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Liturgie : du Concile de Trente à saint Pie V

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De Denis Crouan :

DU CONCILE DE TRENTE À SAINT PIE V

La Constitution apostolique « Quo primum tempore » qui oblige à utiliser le Missel restauré et approuvé par saint Pie V, est promulguée le 13 juillet 1570. Elle entre en vigueur dans la limite de délais partant de la date de la première édition du « Missale Romanum », soit un mois pour les prêtres en résidence à Rome, trois mois pour ceux qui sont en Italie et six mois pour les autres qui sont « au-delà des monts ».

Le Concile de Trente avait pris conscience du désir d’unité liturgique manifesté par le peuple dans son ensemble. De nombreux orateurs du Concile avaient relevé comment les « réformés » qui avaient suivi Martin Luther s’étaient emparés de cette volonté d’unité pour justifier une simplification des rites qu’ils présentaient comme un « retour aux sources ». Les Pères du Concile de Trente comprennent qu’il est urgent de faire aussi quelque chose : il n’est pas question de laisser l’initiative aux seuls « réformés ». Cependant, les Pères conciliaires manquent d’arguments pour avancer des propositions précises ; parmi eux se trouvent des théologiens mais très peu de liturgistes. Ils se contenteront donc de faire des recommandations et de formuler des « vœux pieux ».

Les années passent ; les papes se succèdent (quatre en 16 ans !) ; les « réformés » consolident leurs positions ; les travaux de la Curie pontificale se font attendre ; de nombreux évêques inquiets des vœux du Concile prennent l’initiative de maintenir les anciens usages liturgiques de leurs diocèses respectifs.

Paul IV (1555-1559) prescrit les premiers travaux : rassembler les documents de la bibliothèque vaticane afin de pouvoir les étudier. On s’aperçoit immédiatement des difficultés : les documents dont on dispose sont nombreux et riches, surtout ceux de source orientale. On ne trouve pas moins de 89 formules de consécration en usage !

Rassembler les documents ne suffit donc pas. Pie V (1559-1565) crée une commission de travail qui constate la stérilité des efforts tentés dans le passé pour assurer l’unité de la liturgie : ni Innocent Ier en 416, ni Vigile en 538 ne sont parvenus à imposer leurs vues. Saint Grégoire le Grand (590-604) sera plus heureux sans pour autant réussir à imposer un texte liturgique unique ; son travail ne consistera qu’à simplifier les rites et à réduire le nombre des formules. Travail identique à celui que fera Vatican II, des siècles plus tard.

La Commission se trouve devant un choix à faire : quel rite adopter pour l’ensemble de l’Église occidentale dite « romaine » ? Le choix est vaste : le gélasien ? l’ambrosien (en usage à Milan) ? le gallican ? le gothique ? le mozarabe ? Tous peuvent être considérés comme vénérables ; tous célèbrent une même foi. Faut-il reprendre certaines anaphores orientales très riches du point de vue doctrinal  ? La Commission se décide à prendre pour base de travail l’ « Ordo Missae » qu’elle connaît le mieux : celui qui en usage au sein de la Curie romaine depuis de VIIe siècle.

Beaucoup de diocèses étant attachés à leurs particularismes liturgiques, la Constitution « Quo primum tempore » de Saint Pie V n’est pas partout accueillie dans l’allégresse. Et comme Saint Pie V a précisé que certains Ordres religieux ainsi que les diocèses pouvant se prévaloir de rites deux fois centenaires ne seront pas obligés d’adopter le nouvel « Ordo Missae », beaucoup d’évêques s’emploieront à contourner l’obligation faite par le pape d’adopter le nouveau « Missel romain ». Il n’est pas inutile de rappeler ici que jusqu’au milieu du XIXe siècle, de nombreux diocèses conserveront leurs rites particuliers. Le maintien de ces particularismes étant surtout dû à la manifestation d’un attachement souvent passionnel aux vieilles habitudes ajouté à une connaissance insuffisante de la liturgie.

Le « Missel romain » promulgué par Saint Pie V ne sera véritablement découvert et mis progressivement en application qu’à partir de la seconde moitié du XIXe siècle, à la suite des travaux de Dom Guéranger qui fera de l’étude de la liturgie une véritable science ; découverte qui viendra en complément des injonctions du pape Saint Pie X qui entendra débarrasser les célébrations liturgiques d’habitudes ne convenant pas au culte dû à la Majesté divine et au droit inaliénable du peuple de Dieu de « prier sur de la beauté ».

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