La douleur de celui qui pleure. Et la paix de celui qui est consolé. » Cela reste une insondable souffrance. Il faut vivre avec et se réjouir quand elle desserre un peu les crocs : « Certains jours, qui parfois durent longtemps, on ne peut pas avancer d’un pas. »

→ ENTRETIEN. « Il faut être très doux avec les gens endeuillés »

Avec son mari, ses deux garçons, Anne-Dauphine Julliand en atteste : « Vivre la peine, c’est la seule façon d’être aussi capable de vivre la joie. » D’une écriture sobre et pudique, habitée d’un souffle, elle évoque la souffrance indescriptible, « celle qui déchire l’âme. Elle ne se raconte pas ». Et l’auteure ne hiérarchise pas la souffrance, ne revendique nulle expertise, s’adresse à tous ceux qui sont aspirés par le chagrin, quelle qu’en soit la cause, car « on ne peut se faire juge de la douleur d’autrui ».

Le besoin des autres

La souffrance, « elle ne se soigne pas, elle ne guérit pas. Elle s’éprouve, elle se vit. Et se vit seul. » D’où l’importance de ces mots apaisés que l’auteure pose sur le drame traversé et toujours à fleur d’âme, ouvrant une brèche pour ceux qui assistent, impuissants, au malheur d’autrui : « C’est difficile, je le sais, de s’approcher si près et si vite de quelqu’un dans l’épreuve. »

Face à la souffrance, il est normal de balbutier, de ne pas savoir quoi murmurer aux proches et aux amis en deuil. Pourtant, confirme Anne-Dauphine Julliand, « quand nous souffrons nous avons plus que jamais besoin des autres. » Alors ouvre-t-elle quelques pistes pour consoler ceux qui sont aspirés par le chagrin : « Consoler, ce n’est pas nécessairement sécher les larmes. C’est souvent les laisser couler. »

Le temps qui s’étire

À chacun de faire ce qu’il sent, s’approcher comme il peut des endeuillés. Il y faut du temps, et Anne-Dauphine Julliand s’élève contre le Parlement qui légifère pour définir combien de jours octroyer lors de la perte d’un proche : « Il faut laisser le temps aux larmes, à la peine, à la désolation, à la consolation. »

Tout est question de temps, le temps qui s’étire, qui laisse perdurer la douleur, et que la consolation vient éclairer d’un faible rayon de lumière : « Le temps paraît illimité, comme une interminable nuit, pour celui qui souffre.(…) L’épreuve se vit au rythme lent du présent. »

→ ANALYSE. Anne-Dauphine Julliand : « La maladie paraît assez éloignée de moi, mais qu’en sais-je ? »

Ce qu’essaie de nous dire Anne-Dauphine Julliand, c’est que nous survivons au malheur, parce qu’il y a encore des rencontres possibles, une vie à consoler : « Il s’agit de sauver non pas nécessairement une vie en danger, mais une âme en souffrance. La sauver des ténèbres et de l’isolement. » Et si son propos s’adresse à tous, en quelques mots discrets, elle confie sa source : « On dit souvent dans l’épreuve que le ciel nous tombe sur la tête. J’ai eu le sentiment qu’il descendait jusqu’à moi, sans fracas. (…) La vie nous pousse à fouiller le ciel. »

(1) Deux petits pas sur le sable mouillé (Les Arènes 2010) s’est vendu à plus de 260 000 exemplaires.

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