Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Que faire lorsque les “fondamentaux” se mettent à vaciller ?

IMPRIMER

D’après Armin Schwibach, à propos du cardinal Brandmüller, sur ProLiturgia.org :

Que faire lorsque les “fondamentaux” se mettent à vaciller ?

Observons le cardinal Brandmüller au travail. Et d’abord regardons son bureau. Sous ses armoiries est inscrit : « Ignem veni mittere in terram et quid volo si accendatur », c’est-à-dire « Je suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit déjà allumé ! » (Lc, 12, 49). Et de fait, la flamme ne quitte jamais le cardinal ; plus précisément la flamme de sa mission pastorale.

Ce même verset de l’Evangile de Saint Luc avait été choisi par Andrea Pozzo, jésuite et peintre du XVIIe siècle. Le fondateur de l’ordre des Jésuites lui-même, Saint Ignace de Loyola, y tenait beaucoup. Il s’agit d’une rencontre, d’une “coincidentia”, d’une parole évoquant pour le cardinal comme un pont entre les temps anciens et les temps nouveaux. A travers ces paroles, Jésus parlait aux siens de son destin futur : il pressentait la manière dont ce destin devrait s’accomplir.

Le cardinal écrit toujours à la main, avec un crayon à papier soigneusement taillé, sur un papier de qualité. Ses manuscrits doivent ensuite être numérisés : pour cela il dispose d’une aide. Le numérique a toutefois ouvert un univers à cet homme cultivé : à 92 ans, le cardinal est un “user” qui surfe sur le net comme s’il avait grandi avec cette technologie. Mais composer un texte directement sur un ordinateur n’est pas vraiment sa tasse de thé ; le cardinal travaille donc de façon “classique”, un œil toujours attiré par la croix suspendue là, devant lui. Parfois, des mouettes s’aventurent jusque devant sa fenêtre pour le regarder travailler. Le cardinal, comme il se doit pour un des plus éminents spécialiste de l’histoire de l’Eglise, vit dans sa bibliothèque.

Les temps difficiles que nous vivons, difficiles aussi pour l’Eglise d’où semblent disparues toute idée de beauté, de fête et de célébration, ces temps de pandémie, n’ont pas eu raison du cardinal : il poursuit sa réflexion sur le présent et le futur. Et dans le flux constant des informations qui nous arrivent de partout, la réflexion le mène à une œuvre personnelle abondante et prophétique car essentiellement réaliste. Un véritable message pastoral.

Mais laissons-lui la parole :
Depuis quelques temps déjà, dans l’Eglise d’Occident tout au moins, n’émerge plus aucune voix épiscopale capable d’indiquer la route à suivre. Mis à part au sujet de l’éternel thème des abus sexuels - thème écœurant s’il en est - ne règne plus qu’un tonitruant “silence des agneaux” (d’après le film des années 1980). Ou plutôt le “silence des bergers”, pendant que les agneaux, inquiets, errent un peu partout, espérant peut-être toujours, de la part de leurs pasteurs, une parole forte proclamant la foi catholique. En attendant, dans nos régions, l’Eglise prend feu, comme la charpente de Notre-Dame de Paris. Les fidèles quittent l’Eglise en nombre croissant, et pas seulement à cause du virus ! La faible fréquentation des célébrations religieuses reflète l’indifférence d’au moins 90% de ceux qui se disent encore catholiques. Le thème de l’Eglise catholique n’a plus sa place dans nos préoccupations journalières. Dans certains pays, comme en Allemagne, ne demeure plus que la source jaillissante de l’impôt dû à l’Eglise qui rassure - mais pour combien de temps encore ? - l’appareil ecclésial.

Pendant ce temps, rares sont les pays de notre planète qui ne sont pas secoués par les problèmes politiques, économiques, démographiques. En Europe, ce sont les tensions entre les régions de l’Est et du Sud-Est ; mais le reste de l’Europe pose problème et aussi et, comme Michel Houellebecq l’a décrit de façon presque prophétique, on observe l’explosion - l’expansion - d’une violence islamique, qui tôt ou tard, atteindra aussi des pays comme l’Allemagne. Une vision d’horreur décrite aussi par Jean Raspail dans son livre “Le Camp des saints” qui date de… 1973 ! Mais pour le moment, on en est encore à minimiser de tels dangers. A vrai dire, on n’imagine même pas à quelles catastrophes économiques et financières le continent aura à faire face suite à l’actuelle pandémie. Nous vivons un moment extrêmement dangereux pour nos pays, pour notre Eglise…

I. Pourtant, on continue, de façon grotesque et quasi-surréaliste, à multiplier des rencontres fort couteuses pour discuter une fois de plus de la place des laïcs dans l’Eglise, ou de la violence à l’égard des femmes, ou de je ne sais quoi encore.

Mais la vérité est que les combles sont en feu pendant qu’au rez-de-chaussée on repeint les murs ! De plus, les quelques 10% de catholiques qui restent fidèles à leur foi - petit reste qui ne fait jamais la une des journaux -, et les prêtres en grande majorité zélés et fidèles, se voient abandonnés par la bureaucratie ecclésiastique, se retrouvent isolés comme au milieu d’un désert, si ce n’est qu’ils sont blâmés par ladite bureaucratie.

II. Mais assez de jérémiades ! Posons la vraie question : comment un catholique fidèle à sa foi fait-il face à une telle situation ? Le psalmiste de l’Ancien Testament déjà demandait : « Quand sont ruinées les fondations, que peut faire le juste ? » (Ps 11,3) – et ne donnait aucune réponse ! A nous de tenter d’en trouver une…

Une réponse pertinente se doit de correspondre à plusieurs critères dont le premier est une évaluation honnête de la situation prenant en compte les notions de foi et d’Eglise. N’oublions pas, par exemple, qu’au cours des 2 000 ans de son histoire, de violentes tempêtes ont toujours et encore secoué cet arbre qu’est l’Eglise, balayant sans ménagement son feuillage flétri et ses branches desséchées, laissant l’arbre totalement dénudé. Qui pourrait nier que nous essuyons en ce moment-même une telle tempête ?

Il faut donc se résoudre clairement à envisager cette situation qui correspond à ce qu’annonçait Jésus lorsqu’il parlait de l’amour qui décline, de l’abandon des siens, des persécutions à venir, lorsqu’il décrivait les signes annonciateurs de son retour inopiné à la fin des temps. Il faut prendre les choses telles qu’elles sont, sans s’en étonner outre mesure, sans se résigner non plus ou courir se réfugier dans un ghetto pieux et bien protégé en gémissant sur son sort.

Il convient plutôt de prendre les choses à bras le corps, de relever le défi avec force d’âme. Cela suppose de rester inébranlable dans la foi aux enseignements de l’Eglise. Les opinions, les manières d’être de notre époque doivent être jugées à l’aune du dogme et de la tradition de l’Eglise car, soyons-en sûrs, là se trouve la vérité révélée par le Christ.

III. A cela, il convient d’ajouter une parole nette. Nombreux sont ceux qui, se pensant fidèles à leur foi et à l’Eglise - et qui le sont assurément - sont souvent incapables de répondre clairement à des questions portant sur la doctrine de la foi ou sur la vie de l’Eglise que leur posent des non-catholiques, ou encore d’éclaircir certains malentendus, de rétablir des interprétations douteuses. Nous ne pourrons pas échapper à l’effort qui consiste à réparer les dommages causés par des décennies d’instruction religieuse insuffisante et contenant souvent des éléments réducteurs de l’enseignement sur la foi et l’Eglise, allant jusqu’à lui retirer toute crédibilité. Et ce, en prenant fermement pour ligne directrice le “Catéchisme de l’Église catholique” publié par saint Jean-Paul II en 1992… et qui ne peut en aucun cas être remplacé par un quelconque petit livret pieux !

Partant de là, un catholique convaincu se doit d’être conscient que son témoignage, son zèle pastoral, peut paraître bizarre tant qu’il est exercé sur la place publique avec tambour et trompettes : il lui faut œuvrer avec intelligence et sans insistance inappropriée s’il veut convaincre. Eviter par exemple de faire revivre de vieilles querelles, ou de disserter pour savoir si oui ou non, en 1924, un ange a bien transporté la maison de la sainte famille depuis Nazareth jusqu’à Loreto en Italie, ou si le linge vénéré à Manopello porte vraiment l’image de Jésus : ce type de questions est complètement hors sujet ici et peut même nuire au témoignage de foi de l’Eglise.

Il convient plutôt de mettre en œuvre les énergies missionnaires de l’Eglise pour la propagation de l’Evangile au lieu de gaspiller les nôtres en discussions sur diverses formes de piété ou sur nos idées favorites et nos révélations privées. Ce qui ne doit pas échapper, par contre, à notre attention et à notre sagacité, ce sont les indices du réveil de la foi qui émergent chez les jeunes, bien souvent en dehors des structures officielles de l’Eglise.

IV. Ida Friederike Görres, autrichienne, avait écrit dans un livre paru en 1970 et réédité huit fois : « C’est en hiver que croît le pain ». Et en effet, le grain de blé germe en hiver, sous la couche de neige et de gel. En serait-il ainsi aussi pour notre catholicisme, qui nous paraît aujourd’hui stérile ? Il ne faut pas négliger cette possibilité, dans les signes même infimes qui se montrent au milieu de nos effondrements.

« C’est en hiver que croît le pain ». Nous ne pouvons que pressentir quand et où les graines vont finalement produire un germe. L’heure est donc à une attente patiente de ce grand moment. Le mot “patience”, - “hypomona” en grec du Nouveau Testament - signifie supporter une lourde peine et persévérer même sous les coups.

Soyons-en sûrs : l’enclume donne sa forme au fer en résistant au marteau.

Commentaires

  • merci !

  • Texte magnifique. Seule la fin m'inquiète : Si nous sommes dans l'hiver de la foi en Europe de l'ouest en particulier, pour que des grains de blé germent encore faut il qu'il y en ait sous la terre... et sous la neige.

Les commentaires sont fermés.