Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

Euthanasie : le très beau témoignage d'un médecin liégeois

IMPRIMER
Le très beau témoignage d'un médecin liégeois (le Dr N.S.) :
 
"Je vais voir hier à domicile un patient de 61 ans qui a un cancer un stade avancé, et son épouse, tous les deux affectés par la situation.
Il est en cours de traitement sans que l’on sache à ce jour si ce traitement aura une efficacité ou pas. 
Il souffre de ses métastases osseuses. 

Depuis début janvier, je les ai au téléphone quasi un jour sur deux. Je prends le temps lors de mes visites à domicile une à deux fois par semaine, j’écoute, j’accompagne.... quand ils appellent sur mon portable, je décroche, même durant mes jours de congé. 

Il a passé un week-end difficile, les antidouleurs n’étaient plus assez puissants. 

Je suis déjà passée la veille pour augmenter les antalgiques et prévoir un bilan en urgence.

En fin de visite, alors que je suis debout ma mallette à la main, l’épouse me dit : « bon docteur, il faut qu’on vous dise.... ça fait des semaines qu’on en parle....pour mon mari…... on a pensé à l’euthanasie. Hein chéri? Tu m’en parles souvent, n’est-ce pas? Je vais aller chercher les papiers à la commune »

Silence...... le mari pleure......elle me regarde droit dans les yeux pour scruter ma réaction... d’un air de dire .... « vous lui ferez bien ça, la piqûre, hein docteur ? »

Surtout rester calme, ne pas montrer que l’on maudit  intérieurement cette loi belge de 2002.  Prendre une grande inspiration avant de répondre. 

Volontairement mettre de côté le fait que l’on vient de se prendre un missile en plein bide alors qu’on a choisi son métier pour « prendre soin » ...et..... se rassoir pour écouter avec douceur et chercher à comprendre avec bienveillance....

Je tente de me rassurer, ça va aller je vais trouver et défaire les noeuds, les uns après les autres, ça va aller, je vais y arriver.....

J’écoute et je réponds. 

Non, il n’y a pas que deux options, soit l’acharnement thérapeutique, soit la piqûre de l’euthanasie. Oui, il pourra rester chez lui jusqu’au bout bout si c’est important pour eux. Non, il n’est pas nécessaire de signer des papiers pour être soigné dignement jusqu’au bout. Oui, nous pendrons soin de lui et soulagerons sa douleur. Il pourra faire venir l’infirmier jour et nuit si il a besoin de lui. 

La demande d’euthanasie se dissipe.... je souffle. 

Je m’interroge: comment se fait-il que la réponse de l’euthanasie arrive dans la discussion avant l’expression des interrogations et des peurs?

Finalement pour nous médecins la question en 2021 n’est plus de savoir si un patient gravement atteint va demander l’euthanasie, mais juste _quand_ la demande va tomber.

Les patients semblent plus préoccupés de chercher la meilleure date plutôt que de profiter des dernières semaines qui s’offrent à eux.

Comment entendre dans la bouche de son épouse qu’à un moment donné, il vaudra mieux qu’il soit mort plutôt que vivant. Quelle fissure dans la relation. 

Finalement je me retrouve à devoir lutter contre les effets de la maladie et également contre les effets de la loi. Je me serais bien épargnée le deuxième combat pour garder mon énergie pour le premier. Je suis comme mon patient: juste en sursis."

Dr N.S.

Commentaires

  • La loi sur l’euthanasie: une croix pour les honnêtes médecins.

Les commentaires sont fermés.