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"L’Église de notre époque ne se comporte pas comme une épouse amoureuse de Jésus-Christ."

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De Mgr Eleganti, docteur en théologie, sur Katholisches Info traduit sur "Benoît et moi" :

10 Jan 2025

Je commencerai par une remarque préliminaire : la synodalité au sens de la consultation et de l’écoute mutuelle et de la considération, au sens de la reconnaissance mutuelle de la position propre donnée par Dieu (ministère et charisme), est pour moi une évidence. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit dans ce qui suit, car cela ne souffre pas de discussion. Ce qui m’importe, c’est ce qui suit:

L’Église de notre époque ne se comporte pas comme une épouse amoureuse de Jésus-Christ.

Par « Église », je n’entends pas les croyants individuels, auxquels le reproche ne s’applique pas, mais ce qui est absent dans la proclamation officielle de l’Église d’aujourd’hui à tous les niveaux.

L’Église veut être une Église ouverte au dialogue, inclusive, apprenante et, dans toutes ses positions, flexible et fluide, qui ne condamne personne ni rien, et encore moins une Église qui sait mieux ou qui connaît la vérité. La « fluidité » dans tous les domaines et positions est sa caractéristique. C’est pourquoi toutes les décisions prises en son sein doivent faire l’objet d’un processus permanent et être fondamentalement révisables. Rien n’est éternel. Le « processus » est un autre mot pour l’ « Esprit Saint ». La « nouvelle ouverture » promue en conséquence s’appelle « synodalité ».

Encore une fois, il est frappant de constater que l’Église synodale parle très peu de Jésus-Christ, mais beaucoup de tout (autre chose) : Notamment de ses propres formes d’organisation et de communication, de ses outils spirituels et de ses structures, des questions sur son propre pouvoir de définition dans le fonctionnement de l’Eglise.

Ici aussi, le mot magique est « synodalité », synonyme dans ce contexte d’une hiérarchie aplatie entre laïcs et ordonnés. L’accent est mis sur le sacerdoce universel des baptisés, comme cela a déjà été le cas pour les mêmes raisons à l’époque de la Réforme.

Cette Église parle à tous, ce qui est à saluer, et veut inclure tout le monde sans condition. Elle considère de manière générale et sans distinction tous les hommes comme des enfants de Dieu, indépendamment de leur religion et de leur confession. Elle se montre inconditionnelle à leur égard en leur promettant le salut, quels que soient leur mode de vie et leurs croyances.

Mais concrètement, selon l’Évangile et la tradition apostolique, il n’y a pas d’autre chemin vers le salut que celui de Jésus-Christ. Et nous devrions le proclamer, et non pas simplement nous reposer sur lui. JÉSUS-CHRIST lui-même connaît en tout cas des conditions d’admission au royaume de Dieu, à commencer par la foi en LUI, le FILS DE DIEU.

L’Église ne parle plus aujourd’hui d’un danger pour le salut éternel, même lors des enterrements et dans le contexte interreligieux. Pourtant, en 2000 ans d’histoire de l’Église qui viennent de s’écouler, c’était la question de toutes les questions et l’axe principal de la prédication : « Mais le salut vient par JÉSUS-CHRIST ! ».

[Aujourd’hui], on espère en toute confiance que le défunt ou tous les hommes entreront dans la paix de Dieu, peu importe comment ils ont vécu ou ce qu’ils ont cru ou non, aimé ou combattu, éventuellement par la violence. Le rejet explicite de JÉSUS-CHRIST n’apparaît pas comme un problème ou comme un problème qui sera tranché positivement post-mortem, même pour les personnes qui adhèrent à d’autres religions. Seuls les missionnaires comme Saint François Xavier voulaient encore sauver des âmes et baptiser ou sauver ainsi le plus de personnes possible.

Cette église offre beaucoup de choses. Elle est ouverte sur le plan pastoral. Mais elle ne parle plus de JÉSUS-CHRIST comme réponse à tout, comme « DIEU de DIEU, lumière de lumière, vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non créé, de même nature que le PÈRE » (Credo).
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C’est là que l’esprit des membres de l’Église du présent et de l’avenir est violemment ébranlé. On n’entend pas cette profession de foi dans leur bouche (à mon humble avis). Au mieux, on y croit encore vaguement, plutôt pas, ou alors avec d’énormes réductions ou domestications de ce scandale. Ad extra, par exemple dans le dialogue interreligieux, on n’en entend pas parler. En revanche, on y apprend des choses faciles à digérer sur le plan social, psychologique, pastoral et interreligieux.

Il est surtout question d’« être humain ».

Pour cette sorte de chrétiens, JESUS-CHRIST est une solution parmi d’autres, au mieux l’option préférée, mais pas la seule valable, irréfutable, exclusive et indispensable pour aller vers Dieu, vers la vérité et dans (cette) vérité vers soi-même (Romano Guardini) ou mieux encore : pour être sauvé ! 

Je doute souvent que ces baptisés et très souvent ceux qui sont au service de l’Église soient vraiment profondément convaincus de la divinité de JESUS-CHRIST et de son caractère absolu ou universel (je ne parle pas ici d’amour du prochain, mais de dures exigences de vérité). On ne le sent pas et on ne le lit pas.

En réalité, l’Église ne devrait parler au monde que de JÉSUS-CHRIST. Elle n’a en effet rien d’autre, de meilleur, à proposer. On en lit peu dans ses derniers documents. Au lieu de Le présenter à chaque cœur humain comme la vie par excellence ; comme la lumière qui éclaire et met en lumière tout ce qui se trouve dans sa vie ; comme l’onguent qui soulage et guérit toute douleur ; comme la vérité qui concerne tout le monde ; comme le Dieu concret à côté duquel il n’y en a pas d’autre ; comme Dieu visible qui s’adresse à tout homme et lui demande d’entrer dans sa vie et dans son cœur ; comme accomplissement par excellence ; comme unique voie de salut ; comme rédempteur et pardon de nos péchés – la liste est longue – elle proclame la « synodalité », définitivement hors sujet pour ceux dont il s’agit en premier lieu dans leur mission auprès des peuples.

L’Église contemporaine ne joue plus l’atout qui empoche toutes les cartes [Die Kirche der Gegenwart spielt die Karte, die alle auf dem Tisch liegenden sticht und einstreicht, nicht mehr aus – traduction peu sûre, ndt] qui sont sur la table. Elle jette dans le jeu toutes sortes de cartes nouvellement créées pour inclure des coéquipiers ou des personnes qui souhaitent en faire partie ou qui ont quitté le jeu parce qu’elles estiment avoir de mauvaises cartes. Mais elle ne gagne pas un seul tour. D’autres raflent la mise. Le christianisme – et c’est JÉSUS-CHRIST (Romano Guardini) – se dilue et n’est majoritairement plus transmis, du moins chez nous.

Pourquoi ? Parce que les joueurs ne sont ni amoureux de Jésus-Christ, ni convaincus de lui au sens exclusif du terme. Parce qu’ils ne considèrent plus JESUS-CHRIST comme la carte maîtresse qui bat toutes les autres. De toute façon, elle n’est plus jouée aujourd’hui sur le plan interreligieux.

Les joueurs discutent d’autres choses. L’essentiel est d’être ensemble, fraternellement, et d’essayer de rester dans le jeu ou le dialogue. Chacun peut participer. Les règles sont en train d’être renégociées au sein de l’Église, afin de ne pas faire preuve d’un esprit de vainqueur ou de rejet vis-à-vis de ceux qui ne partagent pas la même foi et qui pensent différemment ou qui sont « autrement catholiques » (un néologisme créé par Mgr Bätzing [pour mémoire, président de la conférence des évêques allemands, principal promoteur de la « Voie synodale », ndt]).

Mais la partie est perdue pour les raisons décrites. C’est la carte maîtresse qui n’est pas jouée, quelle qu’en soit la raison. L’essentiel est de rester dans le jeu, mais au détriment des participants. Des règles (ou des vérités) exclusives qui signifieraient l’exclusion des joueurs et des co-joueurs ne sont pas respectées par toutes les parties et sont considérées comme dépassées. Cela ne s’est jamais produit jusqu’à présent ; mais cela se passe sous nos yeux.

« Apocalypse now ! » Un coup d’œil au Catéchisme de l’Église catholique (11 oct. 1992) aiderait tout le monde.

« Nul ne vient au PÈRE que par MOI ! » est toujours valable.

*Mgr Marian Eleganti OSB, docteur en théologie, a été de 1999 à 2009 abbé de l’abbaye bénédictine de St. Otmarsberg dans le canton de Saint-Gall, puis évêque auxiliaire du diocèse de Coire de 2009 à 2021. Mgr Eleganti tient un blog personnel.

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Les contributions de Mgr Eleganti jusqu’à présent :

Commentaires

  • C'est ici qu'il convient de rappeler que, à partir de l'entre deux guerres mondiales, des philosophes d'inspiration chretienne et des théologiens catholiques ont commencé à entrer en "guerre de sécession" cognitive et culturelle contre le catholicisme tridentin, notamment en tant qu'anti-protestant, anti-libéral et anti-moderniste.

    Cette guerre de sécession cognitive et culturelle s'est traduite par la mise en oeuvre de plusieurs dimensions de toute une dynamique d'émancipation à l'égard de la Tradition en général et surtout de la composante tridentine de la Tradition en particulier.

    En d'autres termes, cette guerre de sécession culturelle a débouché,
    - à l'égard des religions non chrétiennes, sur l'inclusivisme,
    - en direction du monde moderne, sur l'intégralisme,
    - à l'égard des confessions chrétiennes non catholiques, sur l'oecuménisme, ou sur la nouvelle conception de l'oecuménisme,
    - vis-à-vis de l'homme moderne, sur le personnalisme, ou sur la nouvelle conception du personnalisme.

    Ces courants de pensée, rattachables, respectivement, à de Lubac et à Nostra aetate, à Maritain et à Gaudium et spes, à Congar et à Unitatis redintegratio, à Mounier et à Dignitatis humanae (ce qui bien sûr ne veut pas dire que de Lubac est le seul inspirateur de Nostra aetate, etc.), n'ont pas à être diabolisés, mais ont à être analysés pour ce qu'ils sont : des tentatives d'ouverture et de pactisation du (néo-)catholicisme avec des sources d'inspiration
    - philosophiquement post-kantiennes et même post-blondéliennes,
    - théologiquement post-schleiermachiennes sinon post-harnackiennes, donc théologiquement protestantes libérales.

    Si l'on préfère, l'imposition à l'Eglise et aux fidèles de ces courants de pensée, "disruptifs" par rapport au tridentinisme, a été synonyme d'imposition d'une "grande transformation" du christianisme catholique par un genre ou une sorte d'humanisme panchristique, latent à partir de Jean XXIII et patent à partir de Paul VI.

    L'objectif a été d'ouvrir l'Eglise catholique sur son environnement extérieur, non catholique, non chrétien, non croyant et non anti-moderne, et de pactiser avec "ce qu'il y a de meilleur" dans cet environnement extérieur, afin et avant de cheminer, sous la conduite et en direction de "l'unité", en conciliation et en partenariat avec le même environnement extérieur.

    Dans toute cette affaire, il y a eu un petit côté "distribution gratuite et port obligatoire de lunettes roses", dont la critique frontale n'a presque jamais été faite depuis l'intérieur et le sommet de l'Eglise du Concile, d'Assise et de l'inclusion.

    En effet, les docteurs et les pasteurs catholiques qui ont osé et voulu procéder à cette grande transformation et à son imposition à l'Eglise et aux fidèles n'avaient pas prévu,
    - d'une part, que l'environnement extérieur de l'Eglise catholique se sentirait approuvé ou conforté, par cette approche dite pastorale, dans sa non adhésion à l'Eglise, ou à Jésus-Christ, ou à Dieu,
    - d'autre part, que d'autres docteurs et d'autres pasteurs catholiques tireraient parti de cette dynamique d'émancipation pour commencer à aller encore plus loin, sur la route du contournement d'une partie de ses propres fondamentaux par le catholicisme contemporain et du dépassement d'une partie de ses propres enseignements par l'Eglise contemporaine, au point de faire fuir de nombreux fidèles.

    Chacun aura compris que la focalisation sur la dimension liturgique de la crise de l'Eglise et sur l'idée fausse d'après laquelle cette crise a été causée par l'année 1968 ne contribue pas à la compréhension des origines, des composantes et des conséquences de cette crise.

    A contrario, il faut remonter ou revenir aux origines intellectuelles de cette grande transformation, avant de descendre en direction des composantes intra-conciliaires et des conséquences post-conciliaires de toute cette gigantesque entreprise, dont il devient urgent et vital de faire un bilan critique, compte tenu de son "succès".

    De même, chacun aura compris pourquoi la notion de guerre de sécession cognitive et culturelle a ici tout son sens :
    - d'une part, parce que ce sont des élites intellectuelles qui ont commencé à entrer en sécession combative, au niveau des concepts, des valeurs, des argumentaires et des problématiques, à l'égard de la philosophie et de la théologie officielles de leur temps ;
    - d'autre part, parce que l'imposition à l'Eglise et aux fidèles des conséquences de la victoire obtenue, au Concile, par les uns contre les autres, id est par les démanteleurs ou transformateurs contre les réformateurs ou rénovateurs, a débouché dès 1965 sur la mise en oeuvre d'une logique d'élimination de certains fidèles catholiques et d'éradication de certains fondements du catholicisme, sans charité ni prudence, c'est le moins que l'on puisse dire.

    En tout cas, si l'on accepte que les mots aient leur sens, l'appréciation d'après laquelle les catholiques qui veulent l'être et le rester en plénitude, notamment sur le plan liturgique, sont méprisables et rejetables en dehors des diocèses, n'est certainement pas inspirée par le "discernement évangélique dans la miséricorde vers les périphéries".

    Mais pour pouvoir inclure certains, il faut d'abord en exclure d'autres...

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