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Bergoglio ou Imbroglio ?

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Bergoglio 8513869_20171209-142400.jpgNotre confrère « Diakonos.be » publie cette traduction d’un récent article de Sandro Magister, vaticaniste à L’Espresso :

« François, le pape qui s’autocontredit. Théorie et pratique d’un pontificat non-infaillible. Bravo à celui qui arrive à comprendre. Lisez plutôt :

« Prenez quatre éléments : pour apprendre la réalité, il y a le concept et l’intuition et pour expliquer la réalité il y a les deux termes d’une antinomie. Ces quatre éléments entrent en tension entre eux. Nous ne pouvons pas dire que le signe de l’adéquation soit l’équilibre entre la réalité et le fait de la percevoir. Nous devons chercher un signe qui, en lui-même, renferme la tension des quatre éléments. À mon sens, ce signe est la consonance. »

« La consonance dont le sujet qui connaît a l’expérience en lui-même est, dans ce cas, le reflet de la consonance qu’il y a entre la réalité en soi et la réalité connue. Je m’explique : celui qui connaît a une expérience directe de la consonance qu’il y a entre ce qu’il apprend et ce qu’il exprime. Sur base d’une telle consonance, il peut savoir quand on donne la consonance entre la réalité en elle-même et la réalité apprise. »

« Saint Ignace utilise cette expérience pour s’assurer du fait qu’un esprit soit bon ou mauvais : la consonance figurée par l’eau qui tombe sur une éponge plutôt que sur la pierre. C’est une consonance ambivalente pour ce qui se réfère à l’identité des esprits, parce qu’il faut prendre son signe positif ou négatif de l’état habituel du sujet, qui soit monte du bien vers le mieux ou qui tombe de mal en pis ».

Cet extrait que nous venons de citer est le cœur d’un texte inédit de Jorge Mario Bergoglio par lequel « La Civiltà Cattolica » a solennellement ouvert son dernier numéro afin d’en décortiquer le « style d’argumentation ».

> Interpretare la realtà

Ce texte remonte aux années 1987-88 et coïncide avec l’apogée du parcours intellectuel du jésuite argentin qui est aujourd’hui pape quand, alors âgé d’un peu plus de cinquante ans, il travaillait à une thèse de doctorat sur la pensée du théologien et philosophe Romano Guardini.

Cette thèse n’a jamais été achevée, malgré que Bergoglio ait été envoyé en Allemagne pour cette raison. Mais un des chapitres, d’après l’auteur en personne, a été inséré tel quel dans « Evangelii gaudium », le document-programme du pontificat de François. Et il s’agit du chapitre avec les soi-disant « quatre postulats » si chers au pape actuel, selon lesquels le temps est supérieur à l’espace, l’unité prévaut sur le conflit, la réalité est plus importante que l’idée et que le tout est supérieur à la partie.

À plusieurs reprises, le Pape François a reconnu qu’il avait une dette envers Guardini et en particulier avec son essai de 1925 « Der Gegensatz », en italien « L’opposizione polare ».

C’est une dette qui nous est confirmée notamment par l’expert le plus aguerri de la pensée théologique et philosophique de Bergoglio, le professeur Massimo Borghesi, professeur de philosophie morale à l’Université de Pérouse et qui lui est proche depuis des années, dans deux de ses livres qu’il a consacré à ce sujet : le premier, publié en 2017, s’est concentré sur les maîtres intellectuels du pape actuel, de Gaston Fessard à Henri de Lubac, d’Erich Przywara à Alberto Metho Ferré, en plus de Guardini bien entendu, qui sont certes tous de très grands maîtres mais qui ont été assimilés très confusément par leur disciple ; et le second, qui date de cette année, dans lequel il compare la vision de François – à nouveau associée principalement à la pensée de Guardini – avec le courant inspirée des « theo-cons » américains Michael Novak, George Weigel et Richard John Neuhaus.

Borghesi n’hésite pas à soutenir que la pensée de Guardini « est la théorie qui soutient les fondamentaux théoriques de ‘Evangelii gaudium’, de ‘Laudato si » et de ‘Fratelli tutti’ », c’est-à-dire des trois documents majeurs du pontificat actuel. « Une pensée « catholique » fondée sur la distinction entre ‘opposition’ et ‘contradiction’ ».

Mais une fois encore, la distance entre le maître et le disciple est également abyssale.

La polarité théorisée par Guardini est celle qui garde les opposés unis sans les annuler. Ce dernier conçoit l’Église comme « complexio oppositorum », faite à la fois d’institution et de charisme, de mystère et de parole, d’intériorité et de culte public, d’histoire et de vie éternelle.

Chez le Pape Bergoglio, en revanche, cet équilibre fécond des opposés se réduit à des contradictions grossières, dans lesquels un des deux pôles écrase l’autre (comme le temps, c’est-à-dire le « processus » l’emporte sur l’espace, la norme) ou bien l’un vaut son contraire.

Il s’agit là d’un déséquilibre non seulement de la pensée mais de l’homme Bergoglio, un déséquilibre qui a profondément marqué sa vie personnelle, déjà dans les années 1980 pendant lesquelles il a rédigé les divagations qui sont aujourd’hui publiées dans « La Civiltà Cattolica ».

Alors qu’il n’était plus provincial des jésuites argentins mais qu’il pouvait encore compter sur des partisans fidèles, Bergoglio était devenu ces années-là un élément de division incurable et peu fiable de la Compagnie de Jésus et il ne s’agit pas d’un jugement de ses adversaires argentins mais du supérieur général de l’époque, Peter Hans Kolvenbach, à tel point que ce dernier ne voulait pas le croiser quand il se rendait à Buenos Aires et que Bergoglio ne mettait pas les pieds à la curie généralice quand il se rendait à Rome.

Ses années 1980, Bergoglio les a lui-même décrites, une fois devenu pape, comme « une période de grande désolation », une « période obscure » qui a fait suite aux années radieuses de sa « toute-puissance » en tant que père provincial. Pourtant, au cours de ces années, il a senti peser sur lui un trouble intérieur qui l’a incité à aller consulter en 1978 un psychanalyste juif. La Compagnie de Jésus avait fini par le mettre à l’écart et à l’exiler à Córdoba et à le relever de toutes ses charges. C’est là qu’il a été miraculeusement repêché en tant qu’auxiliaire de l’archevêque de Buenos Aires de l’époque, Antonio Quarracino, avant de lui succéder et de devenir cardinal. Au conclave de 2005, qui a élu Joseph Ratzinger pape, il était parvenu à recueillir 40 voix, mais le cardinal de l’époque Carlo maria Martini, grand jésuite et grand électeur, avait fermement maintenu ses réserves sur lui et « n’était pas favorable à l’élection du jésuite Bergoglio », comme il l’avait ensuite confié à Andrea Riccardi, historien de l’Église et fondateur de la Communauté de Sant’Egidio, qui l’a écrit dans un livre sorti il y a quelques jours.

Il fini par devenir Pape en 2013, toujours avec ses inquiétudes psychologiques, comme il l’a lui-même déclaré à plusieurs reprises. C’est pour des « raisons psychiatriques » qu’il a expliqué vouloir habiter à Sainte-Marthe plutôt qu’au Palais apostolique. C’est « pour des raisons de santé mentale » qu’il dit ne plus vouloir lire ce qu’écrivent ses détracteurs.

Le désordre de son discours est pareil à celui de sa pensée. Qu’il parle ou qu’il écrive, Bergoglio n’est jamais linéaire, synthétique, direct, univoque. C’est tout le contraire. Il dit et ne dit pas, il se dédit, il se contredit.

L’exemple toutes catégories de discours auto-contradictoire – oui, non, je ne sais pas, faites comme vous voulez – reste la réponse qu’il a donnée dans une église luthérienne de Rome, le 15 novembre 2015, à une femme protestante qui lui avait demandé si elle pouvait communier à la messe avec son mari catholique :

> “Non è facile per me rispondere…”

Comme on sait, son incertitude face à l’intercommunion a donné lieu dans l’Église aux pratiques les plus divergentes, inutilement jalonnées par les rappels à l’ordre successifs émis – avec le silence du Pape – par la Congrégation pour la doctrine de la foi et par le Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens.

Mais ce ne sont pas uniquement les paroles, mais aussi les actes du pontificat de François qui sont une foire de contradictions, et ce depuis le début.

Au terme de sa première audience publique après son élection comme pape, le 16 mars 2013, devant des centaines de journalistes du monde entier, il avait négligé de bénir les cadeaux « pour respecter la conscience », avait-il dit, de ceux qui n’étaient pas catholiques ou non-croyants.

Mais quelques jours plus tard, le soir du jeudi saint, après avoir lavé les pieds de douze détenus de diverses confessions à la prison pour mineurs de Casal del Marmo, dont ceux d’une jeune musulmane, il a tranquillement célébré devant eux la messe « in coena domini », mettant de côté tous les scrupules dont il avait fait état auparavant.

Et tout cela dans un véritable festival médiatique, aussi bien dans le premier cas que dans le second, un festival vraisemblablement calculé par lui.

Huit ans plus tard, en 2021, François a imaginé rien moins que de célébrer une messe-surprise le jeudi saint dans la maison du cardinal Giovanni Angelo Becciu, celui-là même qui avait été son proche collaborateur de confiance et qu’il avait brutalement licencié six mois plus tôt, le dépouillant au passage de ses « droits » de cardinal, dans les deux cas sans fournir aucune explication de ces deux gestes aux antipodes l’un de l’autre.

La défenestration, à l’heure actuelle toujours inexpliquée, de Becciu n’est que l’un des nombreuses contradictions dans lesquelles se débat le Pape François, quand d’un côté il vante la « transparence » de son travail de nettoyage et que de l’autre il exerce ses pouvoirs au mépris des normes et surtout du droit des personnes le plus élémentaire.

Un autre exemple récent, c’est le sort qui a été réservé au « Responsum » de la Congrégation pour la doctrine de la foi – rédigée par un théologien jésuite de haut niveau tel que le cardinal Luis F. Ladaria – contre la bénédiction des couples homosexuels.

François a formellement donné « son accord à la publication » du « Responsum ». Pourtant, immédiatement après, il a laissé transparaître sa contrariété. Il a en effet suffi qu’il déplore, pendant l’Angélus du dimanche suivant, les « légalismes », les « moralismes cléricaux » et les « condamnations théoriques » privées de gestes d’amour, pour que les partisans des bénédictions des couples homosexuels se sentent autorisés par lui à procéder selon leur bon plaisir. Sans que le Pape ne lève le petit doigt pour les arrêter. Au contraire, il y a quelques jours, François n’a même pas sourcillé quand un membre de la commission vaticane pour la protection des abus sexuels, le chilien Juan Carlos Cruz, a affirmé que le Pape, en discutant avec lui, lui avait dit qu’il était « très affligé » par le « Responsum » et qu’il avait l’intention de « réparer les dégâts d’une manière ou d’une autre ».

Le chapitre de l’homosexualité est sans doute celui sur lequel François s’est prononcé le plus à la manière d’un caméléon, à commencer par ce « Qui suis-je pour juger ? » qui a été adopté par beaucoup comme étant la marque de fabrique du pontificat actuel, ouvrant la voie aux interprétations et aux pratiques les plus contradictoires. Et là, de nouveau, François n’a jamais rien fait pour mettre de l’ordre dans la compréhension de ses déclarations, allant parfois jusqu’à se laisser aller à des formulations bizarres comme « lui, qui était elle, mais qui est lui » appliqué par le Pape – pendant la conférence de presse du 2 octobre 2016 sur le vol de retour d’Azerbaïdjan – à une femme qui s’était faite homme et qui avait épousé une autre femme, toutes deux gracieusement reçues en audience au Vatican.

Dans le domaine de l’économie également, avec le pape Bergoglio, les contradictions ne manquent pas. Il y a en lui la volonté affichée de remplacer « l’économie qui tue », c’est-à-dire celle des fameuses multinationales, par une ascétique « Economy of Francisco » affublée des oripeaux du saint d’Assise. Mais ensuite, au début de son pontificat, il a appelé au Vatican les consultants de McKinsey, Ernst & Young, KPMG, Promontory, Deloitte et Price Waterhouse Cooper. Et l’hiver dernier, il a désigné en tant que partenaire pour combattre le capitalisme… le « Concil for inclusive Capitalism », c’est-à-dire les magnats de la Ford Foundation, Bank of America, British Petroleum, la fondation Rockefeller et consorts.

Et enfin, et non des moindres, il y a l’énigme de la synodalité. François en a souvent fait l’éloge et l’a appelée de ses vœux comme étant la forme idéale de l’Église et de son gouvernement, mais elle a été autant de fois contredite par la manière dont le Pape exerce ses pouvoirs dans les faits, dans un régime d’absolutisme monarchique qui reste sans égal dans le dernier siècle de l’histoire de l’Église.

Parce qu’avec le pape Bergoglio, le synodalité est semblable au phénix d’Arabie mis en musique par Mozart dans « Cosi fan tutte » : « Qu’il existe, chacun le dit. Où il se trouve, personne ne le sait. »

Ref. François, le pape qui s’autocontredit. Théorie et pratique d’un pontificat non-infaillible

JPSC

Commentaires

  • On est loin de la compassion du cardinal de l'article en dessous ...!!!

  • Que voulez-vous dire ?

  • Que le pape François fasse des gaffes pastorales comme sa récente sortie sur la communion des époux protestants : "Euh, oui, euh, je ne sais pas" ne peut cacher la vraie problématique : La difficulté de trouver le juste équilibre entre vérité et amour. Le Seigneur lui-même nous a donné un puissant modèle de cet équilibre dans sa phrase à la femme adultère : "Jean 8, 11 Alors Jésus dit : "Moi non plus, je ne te condamne pas (AMOUR). Va, désormais ne pèche plus (VERITE)."

    Toute la difficulté est là. Pour preuve, cet entretien que j'ai eu récemment avec un prêtre scolastique qui me citait la phrase de saint Thomas d'Aquin : (IIa IIae sur le mensonge : "Le mensonge est toujours un mal car il est un obstacle au bien qu'est la vérité. Il ne peut donc en aucun cas être utilisé, en aucune circonstance".

    Puis quand je lui ai posé la question concrète de l'action pastorale de Pie XII qui exigea par ses nonces apostoliques (dont le futur pape Jean XXIII) qu'on fasse partout de faux certificats de baptêmes au enfants Juifs pour tromper les Nazis, il me répondit : "Pour ce coup, le pape Pie XII a certainement commis un péché".

    La réponse est évidemment stupide d'autant plus que ce prêtre n'avait aucune arrière-pensée antisémite. Il n'arrivait simplement pas à harmoniser en lui "vérité universelle" ("le mensonge est toujours un mal") et action concrète dans la réalité parfois horrible de cette vie : "Choisis-tu lorsque tu ne peux faire autrement, le moindre mal"?

    Pie XII, lui, n'avait eu aucune hésitation selon de passage de l'Ecriture qui parle de l'action de Dieu : "2 Samuel 22, 26 Tu es fidèle avec le fidèle, sans reproche avec l'irréprochable, pur avec qui est pur mais rusant avec le fourbe".

  • Dans l'évangile de la femme adultère que vous citez en exemple, il est fréquent que le courant progressiste "oublie" de citer la deuxième partie de la célèbre phrase de N.S.. Ce n'est évidemment pas un hasard.
    Je ne pense pas qu'il soit si difficile de concilier amour et vérité. Le très cher pape Benoît XVI avait d'ailleurs écrit dans Caritas in Veritate : " La vérité libère la charité des étroitesses de l'émotivité." Or nous vivons dans une époque où l'émotivité l'emporte souvent parce qu'elle est mise au service de la subversion des idées droites, objectif qui ne peut être atteint qu'en écartant volontairement le travail de l'intelligence.
    Il est inquiétant de constater que certains hiérarques de l'Eglise se rendent complices de cette altération de la doctrine au nom d'une conception erronée de "l'amour".

  • Ce qui est consternant c'est que le conclave de 2013 ait choisi un homme aussi confus et aussi peu adéquat à sa fonction. Les cardinaux-peut-on penser- ne le connaissaient pas vraiment et voulaient à tout prix un Sud-américain, pour être dans le vent, mais peut-être pas celui du Saint Esprit à la Pentecôte.
    Choisir un homme d'un rang éminent en fonction de son origine ou de sa couleur de peau ne peut être que catastrophique.

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