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Les raisons qui donnent à croire que le pape François manque de confiance dans sa propre révolution ?

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D'Andrea Gagliarducci sur le National Catholic Register :

Le pape François et son manque de confiance dans sa propre révolution

ANALYSE : La nomination de hauts fonctionnaires qui lui rendent compte directement, afin d'assurer son héritage, montre qu'il sait qu'il n'a pas conquis le cœur de tout le monde.

14 juillet 2023

Par un choix qui est une suite naturelle à celui de Mgr Victor Manuel Fernández comme préfet du Dicastère pour la Doctrine de la Foi, le Pape François a confié à Mgr Michele Di Tolve, évêque auxiliaire de Rome, la direction du Grand Séminaire romain et surtout la formation des prêtres - une mission. Cette mission, précise le pape François, doit être menée en accord avec Mgr Baldassare Reina, vice-régent du diocèse de Rome, mais doit en même temps rendre compte uniquement et directement au pape de ses questions les plus critiques.

La nomination de Mgr Di Tolve et le décret établissant ses nouvelles compétences sont arrivés le 5 juillet. Lorsque l'annonce de la nomination de Mgr Di Tolve comme évêque auxiliaire de Rome a été faite le 26 mai dernier, aucune charge ne lui avait été attribuée. Il a maintenant une tâche extraordinaire puisqu'elle concerne la formation des prêtres.

En ce sens, cette nomination est en parfaite continuité avec celle de Mgr Fernández à la Doctrine de la Foi. Le pape a nommé Fernández dans le but - déclaré dans une lettre envoyée à l'archevêque lui-même en même temps que la nomination - de poursuivre son idée de développer la théologie dans le cadre d'un dialogue constant qui ne va pas (ou presque) jusqu'à la condamnation des erreurs doctrinales. Il choisit maintenant un prêtre venu de Milan pour définir la formation des prêtres dans son diocèse, indiquant ainsi le chemin qu'il veut suivre et qu'il veut que d'autres suivent. En bref, après s'être engagé dans le développement de la doctrine, le Pape s'engage également dans la formation des prêtres, définissant ainsi finalement ce qui aurait dû être, depuis un certain temps, son changement de paradigme.

Cependant, la nomination de Mgr Di Tolve laisse d'autres éléments de réflexion d'une importance particulière. Il s'agit d'une nomination typique du pape François, car elle concerne une personne que le pape estime et apprécie pour ce qu'il a reconnu comme un engagement pastoral. Le pape François a rencontré Mgr Di Tolve parce qu'un cousin italien l'avait recommandé, peu après qu'il soit devenu cardinal en 2001. Les jeunes s'enthousiasmaient pour lui. Le pape voulait les rencontrer. C'est dans la salle Paul VI, en mars dernier, que s'est déroulée la rencontre entre le pape et ses paroissiens, qui a été à l'origine de la nomination épiscopale.

Mgr Di Tolve avait déjà été recteur du séminaire de 2010 à 2014 à Milan, avant d'être affecté à un autre poste. Mais ce n'était qu'un avantage pour le pape François, qui n'a probablement même pas remis en question les raisons pour lesquelles Mgr Di Tolve avait été affecté à un autre poste.

La deuxième raison pour laquelle il s'agit d'une nomination typique du pape François est que le pape en a fait un évêque. Chaque fois que le pape veut un général sur le terrain ou quelqu'un qui lui rende compte directement, il le nomme évêque. Cela s'est produit pour des questions financières, mais aussi pour des questions juridiques.

La troisième raison pour laquelle la nomination de Mgr Di Tolve est typiquement celle du pape François est qu'il vient de l'extérieur. Il sera ordonné évêque dans la cathédrale de Milan le 2 septembre et se rendra immédiatement à Rome pour se rendre disponible et travailler. Avec la nomination des évêques Di Tolve et Baldassare Reina comme directeurs adjoints, le pape François dote le vicariat de prêtres qui ne viennent pas de la capitale et ne la connaissent pas. Pour le pape, c'est probablement une manière de casser les hiérarchies, par surprise, et d'insérer un nouveau matériel humain pour surmonter des situations qui s'étaient gangrenées. Ou, plus simplement, c'est une façon de "clôturer" le cardinal Angelo de Donatis, l'actuel vicaire du pape, que la réforme du vicariat a transformé en simple auxiliaire. Le cardinal De Donatis entretient pourtant des relations cordiales avec le Saint-Père, malgré quelques frictions entre les deux lors du COVID. Il n'en reste pas moins que le Pape, lorsqu'il veut du renouveau, puise à l'extérieur, dans des domaines autres que les domaines habituels.

La quatrième raison pour laquelle la nomination de Mgr Di Tolve est typiquement une nomination du pape François concerne une note dans la dernière ligne du décret, qui souligne que, pour les questions plus complexes, Mgr Di Tolve devra lui faire directement rapport. En général, le pape veut donc avoir le dernier mot sur tout et s'occuper personnellement de la question de la formation.

Enfin, il s'agit d'une nomination typiquement dans la ligne de celles du Pape François car ce sera le premier évêque recteur du séminaire du diocèse de Rome qui n'est pas reconnu comme un intellectuel ou connu pour d'importantes œuvres publiées, et c'est ce que veut le Pape : des pasteurs, afin que la formation soit entièrement pastorale et missionnaire.

Avec cette nomination, le pape François complète le tableau de la réforme du vicariat de Rome, mais surtout, il ajoute une pièce supplémentaire à ce qu'il veut que l'équipe soit lorsqu'il ne sera plus là. C'est, après tout, un pas de plus pour assurer son héritage.

Nous sommes cependant confrontés à un héritage incertain. Le pape François relie constamment tout à sa personne ; il demande que tout renvoie à lui ; il veut que son rôle de pape soit pleinement reconnu, et personne ne peut faire autrement. Ce faisant, il démontre toutefois qu'il n'a pas mis en œuvre une véritable conversion des cœurs, mais qu'il veut imposer sa vision, après avoir échoué à la faire progresser au cours des dernières années. L'excuse générale est qu'il y a des résistances à son pontificat. Le fait est qu'aucun pontificat ne naît de rien et que, pour être apprécié à sa juste valeur, chaque pape doit rendre compte de ses changements.

Il ne suffit pas de révolutionner l'image de l'Église. Il ne suffit pas de changer leurs structures. Il ne suffit pas d'essayer de briser les chaînes de la corruption, réelle ou présumée. En fin de compte, il s'agit de comprendre et d'aimer l'Église en tant qu'institution d'une manière profonde qui nous permette d'envisager l'avenir avec sérénité. En sécurisant son héritage, le pape François démontre finalement qu'il n'a pas confiance en sa révolution et en ses effets. Il sait qu'il n'a pas conquis le cœur de tous. Ce pontificat a été caractérisé par la présence de "gardiens de la révolution", capables de qualifier toute position critique d'"anti-papiste", même si cette position était relativement modérée et ne faisait que soulever des questions plutôt que de contester l'autorité du pape.

Avec le prochain consistoire qui vient d'être annoncé, le pape François a poursuivi les critères qu'il a suivis jusqu'à présent. Les papes précédents, tout en ayant la possibilité de choisir personnellement, ont toujours pensé à une Église avec de nombreuses forces en équilibre. Les cardinaux Danneels, Martini et Kasper n'étaient en effet pas des cardinaux dans la lignée de Jean-Paul II. Pourtant, Jean-Paul II les a choisis et a créé des cardinaux qu'il savait nécessaires pour des situations contingentes. Il voulait une Église où toutes les positions pouvaient être représentées et où les idées étaient équilibrées. En fin de compte, le pape était responsable de la synthèse et de la garantie de l'unité de l'Église.

Le pape François tient un raisonnement différent. La papauté est missionnaire ; elle doit rester à la périphérie et se fonde sur les relations plutôt que sur la garantie de l'unité. Ainsi, pour maintenir la cohérence, il a besoin d'évêques et de cardinaux alignés sur lui. Mais pour équilibrer, il a créé un processus synodal pour permettre un débat qui permette à chacun de se sentir inclus.

C'est une révolution différente qui cherche un équilibre entre des positions différentes. Mais elle vise surtout à légitimer le rôle du pape qui, finalement, tend à tout centraliser. La question qui se pose est la suivante : Combien de temps cela va-t-il durer ?

Commentaires

  • Le pape François est en train de nous rejouer au séminaire romain la "comedia alla francese" qui fut donnée dans les séminaires diocésains de France dès les lendemains de Vatican II où il était obligatoire, pour les jeunes souhaitant devenir prêtres, de se plier à toutes les fantaisies socialo-liturgico-ethiques allant dans le sens opposé à celui de Vatican II. Ne sont alors restés dans ces séminaires - écrivait Mgr Gaidon qui avait vécu la situation - que des esprits faibles (sous-entendu : les esprits sains partant les uns après les autres). Au nombre de ces esprits faibles, certains sont devenus vicaires épiscopaux ou évêques, s'employant à poursuivre le processus destructeur initié. La chute actuelle des vocations et la baisse de la pratique dominicale sont comme des échos de ce qui fut lancé il y a de cela plusieurs années et qui ne fut jamais corrigé.

  • Le seul point sur lequel je suis peut-être en décalage avec vous porte sur la datation des origines de ce phénomène, dans la mesure où c'est à partir de 1945 ou, en tout cas. à coup sûr, à partir de 1950, que l'on a commencé à voir de nombreux docteurs et pasteurs catholiques ronger leur frein sous Pie XII et se préparer à liquider une grande partie des fondamentaux du catholicisme à la première occasion, laquelle s'est présentée à partir de janvier 1959.

    Par ailleurs , ce n'est pas à vous que j'apprendrai que l'interprétation immanentiste de Gaudium et spes par bien des théologiens et des évêques ou futurs évêques français date de l'élaboration de ces documents, pendant les des deux dernières sessions du Concile.

    La vérité oblige à dire que, contrairement à ce que l'on entend souvent, les clercs se reproduisent, non sur le plan biologique, mais sur le plan idéologique, la détection, la formation, la promotion et la sélection des futurs évêques ayant, notamment en France, un caractère idéologique.

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