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France : quand Macron s’occupe activement d’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution

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De Chantal Delsol sur le site du Figaro (via le site Memorabilia) :

Chantal Delsol: «L’IVG dans la Constitution ou le triomphe de la posture morale»

12/03/2023,  mis à jour  le 29 octobre 2023

TRIBUNE – Alors qu’Emmanuel Macron a annoncé ce dimanche son intention de présenter un projet de loi pour «graver dans notre Constitution la liberté des femmes à recourir à l’IVG», nous republions ce texte. Dans un pays où le droit à l’avortement n’est aucunement menacé, une telle mesure sociétale ne relève que de la posture, estime la philosophe.


Chantal Delsol est membre de l’Institut.


Alors que l’école et l’hôpital, ces deux piliers de notre vie commune, sont l’un et l’autre en état de mort cérébrale et réclameraient d’urgence des réformes radicales, le président Macron, au lieu de cela, s’occupe activement d’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution.

Comme ces réformes dites sociétales ont bon dos! Elles ne coûtent pas un sou, elles sont applaudies par la rue et par la ville, et elles attirent une gloire de carton sur leurs auteurs, convaincus dès lors d’avoir terrassé les dragons de la Réaction. On entendra des discours vibrants de triomphe historique et si nous avons encore des foules d’adolescents analphabètes et des lits d’hôpitaux raréfiés, nous aurons au moins écrasé l’Infâme. Tout cela est tellement français.

On peut penser que cette décision est de bonne guerre dans le combat interminable que livre la modernité contre l’ancienne morale chrétienne. Certains événements récents ont conduit à cette décision. Profitant de la législation décentralisée des pays fédéralistes, des États américains reviennent sur la légalisation de l’IVGOn s’aperçoit donc, avec stupéfaction, et dans les rangs progressistes, avec effroi, que la roue de l’Histoire n’est pas forcément une roue crantée: il arrive que des peuples désirent «revenir en arrière».

Or le droit à l’IVG est considéré comme une conquête essentielle de la postmodernité. Afin d’éviter la menace des retournements américains, la seule solution est d’inscrire ce droit dans la Constitution. Même si, bien sûr, il n’y a pas de menace de ce genre en France, d’abord parce que la France est un pays centralisé où une région ne saurait se donner sa propre loi, ensuite parce que les opposants à l’IVG n’y représentent, contrairement à la situation américaine, qu’un infime pourcentage.

Au fond il y a chez les postmodernes occidentaux une grande peur du retour en arrière, un cauchemar du triomphe réactionnaire revenu. Nous nous trouvons dans l’ambiance du «pas de liberté aux ennemis de la liberté». Il ne faut pas croire cependant que les lois devraient aller toujours dans le sens de la plus grande liberté. Il faut seulement comprendre que ce sont les progressistes postmodernes, et eux seuls, qui décrètent les allées et venues de la liberté – complaisance pour la pédophilie dans les années 1970, criminalisation de la pédophilie aujourd’hui.On peut s’étonner de constater que la liberté de pensée est si mal accueillie en Europe. La diversité d’opinions est plus grande entre les États américains qu’elle n’a le droit de l’être entre les pays d’Europe

Au-delà des circonstances, que signifie cette constitutionnalisation? Essentiellement, que le débat est clos ; fermez le ban ; on ne discute plus de ce sujet, on ne tolère plus le débat. C’est une décision d’intolérance.

Et cette situation dépasse le cadre français. On peut s’étonner de constater que la liberté de pensée est si mal accueillie en Europe. La diversité d’opinions est plus grande entre les États américains qu’elle n’a le droit de l’être entre les pays d’Europe. La Hongrie d’Orban est détestée et constamment vilipendée pour ses lois conservatrices et notamment celles qui protègent la famille, et la Pologne subit le même sort parce qu’elle interdit l’IVG. En Amérique, on n’est pas contraint de suivre en tout point une pensée pure de l’Oncle Sam, mais en Europe, il faut penser exactement comme Bruxelles, faute d’être considéré comme un méchant canard, toujours menacé de perdre ses droits. Autrement dit, l’Europe institutionnelle est, du point de vue des opinions, plus centralisée qu’un pays fédéral.

D’où vient donc que l’Europe soit devenue (il faut le dire, sous l’impulsion majeure de la France) ce bastion d’intolérance? Pourquoi n’aurait-on pas la liberté de mettre en cause certaines clauses ou conditions de l’IVG? Pourquoi n’a-t-on pas le droit de penser et de dire que l’interruption médicale de grossesse, qui s’étend jusqu’à neuf mois, peut alors être considérée comme un infanticide? Serait-il criminel de croire, et de dire, que la dignité d’un embryon déjà formé passe avant la volonté individuelle de sa mère? Que la dignité d’un être humain ne serait pas une affaire extérieure, dépendant seulement de l’attention qu’on veut bien lui prêter, mais une qualité intérieure, indépendante des circonstances? Ne serait-ce pas là une question qui se discute, dont on peut parler, même si l’opinion régnante n’est pas de ce côté?

Le conflit autour de ces questions sociétales est si violent, l’enjeu en est si primordial, que nul ne parvient à cet égard à une politique d’équilibre et de prudence. Dans un pays comme la Pologne, où a été élu un gouvernement anti-IVG, la radicalité des mesures prises les rend, à mon sens en tout cas, indéfendables. On oscille d’un excès à l’autre. C’est une guerre de civilisation, voilà pourquoi. Dont la liberté de pensée s’avère la victime sacrificielle.

La tolérance, telle que décrite par Locke et par d’autres, n’avait pas seulement pour fondement l’incertitude face à la vérité ; mais aussi et peut-être surtout, la glorification de la «personne» à laquelle on doit laisser sa conscience et ses raisons. On ne trouve pas cette grandeur de la tolérance dans d’autres cultures que la nôtre. À l’heure où nous parlons, l’idée est pourtant en grand danger. La philosophie occidentale aurait à repenser le statut de la tolérance. Faut-il croire que, comme le disent les héritiers de l’Inquisition, «il y a des maisons pour ça»? Les artisans même des Lumières, devenus les fanatiques des Lumières, ont renoncé à appliquer la tolérance au nom du «pas de liberté pour les ennemis de la liberté», devenant eux-mêmes de ce fait des ennemis de la liberté. Seule l’Amérique demeure à ce jour capable de laisser parler les adversaires, de leur faire une place dans le débat public, et de leur permettre d’ériger leurs lois s’ils sont majoritaires. Quant à la France, pays de Robespierre et resté si robespierriste, elle s’étale dans la posture morale (c’est-à-dire l’imposture): déclamant sur la liberté et la tolérance à longueur de décennies, et privant de liberté ses adversaires.

Commentaires

  • " vous n'aurez pas la paix dans le monde tant que les mères seront autorisées à tuer le fruit de leurs entrailles" d'après Mère térésa

  • La France (gouvernement et peuple) est favorable à la culture de mort. Macron est très FIER de mener ce combat pour la mort, sans compter que c'est pour lui une façon de détourner l'attention des vrais problèmes. Ce sera bientôt le tour de la Pologne, autrefois si fière et si combattive.
    Avec plus de 230 000 avortements par an, ce n'est vraiment pas le "droit" à l'avortement qui est menacé mais l'enfant conçu ! Les lois sociétales n'ont rien à faire dans une Constitution, surtout si une partie de la population les juge immorales. La Constitution n'a pas à violer la conscience des citoyens minoritaires !
    De plus, tous ces enfants tués sont ceux qui manquent à notre démographie.
    L'Occident se suicide mais il y a des peuples très malins prêts à nous remplacer.

  • Que dans un pays, certaines personnes ait un droit de vie ou de mort sur d'autres personnes, selon leur bon vouloir, me semble est un signe très net de barbarie.
    La France va devenir officiellement un pays barbare.

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