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France : pourquoi les jeunes affluent-ils vers l’Église catholique 200 ans après 1789 ?

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De Luke Coppen sur The Pillar :

Bibles et islam ? — Les racines inattendues du « boom du baptême » en France

Pourquoi les jeunes affluent-ils vers l’Église catholique 200 ans après la Révolution française ?

2 octobre 2025

Un jeune catéchumène du diocèse français de Meaux, photographié le 1er mars 2025. Crédit : Photo de courtoisie.

La conférence des évêques français a annoncé en avril que plus de 10 000 adultes devraient être baptisés en 2025, soit une augmentation de 45 % par rapport à l'année précédente.

Ce ne sont pas seulement les baptêmes d'adultes qui connaissent un essor remarquable. Un nombre record de 19 000 personnes , dont de nombreux jeunes, ont participé au pèlerinage de Paris à Chartres cette année . Un nombre sans précédent de 13 500 lycéens ont participé au pèlerinage de Lourdes FRAT 2025 , un événement annuel majeur pour les jeunes.

Le pays connaît également ce que les médias français appellent un « boom biblique » : une augmentation rapide des ventes de la Bible. Les librairies religieuses signalent une augmentation de 20 % des achats depuis 2024.

Il est facile d'énoncer ces faits. Mais il est plus difficile d'en discerner la cause. Pourquoi les jeunes se ruent-ils vers l'Église catholique plus de deux siècles après son éviction brutale de la place publique pendant la Révolution française ?

Les reportages, tant en France que dans le monde anglophone, n'ont fait qu'effleurer le phénomène. Mais l'enquête la plus approfondie à ce jour vient d'être publiée en France. Elle s'intitule Enquête sur ces jeunes qui veulent devenir chrétiens et est rédigée par Antoine Pasquier, journaliste à l'hebdomadaire catholique français Famille Chrétienne .

Pasquier explore ce que les jeunes adultes français en quête de baptême et de catéchumènes disent d'eux-mêmes. Il mêle leurs observations à sa propre vision de catéchiste qui a vu la vague déferler sur sa paroisse et l'a vue prendre des proportions vertigineuses.

La dynamique qu’il découvre est inattendue.

Par exemple, à travers ses entretiens avec des catéchumènes, Pasquier constate que la lecture de la Bible joue un rôle plus fondamental dans les conversions qu'Internet et les réseaux sociaux. De plus, de nombreux jeunes en quête de foi arrivent à l'église avec une vision de la religion façonnée non pas par le christianisme, mais par l'islam.

L'ouvrage, actuellement disponible uniquement en français, offre des conseils aux responsables de l'Église face à cet afflux imprévu. Pasquier appelle à une transformation profonde du catholicisme français, passant d'une communauté résignée au déclin à une « Église catéchuménale ». Il perçoit des signes avant-coureurs de ce changement.

Pasquier a travaillé pendant dix ans comme reporter pour un hebdomadaire régional français avant de rejoindre Famille Chrétienne en 2013. Il a coordonné les enquêtes du magazine catholique sur des sujets tels que la crise des abus. Marié et père de quatre enfants, il accompagne les jeunes catéchumènes de son église en région parisienne depuis 2020.

Dans une interview avec The Pillar , il a discuté de la genèse de son livre, de ce qui l'a surpris chez les catéchumènes et des leçons de l'Église française pour les catholiques d'ailleurs.

Antoine Pasquier, rédacteur en chef des contenus numériques chez Famille Chrétienne. Crédit : Photo de courtoisie.

Les catholiques du monde entier sont fascinés par ce qui se passe en France.

Comment expliqueriez-vous brièvement ce qui arrive à quelqu'un vivant hors de France ?

Depuis 2020, la France connaît un afflux important de catéchumènes de tous âges et de tous milieux sociaux. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 2025, le nombre d'adultes demandant le baptême est le plus élevé jamais enregistré depuis que la Conférence des évêques de France a commencé à recenser les catéchumènes en 2002. Pour la première fois, le seuil symbolique des 10 000 baptêmes d'adultes a été franchi.

Sur deux ans, la croissance est remarquable : 5 463 baptêmes en 2023, 7 135 en 2024 (+ 30,6 %) et 10 384 en 2025 (+ 45,5 %). Autrement dit, le nombre de baptêmes d’adultes a presque doublé entre 2023 et 2025 (+ 90 %).

Parmi ces 10 384 nouveaux baptisés, la tranche d'âge des 18 à 25 ans représente désormais la part la plus importante, avec environ 4 360 catéchumènes (42 %). Les baptêmes d'adolescents (11-17 ans) connaissent également une forte croissance. En 2025, on en comptait 7 404, contre 1 547 en 2022 (+76 %). En seulement trois ans, ces chiffres ont presque quintuplé.

Paradoxalement, ce phénomène survient dans un contexte ecclésial marqué par la crise des abus sexuels et le déclin des vocations. Cet afflux totalement inattendu a pris les paroisses de court, les obligeant à s'adapter rapidement. D'abord surpris, les catholiques français cherchent aujourd'hui les meilleures façons d'accueillir et de soutenir ces personnes en quête de Dieu.

Votre livre est-il la première exploration approfondie des raisons pour lesquelles tant de jeunes deviennent catholiques en France ?

Jusqu'à présent, ce phénomène n'a été analysé que par les médias, catholiques ou laïcs. S'appuyant sur les statistiques publiées et interprétées chaque année par la Conférence des évêques de France, ces médias ont tenté d'expliquer les raisons de cet afflux de catéchumènes. De nombreux témoignages ont également été publiés.

Journaliste pour le magazine Famille Chrétienne, j'ai commencé à travailler sur ce sujet il y a trois ans. Cependant, mon livre constitue la première enquête exhaustive visant à analyser en profondeur les raisons qui poussent ces jeunes à devenir chrétiens.

J'ai volontairement privilégié la tranche d'âge des 15-25 ans, d'abord parce qu'elle est la tranche démographique la mieux représentée (45% des catéchumènes français en 2025, soit plus de 8 000 jeunes), ensuite parce que leur parcours diffère de celui des adultes plus âgés.

Quand avez-vous pris conscience pour la première fois de ce phénomène ?

Depuis 2020, j'accompagne des lycéens qui se préparent au baptême dans ma paroisse en région parisienne. En tant que catéchiste, j'ai constaté qu'un nombre croissant de jeunes de mon groupe cherchent Dieu et aspirent à devenir chrétiens.

Ils venaient souvent en groupe, souvent avec des amis. Nous avons aussi commencé à les remarquer plus souvent et en plus grand nombre aux messes dominicales, s'approchant pendant la communion, les bras croisés, pour recevoir la bénédiction du prêtre.

Cette observation personnelle a été reprise par d'autres catéchistes de différentes paroisses et villes. Après quelques recherches, cette fois en tant que journaliste, j'ai rapidement compris que ce phénomène était national et totalement inédit.

Catéchumènes dans la cathédrale de Meaux, France, le 1er mars 2025. Crédit : Diocèse de Meaux/Flickr/CSuchi.

De nombreux rapports soulignent le rôle d'Internet dans la nouvelle vague de conversions. Mais vous avez découvert que la Bible joue un rôle encore plus important.

Pouvez-vous expliquer pourquoi c’est le cas ?

La génération Z grandit sur les réseaux sociaux. Sur ces plateformes, les influenceurs partagent des contenus de plus en plus pointus et bien conçus, créés par des influenceurs chrétiens, qui apportent des réponses à leurs questions existentielles et spirituelles.

Mais ces réseaux ne sont pas le lieu de leur conversion. La conversion se produit plus tôt, de manière naturelle, je dirais. Les réseaux sociaux et Internet complètent et soutiennent cette conversion.

La Bible, en revanche, intervient bien plus tôt dans leur cheminement. Dès qu'ils décident d'approfondir leur recherche spirituelle au sein de la foi chrétienne, elle devient essentielle. Presque tous les jeunes que j'accompagne ou que j'ai interviewés me disent avoir acheté, ouvert et lu la Bible avant d'entreprendre toute démarche officielle auprès de l'Église.

Aux côtés de l'église et de la messe, la Bible est pour eux une référence fiable et facilement identifiable. Ils se demandent : « Je veux être chrétien, comment faire ? » Et la réponse leur saute aux yeux : « Il faut que je lise la Bible et que j'aille à la messe. » La forte croissance des ventes de Bibles, en France comme à l'étranger, témoigne de ce nouvel engouement.

Vous constatez que beaucoup de jeunes Français qui s'approchent de l'Église catholique viennent avec une idée de la religion façonnée par l'islam, avec son insistance sur les pratiques de jeûne, etc.

Pourquoi en est-il ainsi et quels défis cela entraîne-t-il ?

C'est avant tout l'expression publique et explicite de l'islam qui les interpelle. Certains de leurs amis musulmans adhèrent ouvertement à leur foi et à leur identité religieuse, sans réserve. Cela incite nos jeunes à manifester eux aussi leur foi chrétienne grandissante. Cela se manifeste par le port d'un collier avec croix, parfois d'un voile de chapelle pour les jeunes filles, ou par l'observation des pratiques des différents temps liturgiques, notamment le Carême.

Le Carême, par sa radicalité, attire ces jeunes en quête d'orientation et de sens. Ils ont parfois tendance à considérer cette période comme un « Ramadan chrétien ». Les catéchistes doivent veiller à bien expliquer les différences et à leur rappeler que le christianisme n'est pas avant tout une religion d'observance, mais de conversion personnelle et intérieure.

Un catéchumène est présenté lors de la cérémonie d'appel décisif (rite d'élection) dans le diocèse français de Meaux, photographié le 1er mars 2025. Crédit : Diocèse de Meaux/Flickr/CSuchi.

Qu’est-ce qui vous a le plus surpris dans le fait que les jeunes deviennent catholiques ?

Leur détermination et leur patience. Certains ont voyagé pendant des années, cachés, par peur d'être mal compris par leurs proches.

Je pense à une jeune femme qui a attendu neuf ans entre sa première entrée à l'église et sa demande officielle de baptême. Une autre a attendu trois ans entre sa première lecture de l'Évangile, seule dans sa chambre, et sa première messe avec une amie. Leur foi est déjà si forte qu'elles n'ont pas peur d'attendre aussi longtemps pour recevoir le baptême.

Vous appelez à la transformation de l'Église de France en « Église catéchuménale ». À quoi cela ressemblerait-il ?

L'Église primitive, l'Église apostolique, était par nature une Église catéchuménale. Lorsque les Apôtres et la Vierge Marie reçurent l'Esprit Saint le jour de la Pentecôte, ils quittèrent aussitôt le Cénacle pour proclamer la Bonne Nouvelle du Christ et accomplir les premiers baptêmes ( Actes 2,41 ).

Dans les premières communautés, les chrétiens – donc néophytes – écoutaient les enseignements des Apôtres. Cet enseignement était centré sur la proclamation du kérygme , cœur de la foi chrétienne. Ces communautés étaient également attentives au salut des autres et à l'œuvre du Saint-Esprit parmi elles.

Une Église catéchuménale est une Église attentive à l'annonce du kérygme, au salut de chacun et à l'écoute de l'Esprit Saint. Ces dispositions aideront notre Église aujourd'hui à être toujours plus attractive et ouverte à ceux qui cherchent Dieu.

Catéchumènes devant la cathédrale de Meaux en France le 1er mars 2025. Crédit : Diocèse de Meaux/Flickr/

Y a-t-il quelque chose que les autres pays qui connaissent également un boom des baptêmes d’adultes pourraient apprendre de l’Église en France ?

L'Église de France prend peu à peu conscience de la situation. Je ne suis pas sûr qu'elle ait beaucoup de leçons à donner aux autres Églises.

Les premiers à comprendre la situation furent les catéchistes, les plus proches du terrain. Ils réagirent rapidement et prirent des mesures pour faire face à cette vague inattendue. S'il y a une leçon à tirer de l'expérience française, c'est cette capacité d'adaptation sur le terrain.

L'Église doit veiller à ne pas rester prisonnière de schémas ou de réflexes dépassés. L'idée du « On a toujours fait comme ça ! » n'est plus tenable. Sans perdre son essence, l'Église doit s'adapter à ces nouveaux chrétiens, en répondant à leurs questions, à leurs attentes et à leur soif.

Le pape Léon XIV lui-même l'exprime avec justesse : « La crise de la foi et de sa transmission, ainsi que les difficultés liées à l'appartenance et à la pratique ecclésiales, nous invitent à redécouvrir la passion et le courage d'une nouvelle annonce de l'Évangile. Parallèlement, des personnes apparemment éloignées de la foi reviennent souvent frapper aux portes de l'Église ou s'ouvrent à une nouvelle quête de spiritualité, qui parfois ne trouve pas le langage et les formes adéquats dans les propositions pastorales habituelles. »

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