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Exclusif. Mgr Brandmüller au consistoire : le pape veut fermer la bouche des cardinaux

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Un article de Sandro Magister sur Settimo Cielo :

Exclusif. Brandmüller au consistoire : le pape veut fermer la bouche des cardinaux

Voici quelques lignes autographes du discours du Cardinal Walter Brandmüller au Consistoire des 29 et 30 août, publiées intégralement sur cette page de Settimo Cielo.

Le consistoire a réuni les cardinaux avec le pape François. Il s'est déroulé à huis clos, mais surtout, il a été divisé, à la demande du pape, en groupes linguistiques, empêchant ainsi un dialogue direct entre tous, comme cela avait été le cas lors du dernier consistoire complet convoqué par François en février 2014, en vue du synode sur la famille et de la "vexata quaestio" de la communion aux divorcés remariés, un consistoire qui s'est avéré si franc dans sa critique de l'approche souhaitée par le pape qu'il l'a amené à annuler les convocations des cardinaux qui étaient désormais également libres et ouvertes à l'écoute.

Mgr Brandmüller, 93 ans, de nationalité allemande, historien de l'Église depuis toujours et président de 1998 à 2009 du Comité pontifical pour les sciences historiques, n'est pas étranger aux propositions concernant le rôle des cardinaux dans l'Église catholique. Il y a moins d'un an, il avait déjà avancé dans Settimo Cielo une hypothèse de réforme de l'élection des papes qu'il jugeait plus conforme aux origines historiques et aux fondements théologiques du cardinalat :

> Moins de grands électeurs et plus de grands électeurs. Le conclave imaginé par le Cardinal Brandmüller

Mais dans ce consistoire, son intervention a surtout visé le rapport qui doit lier les cardinaux au pape, qu'il a en fait édulcoré, par opposition à ce qui devrait se passer, avant tout sur les vérités de la foi et de la morale.

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NON PAS UN SILENCE IMPOSÉ, MAIS "APERITIO ORIS".

Le discours du Cardinal Walter Brandmüller au Consistoire des 29-30 août 2022

La convocation d'un consistoire après une si longue période motive une réflexion sur la nature et la tâche du cardinalat, surtout dans les circonstances actuelles. Il faut également souligner que les cardinaux ne sont pas seulement membres du conclave pour l'élection du souverain pontife.

Les devoirs réels des cardinaux, quel que soit leur âge, sont formulés dans les canons 349 et suivants du Code de droit canonique. Nous y lisons : " ils assistent le Pontife Romain, soit en agissant collégialement lorsqu'ils sont convoqués pour traiter de questions de plus grande importance, soit à titre individuel, c'est-à-dire dans les diverses fonctions qu'ils occupent, en lui prêtant leur concours dans le soin particulièrement quotidien de l'Église universelle ". Et au pape, "ils prêtent principalement assistance dans les consistoires" (Canon 353).

Cette fonction des cardinaux a trouvé dans l'Antiquité une expression symbolique et cérémoniale dans le rite de l'"aperitio oris", l'ouverture de la bouche. En fait, elle signifiait le devoir de prononcer sa conviction, son avis, avec franchise, surtout au consistoire. Cette franchise - le pape François parle de " parresía " - qui était particulièrement chère à l'apôtre Paul.

Pour l'instant, malheureusement, cette franchise est remplacée par un étrange silence. Cette autre cérémonie, celle de la fermeture de la bouche, qui suivait l'"aperitio oris", ne se référait pas à des vérités de foi et de morale, mais à des secrets de fonction.

Aujourd'hui, cependant, il est nécessaire de souligner le droit, voire le devoir, des cardinaux de s'exprimer clairement et franchement, précisément lorsqu'il s'agit des vérités de la foi et de la morale, le "bonum commune" de l'Église.

L'expérience de ces dernières années a été tout à fait différente. Dans les consistoires - convoqués presque uniquement pour les causes des saints - on distribuait des cartes pour demander la parole, et il s'ensuivait évidemment des interventions spontanées sur n'importe quel sujet, et c'était tout. Il n'y a jamais eu de débat, d'échange d'arguments sur un sujet précis. Il s'agit manifestement d'une procédure totalement inutile.

Une suggestion faite au Cardinal Doyen de communiquer à l'avance un sujet de discussion afin de pouvoir préparer d'éventuelles interventions est restée sans réponse. En bref, pendant au moins huit ans, les consistoires se sont terminés sans aucune forme de dialogue.

La primauté du successeur de Pierre n'exclut cependant nullement le dialogue fraternel avec les cardinaux, qui "sont tenus de collaborer assidûment avec le Pontife Romain" (Canon 356). Plus les problèmes de gouvernance pastorale sont graves et urgents, plus l'implication du Collège des Cardinaux est nécessaire.

Lorsque Célestin V, en 1294, se rendant compte des circonstances particulières de son élection, voulut renoncer à la papauté, il le fit après d'intenses discussions et avec le consentement de ses électeurs.

Une conception totalement différente de la relation entre le pape et les cardinaux a été celle de Benoît XVI, qui - cas unique dans l'histoire - a renoncé à la papauté, pour des raisons personnelles, à l'insu du collège des cardinaux qui l'avaient élu.

Jusqu'à Paul VI, qui a porté le nombre de grands électeurs à 120, il n'y avait que 70 grands électeurs. Cette augmentation du collège électoral, qui a presque doublé son nombre, était motivée par l'intention de satisfaire la hiérarchie des pays éloignés de Rome et d'honorer ces Églises avec la pourpre romaine.

La conséquence inévitable a été la création de cardinaux qui n'avaient aucune expérience de la Curie romaine et donc des problèmes de gouvernance pastorale de l'Église universelle.

Cela a de graves conséquences lorsque ces cardinaux de la périphérie sont appelés à élire un nouveau pape.

Beaucoup, sinon la majorité des électeurs, ne se connaissent pas. Néanmoins, ils sont là pour élire le pape, l'un d'entre eux. Il est clair que cette situation facilite les opérations des groupes ou classes de cardinaux pour favoriser un de leurs candidats. Dans cette situation, on ne peut exclure le danger de la simonie sous ses différentes formes.

En définitive, il me semble que l'idée de limiter le droit de vote au conclave, par exemple, aux cardinaux résidant à Rome, tandis que les autres, toujours cardinaux, pourraient partager le "statut" de cardinaux de plus de quatre-vingts ans, mérite une réflexion sérieuse.

En résumé, il semble souhaitable que la fonction et la compétence du Collège des Cardinaux soient actualisées.

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