De Mgr Martin Grichting sur kath.net/news :
L'Église en Allemagne et en Suisse a capitulé
7 décembre 2025
Un évêque qui dispense les fidèles de vivre selon leur foi a renoncé à être chrétien. Un commentaire de Martin Grichting.
Coire (kath.net)
Le pape Léon le Grand l'a dit de manière impressionnante aux croyants de son époque : « Chrétien, reconnais ta dignité ! Tu es devenu participant de la nature divine, ne retourne pas à ton ancienne misère et ne vis pas en dessous de ta dignité ». Le droit canonique en vigueur dit la même chose dans le CIC, can. 209 : « Les fidèles sont tenus, même dans leur propre comportement, de toujours préserver la communion avec l'Église ».
Aucun évêque n'a le droit d'y déroger. Même le pape ne le peut pas, car cela reviendrait à dissoudre l'Église. Les évêques allemands ont néanmoins dispensé leurs collaborateurs laïcs de vivre conformément à ce qu'ils sont. À cette fin, ils ont modifié la « Constitution fondamentale du service ecclésiastique » du 22 novembre 2022. Désormais, l'article 7, paragraphe 2, stipule, en ce qui concerne les collaborateurs laïcs et la pertinence de leur vie personnelle pour leur emploi par l'Église : « Le domaine central de la vie privée, en particulier la vie relationnelle et la sphère intime, reste soustrait à toute évaluation juridique ». Il est donc possible de vivre en concubinage, de se remarier civilement, d'être polyamoureux, polygame ou homosexuel : cela n'a aucune incidence sur l'emploi par l'Église. Il est néanmoins possible d'enseigner et de prêcher au nom de l'Église. Tous les diocèses allemands ont intégré cela dans leur droit propre. Les évêques allemands ont ainsi gravement manqué à leurs obligations officielles. En effet, le CIC, can. 392 stipule : « § 1. Comme il doit préserver l'unité de l'Église tout entière, l'évêque est tenu de promouvoir l'ordre commun de toute l'Église et, par conséquent, d'exiger le respect de toutes les lois ecclésiastiques. § 2. Il doit veiller à ce qu'aucun abus ne se glisse dans l'ordre ecclésiastique, notamment en ce qui concerne le ministère de la Parole, la célébration des sacrements et des sacramentaux, le culte de Dieu et des saints, ainsi que la gestion des biens.
En Suisse, les diocèses ne sont généralement pas les employeurs au sens du droit civil, comme c'est le cas en Allemagne. Cette tâche est assumée par les « paroisses » et les « Églises nationales », structures parallèles créées par l'État. Le 4 décembre 2025, l'« Église nationale » de Zurich, la plus puissante financièrement en Suisse, a adapté son « règlement d'emploi ». Concernant les collaborateurs laïcs, le § 4a stipule désormais : « Pour l'emploi dans le service de la proclamation, le domaine central de la vie privée n'est pas pris en compte. La vie relationnelle, l'orientation sexuelle et le mode de vie, en particulier la sphère intime, ne font pas l'objet d'évaluations juridiques et ne constituent pas un critère d'embauche ». L'évêque de Coire, Mgr Joseph M. Bonnemain, dont le canton de Zurich relève de la juridiction, a donné son accord préalable à cette dispense accordée aux collaborateurs ecclésiastiques de vivre selon le 6e commandement. En effet, son alter ego, le vicaire général responsable de Zurich, le chanoine Luis Varandas, a déclaré à l'« Église nationale » qu'il était « d'accord avec la révision partielle du règlement d'embauche ».
Une Église qui ne veut plus exiger de ses collaborateurs qu'ils vivent selon les commandements de Dieu a capitulé. Et il est clair que si quelque chose ne s'applique plus aux collaborateurs, cela ne s'applique plus à tous les croyants. En Allemagne et dans le canton de Zurich, le respect du 6e commandement est donc facultatif. Dans les pays germanophones, cette capitulation de l'Église s'explique par le système d'impôt ecclésiastique. Selon l'interprétation des évêques, le maintien de ce système semble exiger que l'Église se soumette au courant dominant de la société. Afin de rester acceptable pour la majorité, l'Église doit taire, voire nier, tout ce qui est choquant pour les post-chrétiens et qui pourrait mettre en péril la jouissance des privilèges ecclésiastiques.
Le pape s'est tu publiquement sur la modification de la constitution de 2022 en Allemagne. Dans le cas de l'ancien pape, cela n'a rien d'étonnant. On ignore ce que le pape Léon XIV compte faire. Il doit en tout cas prendre conscience que le silence vaut consentement. Et l'absence de politique menée jusqu'à présent a pour conséquence que d'autres parties de l'Église universelle sont également contaminées, comme on le voit actuellement en Suisse.
La procédure en Allemagne et désormais dans le diocèse de Coire nous enseigne une autre leçon. Dans ces deux pays, les ecclésiastiques sont exemptés de la dispense de respecter le 6e commandement (Constitution fondamentale, art. 7, al. 2, phrase 4 ; règlement sur les nominations, § 4a, phrase 2). Du point de vue du droit civil, il s'agit là d'une mesure arbitraire, d'une discrimination. On peut se demander quand cette question sera portée devant les tribunaux civils. D'un point de vue théologique, la distinction faite par les évêques est révélatrice. Elle implique que le sacrement du mariage engage moins que le sacrement de l'ordination. En d'autres termes, les laïcs sont considérés comme des citoyens de seconde zone. S'ils ne vivent pas comme ils le devraient, cela n'a aucune importance. Il s'agit ici d'une nouvelle forme de conscience de classe cléricale. Le cléricalisme est célébré par les évêques eux-mêmes, qui d'ordinaire le méprisent.
En ce qui concerne la Suisse, l'histoire n'est pas encore terminée : le 17 novembre 2025, la Conférence des évêques a publié un document non contraignant intitulé « État des lieux de la pratique dans les diocèses suisses concernant le lien entre la mission épiscopale et le mode de vie des prêtres, des diacres et des aumôniers ». Peut-être parce que sous le pape Léon XIV, on n'est plus tout à fait sûr de son affaire, peut-être aussi parce que la Suisse comprend également des régions francophones et italophones où de nombreux prêtres et laïcs suivent encore l'Église universelle, ce document ne va pas aussi loin que la constitution allemande de 2022. Dans la recherche d'un compromis entre la doctrine de l'Église et ce que souhaitent les évêques de Suisse alémanique à l'imitation de l'Église en Allemagne, on a trouvé la solution dans le cas particulier bergoglien. Comme on le sait, cela a conduit à l'abolition de facto de la doctrine de l'indissolubilité du mariage, puisqu'il est désormais possible de faire une « distinction spirituelle » – par qui que ce soit, avec qui que ce soit, sur quelle base théologique que ce soit. Cela conduit alors, de manière tout à fait miraculeuse, à ce que ceux qui sont divorcés et remariés civilement puissent recevoir l'Eucharistie en toute bonne conscience. Car il existe des arguments pour tout. Le bon vieux probabilisme jésuite rend ici d'excellents services. Depuis lors, il n'existe plus de doctrine de l'Église valable pour tous, sauf sur le papier, mais plus dans la réalité. On n'y trouve plus que des cas individuels isolés.
Cette méthode est désormais appliquée par les évêques suisses à la situation de vie des collaborateurs laïcs. Le deuxième principe bergoglien n'est pas oublié, selon lequel même les communautés de vie irrégulières contiendraient des éléments positifs qu'il convient d'apprécier dans le cadre d'un « discernement ». Les évêques écrivent : « Le magistère du pape François a souligné que les personnes vivant dans des partenariats et des formes de famille qui ne correspondent pas à la tradition et à l'enseignement catholiques réalisent des valeurs qui méritent respect et reconnaissance ». (La mafia vit également la cohésion sociale et veille avec soin au bien-être de ses membres, ce qui représente sans aucun doute des valeurs qui méritent notre respect et notre reconnaissance). Sur la base de ces prémisses, les évêques suisses concluent que chaque situation de vie d'un collaborateur est « unique ». C'est pourquoi, en ce qui concerne les situations de vie, « on ne peut agir de manière juste selon l'Évangile qu'en les considérant dans leur globalité. Deux personnes peuvent faire la même chose, mais ce n'est pas la même chose. Dans l'univers parallèle de l'Église, deux plus deux ne font plus quatre. Il faut prendre cela au sérieux et l'apprécier comme un fait alternatif. Cette conception post-factuelle de la vérité correspond bien au fait que l'évêque de Coire mentionné ci-dessus, en tant que vice-président de la Conférence des évêques, soutient le document de celle-ci qui prône la tactique au cas par cas. Dans le même temps, il déclare toutefois qu'à Zurich, le cas particulier ne compte pas. Au contraire, le mode de vie des collaborateurs laïcs y est en principe sans importance.
Le critère invoqué pour l'oracle épiscopal de la « distinction » du cas particulier est « la volonté personnelle d'adapter progressivement sa propre situation à la lumière de l'Évangile ». Dans le cas d'un couple hétérosexuel vivant en concubinage, cela pourrait encore être un critère si le mariage est envisagé. Mais comment une personne remariée civilement peut-elle être chaque jour un peu moins mariée civilement ? Et comment un couple homosexuel pourrait-il devenir chaque jour un peu plus hétérosexuel ?
Quelqu'un croit-il sérieusement que les membres de la société postchrétienne vont revoir leurs opinions parce que l'Église déclare facultative une partie de sa doctrine en matière de foi et de mœurs ? Au contraire : ils doivent en arriver à la conviction que l'Église catholique a désormais comblé son retard en matière de modernité et qu'elle chante désormais en chœur avec les postchrétiens. Depuis 200 ans, la politique des communautés religieuses protestantes consiste à suivre de manière autonome ce qui est valable dans la société majoritaire. On ne peut pas leur en vouloir. Car elles n'ont pas de pape.