De Philippe Oswald sur La Sélection du Jour :
L’épiscopat français n’est pas sorti de la tourmente
Il devient difficile de suivre les « affaires » de mœurs auxquelles sont confrontés les évêques de France. Jean-Marie Guénois s’y essaie avec succès dans un long article du Figaro (en lien ci-dessous). Tentons un résumé.
Plus d’un an s’est écoulé depuis la publication en octobre 2021 du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE – dont les méthodes d’investigation ont été critiquées par huit membres de l’Académie catholique de France et par l’épiscopat italien). Mais loin de s’acheminer vers une sortie de crise, l’épiscopat français est plus que jamais sur la sellette, à cause de sa communication sur des affaires concernant des évêques.
En parlant le 7 novembre dernier, à Lourdes, de 11 évêques « mis en cause » devant la Justice canonique et/ou civile, Mgr de Moulins-Beaufort, président de la Conférence épiscopale, a pu laisser croire que 10% des évêques de France se seraient rendus coupables d’affaires de mœurs. Il est essentiel de distinguer les évêques mis en cause personnellement, et les évêques accusés de ne pas avoir communiqué à la justice des plaintes contre des prêtres.
Deux évêques ont été condamnés par la justice civile pour non dénonciation d’agressions sexuelles sur mineurs : Mgr Pierre Pican, ancien évêque de Bayeux et Lisieux (décédé), condamné en 2018 à 3 mois de prison avec sursis pour ne pas avoir dénoncé à la justice l'abbé René Bissey (18 ans de prison) ; et Mgr André Fort, ancien évêque d’Orléans, condamné en 2018 à 8 mois de prison avec sursis pour n'avoir pas dénoncé l'abbé Pierre de Castelet (3 ans de prison, dont un avec sursis). Le cardinal Philippe Barbarin, ancien archevêque de Lyon, ne fait pas partie des onze évêques actuellement « mis en cause » : il a été relaxé en 2020 de l'accusation de « non-dénonciation d'agressions sexuelles sur mineurs » et « non-assistance à personnes en danger » relativement à l'affaire du Père Bernard Preynat (5 ans de prison en 2020).
Trois évêques ont reconnu avoir commis des abus sexuels quand ils étaient prêtres : Mgr Jean-Pierre Grallet, ancien archevêque de Strasbourg, a avoué des « faits graves à l'encontre d'une jeune femme majeure » alors qu’il était religieux franciscain ; le cardinal Jean-Pierre Ricard, ancien archevêque de Bordeaux, ancien président de la conférence des évêques, a reconnu s’être « conduit de façon répréhensible avec une jeune fille de 14 ans ». Tous deux sont visés par la justice canonique et civile. Quant à Mgr Michel Santier, ancien évêque de Créteil, il a reconnu en 2020 dans sa lettre de démission au pape, avoir pratiqué, alors qu’il était prêtre, des « strip-confessions » (il demandait au pénitent de se déshabiller progressivement pendant la confession). Il a été sanctionné par Rome pour « voyeurisme » aggravé par son autorité spirituelle et l’instrumentalisation du sacrement de pénitence. C’est la révélation par Famille chrétienne de mesures disciplinaires romaines prises contre Mgr Santier en 2020 mais tenues secrètes qui a provoqué une nouvelle tempête dans l’Église. Depuis, d’autres victimes se sont manifestées et une enquête judiciaire visant Michel Santier a été ouverte sur signalement de l’Église.
Le compte de « 11 évêques mis en cause » inclut six autres évêques qui nient avoir commis les abus dont ils sont accusés : Mgr Di Falco, ancien évêque de Gap et Embrun, accusé de « viols et d’agressions sexuelles sur mineur » quand il était aumônier d’un collège à Paris (procédure relancée au civil en juillet dernier) ; Mgr Emmanuel Lafont, ancien évêque de Cayenne, accusé par un migrant haïtien (procédures civile et canonique en cours) ; Mgr Hervé Gaschignard, ancien évêque d’Aire-et-Dax, accusé d’« attitudes pastorales inappropriées » (enquête classée sans suites par le parquet de Dax). Deux autres évêques émérites dont les noms n’ont pas été divulgués à Lourdes par Mgr de Moulins-Beaufort, font l’objet d’enquêtes de la part de la justice civile et d’une procédure canonique. Un sixième évêque « a reçu du Saint-Siège des mesures de restriction de son ministère ».
Ces « affaires » en cours annoncent de nouveaux orages. Mais c’est actuellement l’omerta sur le cas de Mgr Santier qui révolte le plus les catholiques, souligne Jean-Marie Guénois. Alors que l’épiscopat avait promis la transparence sur tous ces dossiers en octobre 2021, à Lourdes, il a continué pendant un an à taire la vraie raison de la démission de Mgr Santier, avalisant la fable des problèmes de santé plaidés par celui-ci devant ses diocésains. Or la Conférence des évêques de France ne pouvait ignorer la sanction romaine, communiquée au nouvel évêque de Créteil, Mgr Dominique Blanchet, vice-président de l'épiscopat, en décembre 2020... Cette omission était en réalité « un mensonge » a fini par reconnaître à Lourdes Mgr de Moulins-Beaufort, dans son discours de clôture de l'Assemblée plénière, le 8 novembre.
Pour aller plus loin :
Affaire Santier : comment l'épiscopat catholique français a finalement reconnu un « mensonge »
Commentaires
Peut-être serait-il judicieux de faire des enquêtes sur ce qui se passait dans les séminaires diocésains au cours des années 1970-80 et voir sur quels critères étaient admis les candidats au sacerdoce. Parlant d'eux, Mgr Gaidon, ancien évêque de Cahors les qualifiait d' "esprits faibles". Sur quoi a joué cette faiblesse d'esprit confortablement installée dans le climat social d'alors et la dictature du relativisme qui se logeait même au coeur de l'Eglise? Réponse : sur la morale qu'il fallait rendre permissive par le biais d'une pastorale douteuse qu'on s'obstinait à vouloir faire tourner à vide. Ce que des évêque inconséquents ont laissé germer il y a 40 ans nous donne les fruits pourris d'aujourd'hui.