Patrice de Plunkett (ICI) commente sur son blog les informations faisant état des graves négligences dont le géant de l'industrie nucléaire japonaise s'est rendue coupable avec les conséquences que l'on sait...
Un vent de panique nucléaire se lève sur le Japon. Bruxelles parle d'« apocalypse ». Les médias occidentaux rapatrient leurs envoyés spéciaux. Les navires de guerre US venus prêter main-forte repartent vers le large. Et les habitants de Tokyo (stoïques jusqu'ici) donnent les premiers signes d'affolement. Tepco, la multinationale opératrice de la centrale de Fukushima Dai-ichi, vient en effet de déclarer que « des brèches » s'ouvrent dans l'enceinte extérieure du bâtiment du réacteur n°4, libérant directement de la radioactivité dans l'atmosphère.
On découvre alors que Tepco, géant de l'industrie nucléaire (premier producteur mondial d'électricité), est une firme suspecte depuis des années.
Fondée en 1951, Tokyo Electric Power Company,(3 centrales nucléaires, plus des centrales hydroélectriques, des parcs éoliens et une centrale géothermique) a été plusieurs fois accusée de et de falsification de documents. En avril 2003, le gouvernement japonais ordonnait à Tepco de fermer tous ses réacteurs nucléaires pour un contrôle de sécurité après la découverte de documents falsifiés.
Le 16 juillet 2007, le séisme de Chuetsu-oki (magnitude 6,8) endommageait une centrale nucléaire de Tepco dans la région de Niigata. On constatait alors que les concepteurs de la centrale avaient sous-estimé des deux tiers la puissance des séismes possibles, et minimisé en proportion les investissements de sécurité. Un rapport sévère était déposé en ce sens par le sismologue Katsuhiko Ishibashi, conseiller du gouvernement pour la sécurité nucléaire anti-séismes.
En ce mois de mars 2011, après le séisme-tsunami et pendant la catastrophe nucléaire de Fukushima Dai-ichi (l'une des 25 plus grandes du monde), Tepco envoie des informations contradictoires à l'AIEA et donne au public japonais des renseignements vagues et parcimonieux. Or Fukushima Dai-ichi est la première centrale japonaise à avoir été entièrement conçue par Tepco. Construisant cette centrale au bord des eaux les plus dangereuses de la planète, Tepco a-t-elle sous-estimé la puissance possible des tsunami comme elle avait sous-estimé celle des séismes ? C'est la rumeur qui monte au Japon. Rappelons qu'en 1986, lors de la catastrophe de Tchernobyl (dont celle de Fukushima pourrait devenir l'équivalent), les idéologues libéraux martelaient comme une évidence : «Ce n'est pas un accident nucléaire, c'est un accident soviétique. Ce qui est en train d'arriver au Japon montre que les multinationales du capitalisme ne sont pas plus fiables que la défunte URSS. A une différence près : l'URSS était une puissance pauvre ; les multinationales sont des puissances aveugles.
[1] Le Figaro, 14 mars 2011 : Quand le géant du nucléaire japonais cachait des incidents.
Commentaires
Fukushima n’est pas Tchernobyl
http://www.agoravox.fr/actualites/environnement/article/fukushima-n-est-pas-tchernobyl-90558
Le réacteur n°3 de Fukushima qui vient d'être secoué par une explosion fonctionne au MOX. C'est là une différence majeure avec Tchernobyl qui utilisait des combustibles nucléaires traditionnels.
Les officiels japonais nous expliquent que le risque à Fukushima n'est en rien comparable à celui de Tchernobyl.
C'est sans doute vrai mais pas forcément dans le sens que l'on pense.
Et il y a même deux raisons qui poussent à penser que le scénario en cours à Fukushima est malheureusement potentiellement plus grave pour les populations environnantes que ne le fut Tchernobyl.
En effet le réacteur n° 3 de Fukushima est un réacteur utilisant un combustible nucléaire spécial appelé MOX.
MOX est l'acronyme de mélange d'oxydes car ce combustible est composé d'oxydes d'uranium et de plutonium, issu de déchets nucléaires recyclés.
Il est fabriqué dans des centrales spécialisées dans la "Surgénération" de combustibles traditionnels (Uranium et Plutonium) usagés provenant d'autres centrales.
En France les centrales de la Hague et de Marcoule fabriquent du MOX.
Sur les 58 réacteurs français, 20 réacteurs nucléaires d'EDF utilisent ce combustible
Mais revenons au Japon.
Il faut savoir que le MOX est un combustible plus réactif que les combustibles standards. Cela rend la maitrise du réacteur plus délicate et qui pourrait laisser penser que les deux explosions de Fukushima ne sont pas de même nature.
Celle du réacteur n°1 de Fukushima (à combustible traditionnel) est très vraisemblablement due à de l'hydrogène comme le disent les autorités. Le flash blanc et la vapeur blanche qu'on voit sur la video sont typiques de la combustion de l'hydrogène.
Le parement du batiment est soufflé dans tous les sens sans orientation particulière ce qui indique que l'explosion a bien concerné des gaz contenu par le haut du batiment. le reste du batiment a gardé ses murs.
De plus une fois la poussière dispersée rien ne fume plus.
Tout cela confirme la thése avancée par les autorités japonaise : L'hydrogène s'est accumulé dans le haut du batiment, hors du reacteur et s'est mélangé à l'air, mélange explosif qui détone à la moindre étincelle.
La détonation souffle les murs et le toit mais pas les poutrelles : le souffle est réparti et n'affecte que les surfaces larges.
L'explosion du réacteur 3 est différente.
Le flash est rouge et l'explosion orientée ver le haut.
On voit très nettement des élèments solides enormes projetées verticalement à une altitude beaucoup plus haute que les cheminées et retomber sur la centrale.
Le Flash est rouge entouré de fumées noires ce qui ne colle pas avec la combustion de l'Hydrogène.
Tout cela ressemble plutôt à une cocotte minute qui vient de perdre son couvercle à cause de la pression. La thèse la plus probable c'est que l'enceinte de confinement (en forme de bouteille) qui entoure le réacteur a cédé.
Il est cependant possible que le réacteur soit encore indemne mais il est improbable que ses équipements de contrôle soient encore indemnes après un tel choc.
La difficulté à refroidir le combustible (ce fameux MOX) ne fait donc que croitre.
Si le MOX ne fuit pas déjà du réacteur, il n'est plus correctement refroidi et finira par fondre et percer le fond de sa cuve.
Il coulera au fond de l'enceinte de confinement dont le couvercle n'est plus là pour empêcher l'expusion de particules dans l'air.
A cette contamination de l'air s'ajoute la possibilité que le MOX perce le fond de l'enceinte de confinement (syndrome de Three Miles Island) et aille contaminer la mer ou la nappe phréatique.
Or le principal défaut du MOX c'est qu'il est extrêmement toxique, bien plus que les autres combustibles nucléaires. Même de très faibles doses sont dangereuses : Une seule particule inhalée peut provoquer un cancer du poumon.
Fukushima n'est donc effectivement pas comparable à Tchernobyl.
Mais malheureusement pas à son avantage...