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Synode : pourquoi les critiques des cinq cardinaux ont du poids

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De Jean-Marie Guénois sur le site du Figaro via Il Sismografo :

Synode: ces critiques qui soufflent sur l’assemblée qui entend réformer l’Église

 

RÉCIT - Un cardinal très respecté dénonce la «manipulation» de ce synode.  -- François ne sait pas cacher son humeur. Et, ce mercredi matin, sur la place Saint-Pierre de Rome, il avait le visage des mauvais jours. Il célébrait pourtant la messe d’ouverture de ce synode sur l’avenir de l’Église qu’il a tellement désiré… La raison de cette moue, il l’a lui-même donnée dans son homélie, où il a déploré le manque d’unité de l’Église face à ce projet synodal: «Nous sommes à l’ouverture de l’assemblée synodale. Nous n’avons pas besoin de regards immanents faits de stratégies humaines, de calculs politiques ou de batailles idéologiques. Nous ne sommes pas ici pour une réunion parlementaire ou pour un plan de réforme. Non, nous sommes ici pour marcher ensemble sous le regard de Jésus qui accueille tous ceux qui sont fatigués et opprimés.»

Il a alors redit le sens de ce synode qui rassemble au Vatican près de 400 délégués, évêques et laïcs, venus du monde entier pour réfléchir, pendant deux mois - en octobre 2023 et en octobre 2024 -, à une gouvernance de l’Église plus démocratique et plus décentralisée. «La tâche première du synode est de recentrer notre regard sur Dieu, pour être une Église qui regarde l’humanité avec miséricorde, a-t-il martelé. Une Église unie et fraternelle qui écoute et dialogue, une Église qui a Dieu en son centre et qui par conséquent ne se divise pas à l’intérieur et n’est jamais dure à l’extérieur.» À cet instant, le pape lève les yeux de son texte et, l’air dépité, rectifie: «Une Église qui, au moins, cherche à être unie et fraternelle…» De fait, elle ne l’est pas. Cet été, cinq cardinaux ont fait part à François de leurs «doutes» profonds sur l’autorité même du synode.

Un organe consultatif qui, selon eux, ne se fonde sur aucun texte juridique et n’a donc pas vocation à décider quoi que ce soit dans l’Église. Ils l’ont aussi questionné sur la bénédiction des couples homosexuels et sur l’ordination des femmes, deux points qui sont au programme des débats synodaux. Contre toute attente, le pape leur a répondu, lundi soir, sans fermer aucune porte sur ces possibles évolutions. Une réponse écrite officielle, car il ne pouvait plus cacher ces dissonances qui avaient été révélées le matin même sur le site italien diakonos.be, redoutablement bien informé.

«Plan de manipulation»

Ces cinq cardinaux, âgés, ont beau être minoritaires, sur les 242, ils ont du poids. Ainsi du cardinal Zen, ancien archevêque de Hongkong. Un résistant dans l’âme qui a tenu tête au régime de Pékin et qui a été condamné récemment - sans que le pape lève jamais le petit doigt pour le soutenir - parce qu’il avait fortement soutenu les manifestations de 2019 et 2020 contre l’emprisonnement du territoire de Hongkong par la Chine. Un site américain, The Pillar, vient de révéler que le cardinal Zen avait écrit à tous les évêques et cardinaux de ce synode pour dénoncer ce qu’il appelle «un plan de manipulation». Sa lettre est authentique. Il affirme que «les organisateurs du synode disent ne pas avoir d’agenda (c’est-à-dire de plan préconçu et d’objectifs à atteindre, NDLR), mais c’est vraiment une offense à notre intelligence. Chacun peut voir les conclusions qu’ils veulent atteindre.» Il cite alors en exemple la question de la bénédiction des couples homosexuels.

«On nous dit qu’il faut nous écouter les uns les autres, mais, petit à petit, on nous fait comprendre que, puisqu’il faut s’écouter, il y a des gens qui sont exclus», c’est-à-dire «des gens qui optent pour une morale sexuelle différente de la tradition catholique», écrit-il. Il critique également ces deux sessions d’octobre en 2023 et en 2024: «Les organisateurs ont choisi d’avoir plus de temps pour mieux manœuvrer.» Et fustige la méthode de travail adoptée: la «conversation dans l’Esprit», qui ressemble à une «formule magique» pour couvrir des «surprises» de l’Esprit. Un langage synodal que l’on entend partout à Rome ces jours-ci et qu’il dénonce, car, selon lui, «c’est une manière de couvrir des résultats prédéterminés», les «organisateurs étant déjà très informés des “surprises” qu’ils attendent».

Sur la méthode, toujours, il regrette que la forte réduction des débats en assemblée générale, au profit de travaux en petits groupes, soit «un stratagème pour éviter des débats ouverts et contradictoires». Qui, eux, étaient la marque de tous les synodes précédents, sous Paul VI, Jean-Paul II, Benoît XVI et même François au début de son pontificat.

Lettre confidentielle

Ce cardinal de bientôt 92 ans va jusqu’à accuser le secrétariat général du synode d’être «efficace dans l’art de la manipulation». Il demande aux participants «de ne pas obéir quand on leur demande de prier car il est ridicule de penser que l’Esprit saint attend ces prières offertes au dernier moment». Dans la tradition catholique, l’Esprit saint, l’Esprit de Dieu, est censé éclairer la conscience de celui qui prie. Enfin, le cardinal Zen critique le fait que des laïcs aient obtenu le droit de vote dans cette assemblée synodale. Ce qui, à ses yeux, «sape le synode des évêques» puisqu’ils n’ont «même pas été élus par le peuple chrétien», mais désignés.

Ce qui «change radicalement la nature du synode que Paul VI avait voulu comme un instrument de la collégialité épiscopale, dans la suite du concile Vatican II». Aussi suggère-t-il que les votes des laïcs et des évêques soient «séparés». Il demande aux évêques et cardinaux participants de prendre leur responsabilité car «accepter des procédures irraisonnables conduira à l’échec du synode». À la fin d’une telle charge, le cardinal Zen demande que sa lettre reste strictement confidentielle. Mais, conscient du risque de fuite, il conclut: «Vieux comme je suis, je n’ai rien à perdre ni à gagner. Je serai heureux d’avoir fait ce que je considère comme un devoir.»

«Rejeter l’esprit de division et de conflit»

Dès lors, on peut comprendre le dépit du pape mercredi, même si l’opposition à ce synode est le fait d’une minorité jusque-là silencieuse. Reste que jamais un cardinal ou un évêque n’avait osé critiquer publiquement cette démarche synodale. Il n’est ainsi pas surprenant que François ait conclu son homélie de lancement du synode en appelant à «rejeter l’esprit de division et de conflit». Car, a-t-il insisté, «le Seigneur ne se décourage pas au milieu des vagues parfois agitées de notre temps, il ne cherche pas d’échappatoires idéologiques, ne se barricade pas derrière des convictions acquises, ne cède pas aux solutions faciles, ne se laisse pas dicter son agenda par le monde».

Aussi, de relancer ce qu’il attend de l’Église dans une «époque complexe»: «Jésus nous invite à être une Église hospitalière, qui n’impose pas de fardeaux». Et de mettre en garde contre les «tentations dangereuses »:«être une Église rigide, qui s’arme contre le monde et regarde en arrière, être une Église tiède qui se soumet aux modes du monde, être une Église fatiguée, repliée sur elle-même». Une nouvelle fois, il a martelé que «le synode n’est pas un rassemblement politique mais une convocation dans l’Esprit, non pas un Parlement polarisé mais un lieu de grâce et de communion», loin de «nos négativités». Dans l’adversité, a conclu le pape, le Christ «ne se laisse pas abattre par la tristesse», pourtant visible sur le visage du pontife romain. «Il n’est pas amer», il ne se laisse pas «emprisonner par la déception», «il est capable de voir au-delà, il reste serein dans la tempête». Elle pourrait pourtant souffler fort.

Commentaires

  • Au moins nous voyons que François ne fait pas partie de ces loups. Son intention est bien différente de celles de ces cardinaux qui profitent de ce synode pour tenter de transformer la doctrine morale de l'Eglise, par le biais de la pastorale. François souhaite l'unité et que l'Esprit Saint soit au centre des débats, mais une bonne partie des cardinaux préfèrent écouter l'esprit du monde. Ne jugeons pas trop vite François même s'il fait pas mal d'erreurs depuis plusieurs années (sa position inappropriée par rapport au climat ou au "vaxxin" covid par exemple.). Dans tous les cas, que François en soit conscient ou non, qu'il s'agisse d'une stratégie (laisser chacun s'exprimer pour que chacun puisse montrer ses réelles motivations avant que la grande moisson ait lieu) ou non, le Seigneur utilise ce Synode pour purifier Son Eglise ! Elle en a grandement besoin.

    Lire Luc 2: 34-35 pour comprendre la mission de François.

  • Je me demande si votre commentaire est ironique :)

    Les cardinaux auteurs des Dubia veulent changer la doctrine de l'Eglise ? Vraiment ?

  • Hugo, je ne parle pas de ces cardinaux mais des évêques qui cherchent à se servir du synode en cours pour modifier la doctrine, par le biais de son application pastorale.

    Je vous invite sinon à lire les visions de la Bienheureuse Anne-Catherine Emmerich sur le temps des deux Églises (la vraie, celle de Jésus Christ, et la fausse en train d'émerger).

    Exemples :

    "J'ai vu le Saint-Père entouré de traîtres dans une grande détresse de l'Église. Il avait des visions et des apparitions dans les heures de détresse. J'ai vu beaucoup de bons, pieux évêques, mais ils étaient faibles et indécis, leur lâcheté prenait souvent le dessus."

    "J'ai vu des hommes aux noirs projets, les destructeurs s'en prendre à l'Église de Pierre, Marie debout avec son manteau sur elle, et les ennemis de Dieu mis en fuite… Puis j'ai vu l'obscurité se répandre partout et les hommes chercher la véritable Église. Ils sont allés vers une autre (Église)..."

    "Puis je vis que tout ce qui regardait le protestantisme prenait peu à peu le dessus et que la religion catholique était précipitée dans une complète décadence. La plupart des prêtres étaient attirés par les doctrines séduisantes mais fausses de jeunes enseignants, et tous contribuaient à l'œuvre de destruction. En ces jours, la foi tombera très bas, et ne sera conservée que dans quelques endroits, de rares maisons et de rares familles que Dieu a protégées contre les catastrophes et les guerres.

    Il y avait à Rome, même parmi les prélats, bien des personnes de sentiments peu catholiques qui travaillaient au succès de cette affaire. Je vis aussi en Allemagne des ecclésiastiques mondains et des protestants éclairés manifester des désirs et former un plan pour la fusion des confessions religieuses et pour la suppression de l'autorité papale.

    Je vis que beaucoup de pasteurs se laissaient prendre à des idées dangereuses pour l'Église... Ils bâtissaient une grande église étrange et extravagante ; tout le monde devait y entrer pour s'y unir et y posséder les mêmes droits ; évangéliques, catholiques, sectes de toute espèce : ce devait être une vraie communion des profanes où il n'y aurait qu'un pasteur et un troupeau. Il devait aussi y avoir un Pape mais qui ne posséderait rien et serait salarié. Tout était préparé d'avance et bien des choses étaient déjà faites ; mais à l'endroit de l'autel, il n'y avait que désolation et abomination.

    Telle devait être la nouvelle église et c'était pour cela qu'il mettait le feu à la maison de l'ancienne église. Mais Dieu avait d'autres desseins."

  • Nous sommes témoins et victimes d'un processus de conformation institutionnelle qui est propice, de son côté, à l'imitation de la Communion anglicane par une Eglise catholique qui est en train de devenir synodale.

    Ce processus complète tout un processus de conformation intellectuelle, qui est propice, pour sa part, à l'instauration du panchristisme postmoderne dans une Eglise catholique qui est en train de devenir inclusive.

    Or, ce processus de conformation intellectuelle a commencé, au minimum, au début du pontificat de Jean-Paul II, dans le domaine du dialogue interreligieux, mais ne s'est pas pleinement étendu, avant l'élection de François, au domaine du dialogue interconvictionnel : abrahamiste, écologiste, homosexualiste, immigrationniste, mondialiste, onusien.

    Donc, encore plus depuis 2022-2023 que depuis 2012-2013, non seulement François met un terme à une ambivalence ou à un inachèvement, sur le plan intellectuel, mais en outre il prépare les catholiques à en tirer les conclusions qui se dégagent, ou à souscrire aux conséquences qui en découlent, sur le plan institutionnel.

    C'est ce que l'on peut appeler la consolidation de la fragilisation de l'Eglise catholique, notamment face à l'esprit du moment et du monde présents.

    A qui donc fera-t-on croire que cette consolidation fragilisatrice a un caractère évangélique, au sens de : éclairant et fortifiant, au bénéfice de la fécondité, de la fidélité, de l'intégrité, de la lucidité, de la résistance et de la vigilance chrétiennes des catholiques, face à l'hégémonie culturelle du relativisme et du subjectivisme ?

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