Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

François et l'"indietrisme" : un concept destructeur

IMPRIMER

D'Aldo Maria Valli sur son blog :

François et l'indietrisme. Un concept destructeur

6 septembre 2022

Parmi les nombreux néologismes qu'il a inventés, il en est un que le pape François affectionne particulièrement : l'indiétrisme. Il l'utilise souvent et il l'a également fait lors de sa conversation avec les jésuites du Portugal à l'occasion des Journées Mondiales de la Jeunesse.

Interrogé par un confrère sur les critiques croissantes à l'encontre de François parmi les catholiques des États-Unis, le pape a répondu : "Vous avez vérifié qu'aux États-Unis, la situation n'est pas facile : il y a une attitude réactionnaire très forte, organisée... Je veux rappeler à ces gens que l'indiétrisme ne sert à rien". Et plus loin : "Certains se disent en dehors, ils vont à reculons, ils sont ce que j'appelle des indietristes".

Lorsque François parle à bâtons rompus (ce qu'il fait souvent, même en laissant de côté le texte écrit préparé à l'avance), il n'est pas toujours facile de comprendre ce qu'il entend par certains des termes utilisés. Contrairement à Benoît XVI qui, en bon pédagogue, ne laissait jamais une déclaration sans explication, François semble penser que certains mots ont une force en soi qui n'a pas besoin d'être argumentée. L'indietrisme est l'un d'entre eux.

Il l'a également utilisé, par exemple, lors de sa réunion avec la Commission théologique internationale en novembre 2022, lorsque, soutenant que "le traditionalisme est la foi morte des vivants", il a déclaré : "Aujourd'hui, il y a un grand danger, qui est d'aller dans une autre direction : l'indietrisme. Cette dimension horizontale, nous l'avons vu, a poussé certains mouvements, des mouvements ecclésiaux, à rester figés dans un temps, dans un passé. Ce sont les indietristes... L'indietrisme vous conduit à dire que "cela a toujours été fait ainsi, il vaut mieux continuer ainsi", et ne vous permet pas de grandir. Sur ce point, vous, les théologiens, réfléchissez un peu à la manière d'aider".

Apparemment, François adopte donc une perspective historiciste. La réalité est une succession d'expériences infinies de l'esprit et la vérité n'est pas statique, mais elle a une nature historique et progressive, elle est le fruit d'un processus (un autre mot que François aime bien), d'un développement. Être indietriste, c'est ne pas reconnaître ce développement et prétendre s'ancrer dans quelque chose d'immuable. Mais, s'il en est ainsi, une question devient légitime : la vision du pape est-elle catholique ?

En 1966, dans une lettre "concernant certains jugements et erreurs découlant de l'interprétation des décrets du Concile Vatican II", le cardinal Alfredo Ottaviani dénonçait : "En ce qui concerne la doctrine de la foi, on affirme que les formules dogmatiques sont soumises à l'évolution historique au point que même leur sens objectif est susceptible de mutation... Certains ne reconnaissent presque pas de vérité objective absolue, stable et immuable, et soumettent tout à un certain relativisme, sous prétexte que toute vérité suit nécessairement le rythme évolutif de la conscience et de l'histoire."

Il semble étrange de citer aujourd'hui Ottaviani, dont la devise était, et ce n'est pas un hasard, Semper idem (Toujours le même), mais c'est au fond là que se situe toute la question. La perspective historiciste entraîne nécessairement le relativisme. Le christianisme devient un humanisme, le Christ lui-même est réduit à la seule dimension humaine, le catholicisme cesse d'être la vraie foi, et l'idée qu'en dehors de l'Eglise il n'y a pas de salut tombe. Après cela, est-on vraiment sûr que les indietristes, avec leurs inquiétudes, sont à côté de la plaque ?

Commentaires

  • D'une part, on est en droit de se demander pourquoi l'avenirisme est aussi souvent considéré comme bon ou positif a priori, et pourquoi l'indietrisme est aussi souvent jugé mauvais ou négatif par principe.

    D'autre part, il faut croire que, du point de vue de François lui-même, Il existe
    - des auteurs et des idées issus du passé sur lesquels il est légitime de prendre appui,
    et
    - d'autres auteurs et d'autres idées issus du passé, voire d'un passé bien plus récent, sur lesquels il n'est pas légitime de prendre appui.

    Ainsi, il faut croire
    - que la prise d'appui sur des conceptions proches de celles de Lamennais est légitime, au point de constituer du "bon indietrisme",
    et
    - que la référence à des conceptions proches de celles de Pie XII est illégitime, au point de représenter du "mauvais indietrisme".

    Or Lamennais est mort en 1854, et Pie XII est mort en 1958...

    Enfin, quels sont donc les critères d'appréciation, les plus explicites, objectifs et pérennes possible, qui permettent de distinguer entre le bon indietrisme et le mauvais indietrisme, du point de vue du pape François et des autres clercs inclusivistes ?

Les commentaires sont fermés.