Une tribune de Jean Bernard sur le site du journal la Croix :
« Si schisme il doit y avoir, ne viendrait-il pas plutôt du côté progressiste ? »
Pour Jean Bernard, ce ne sont pas les traditionalistes qui risquent de provoquer un schisme dans l’Église, mais bien la frange la plus progressiste, et en particulier l’Église d’Allemagne. Si des évêques allemands en venaient par exemple à ordonner des femmes, excommunication et schisme deviendraient « inévitables ».
05/12/2023
Il n’est pas sans paradoxe de constater que, à l’heure même où l’Église catholique est engagée dans un Synode des évêques dont le thème central est la synodalité et l’accueil inconditionnel de tous (« para todos, todos, todos »), les avertissements se multiplient concernant la possibilité d’une « implosion » ou d’un « schisme ». Dernière intervention en date, celle de J.‑L. Schlegel, pour lequel une rupture pourrait survenir chez les traditionalistes dans le cas où des réformes audacieuses devraient être adoptées à l’issue du synode.
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À cet égard, nul ne conteste le fait que la frange la plus conservatrice de l’Église éprouve une réserve marquée à l’égard de certaines initiatives du pape François en ce qui concerne, notamment, les questions de morale (Amoris Laetitia), les mesures adoptées contre la messe traditionnelle (Traditionis Custodes) ou encore les engagements politiques du Souverain Pontife. Il suffit, pour s’en convaincre, de considérer les déclarations chaque jour plus virulentes d’un cardinal Müller, l’ancien préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi de Benoit XVI.
La stratégie des traditionalistes
Toutefois, jusqu’à maintenant, cette réserve ne s’est traduite par aucun schisme (le cas de la Fraternité Saint-Pie X mis à part), notamment parce que les traditionalistes n’y auraient trouvé aucun intérêt.
En effet, de la même manière que, après le Concile, de nombreux prêtres progressistes ont exercé leur ministère sans avoir égard au Magistère romain, les traditionalistes vivent tout simplement leur appartenance ecclésiale sans considération des réformes encouragées ou tolérées par le pape François. En outre, ils pensent, à tort ou à raison, que le temps joue en leur faveur : ils constatent que l’effet paradoxal de Traditionis Custodes a été de vider encore davantage les séminaires diocésains au profit de leurs propres maisons de formation ou, à tout le moins, de celle de la Communauté Saint-Martin. Et ils connaissent les conclusions de l’enquête approfondie menée récemment aux États‑Unis, qui a mis en évidence le profil conservateur, voire très conservateur, de la très grande majorité des jeunes prêtres.
Peut-on néanmoins prédire un schisme de cette partie de l’Église dans l’hypothèse où le Synode sur la synodalité déciderait, à l’issue de ses travaux, d’adopter des réformes substantielles, telles que l’ordination des hommes mariés, l’ouverture des ordres sacrés aux femmes, la procédure de nomination des évêques ou encore l’accueil des personnes LGBT ?
En fait, la prémisse sur laquelle est fondée une telle prédiction – l’adoption de réformes substantielles – reste très largement incertaine.
Ordination d’hommes mariés
Certes, sur plusieurs thèmes, Rome a déjà bougé. L’homosexualité ou le remariage après un divorce ne sont plus des obstacles dirimants à la réception des sacrements. De même, le choix du pape de désigner 70 laïcs parmi les membres votants de l’actuel Synode sur la synodalité témoigne d’une volonté assumée d’associer davantage les laïcs à la définition des grandes orientations de l’Église. Enfin, il n’est pas exclu que, à l’issue de la clôture du Synode en octobre 2024, la règle du célibat sacerdotal soit assouplie et que l’ordination de viri probati devienne possible.