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"Motu proprio", liturgies et sagesse québecquoise...

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Surfer sur le net réserve parfois de bonnes surprises... Ainsi avons nous découvert par hasard sur un blog d'Outre-Atlantique qui s'est tu depuis quatre ans une note assez approfondie consacrée au "Motu Proprio" par lequel Benoît XVI rendait droit de cité à la célébration du rite latin traditionnel, inaugurant ainsi la "réforme de la réforme".

Nous prenons la liberté de reproduire ici cette note (http://users.skynet.be/lantidote/blog.html):

ÉLÉMENTS DE RÉFLEXION SUR
LE MOTU PROPRIO « SUMMORUM PONTIFICUM »
par Jean-Philippe Martini

(Publié le 19 juillet 2007)


« Les traditions liturgiques, ou rites, actuellement en usage dans l’Église sont le rite latin (principalement le rite romain, mais aussi les rites de certaines Églises locales comme le rite ambrosien, ou de certains ordres religieux) et les rites byzantin, alexandrin ou copte, syriaque, arménien, maronite et chaldéen. Obéissant fidèlement à la tradition, le Saint Concile déclare que la sainte Mère l’Église considère comme égaux en droit et en dignité tous les rites légitimement reconnus, et qu’elle veut, à l’avenir, les conserver et les favoriser de toutes manières » (Catéchisme de l’Église catholique, Conférence des Évêques catholiques du Canada, 1992, p. 262).
L’annonce du décret du Pape Benoît XVI concernant une plus grande latitude pour la célébration de la messe en latin mérite que l’on y réfléchisse un peu. Loin donc de se réduire à ce rite, le Pape, par ce Motu Proprio, nous demande d’élargir notre façon de concevoir notre rapport avec le sacré dans l’Église et d’avoir une vue plus large de la messe et de la liturgie. L’Histoire se souviendra du Pape qui a pris cette importante décision.

Quelques considérations

Trop souvent nos propos au sujet de l’ancien rite latin tridentin sont empreints de clichés, de lieux communs, de prêt-à-penser. Les préjugés sont tenaces, ainsi que l’inculture religieuse et le manque de connaissance des éléments fondamentaux de la liturgie. Ici, au Québec, il s’est passé quelque chose de particulier. La Révolution tranquille, telle une modernité brutale devenue folle, a rompu durement la transmission jusque dans ses soubassements religieux. La longue mémoire a été brisée. Nous aurons pour la contrer intelligemment à activer une fondation mémorielle pour les communautés, les jeunes familles et les nouvelles générations. Ce décret de Benoît XVI est une belle invitation à la transmission de notre tradition cultuelle. Dépassant les vieilles querelles de clochers pour cimenter davantage (par le rite) des communautés catholiques vivantes, nous pouvons, après plus de 40 ans, dépasser le dogme de la table rase, par ailleurs vieillissant. Les chrétiens d’Orient et tout spécialement les catholiques de rite orientaux ont beaucoup à nous apprendre concernant un sain conservatisme liturgique. De par leur situation géographique, culturelle, historique et surtout cultuelle, ils n’ont pas vraiment altéré leurs traditions liturgiques. Une identité catholique respectueuse de l’autre mais tout aussi sûre d’elle-même, solidement ancrée dans ses repères fondamentaux, aux antipodes du relativisme, comme dit le Pape, peut se traduire par une identité plus mûre, féconde, moins psychotique, narcissique et adolescentrique

Une question qui est sur toute les lèvres mérite d’être posée: si nous avons du respect et de l’estime pour le rite liturgique maronite, copte, byzantin, ne devrions nous pas avoir une même reconnaissance envers le rite latin selon le mode extraordinaire tridentin?
Cette annonce tant attendue risque bien sûr d’embarrasser et même d’énerver pour un temps les sieurs Raymond Gravel d’ici, et les activistes goliasiens d’outre-atlantique comme l’opiniâtre anti-romain Christian Terras. Faut-il s’en étonner ? Non. Par contre, d’autres seront ravis de cette clarification, du sens de la pérennité des choses dont elle témoigne, de cette reconnaissance venue de si haut envers tout ce qui est noble et magnifique dans la liturgie latine: L’unité doctrinale n’empêche pas actuellement la diversité des rites. Et la diversité des rites n’empêchera pas à l’avenir l’unité doctrinale ! L’unité doctrinale n’empêche pas non plus la diversité des modes du rite romain (ordinaire ou extraordinaire) ! Les évêques devront expliquer le sens de ce culte (extraordinaire). Prions pour qu’ils le fassent avec diligence, intelligence, rigueur et éloquence.
 
La lettre du Pape aux évêques accompagnant le Motu Proprio mérite réflexion. Dans la réforme liturgique proposée et poursuivie par le Pape Benoît XVI (la réforme de la réforme), l’autorité du Concile Vatican II est pleinement affirmée. Les craintes à cet effet ne sont pas fondées. Le Pape Benoît XVI, sur ce point, écrit que « le Missel, publié par Paul VI et réédité ensuite à deux reprises par Jean-Paul II, est et demeure évidemment la Forme normale - la Forma Ordinaria - de la liturgie Eucharistique. La dernière version du Missale Romanum, antérieure au Concile, pourra en revanche être utilisée comme Forma Extraordinaria de la célébration liturgique. Il n’est pas convenable de parler de ces deux versions du Missel Romain comme s’ils s’agissait de deux rites. Il s’agit plutôt d’un double usage de l’unique et même rite. »
 
Le Saint Père exprime aussi dans sa Lettre aux évêques une réalité sociologique que l’on a eu tendance à oublier au Québec : « (…) après le Concile Vatican II, on pouvait supposer que la demande de l’usage du Missel de 1962 aurait été limitée à la génération plus âgée, celle qui avait grandi avec lui, mais entre temps il est apparu clairement que des personnes jeunes découvraient également cette forme liturgique, se sentaient attirées par elle et y trouvaient une forme de rencontre avec le mystère de la Très Sainte Eucharistie qui leur convenait particulièrement. »
 
Je décèle un certain conservatisme hiératique dans cette demande du sacré, un retour christocentrique plus affirmé qui se situe à contre-courant d’un relativisme crépusculaire, la redécouverte d’une tradition religieuse.
Retour du refoulé ?

Ce décret pourrait bien acquérir un fort sens symbolique en terre d’Amérique française. En effet, la ville de Québec fêtera bientôt en 2008 son 400e anniversaire. Il est possible et même fort probable que les autorités religieuses de l’événement donnent de l’espace à la messe latine, celle des premiers habitants de la Nouvelle-France ! Ce serait un signe de santé : une reconnaissance concrète de la piété de nos ancêtres.

 

Le défunt frère mariste Jean-Paul Desbiens, qui n’aimait pas les entreprises de déstabilisation tout azimut, serait sûrement satisfait du décret. Pour conclure, je vais donner la parole à cet homme de de filiation. Dans une causerie prononcée le 16 mars 2003 aux Conférences Notre-Dame de Québec, le frère Desbiens, parlant des défis de l’Église catholique au Québec, a évoqué la question liturgique, qui a donné lieu par le passé à des débordements. Dans l’Église, l’approche nouveau théâtre expérimental est à proscrire selon lui. L’esprit de bricolage aussi. Les experts autocratiques qui veulent et pensent toujours inventer et fabriquer du meilleur en matière liturgique appartiennent au passé. Selon le frère Desbiens, la liturgie

 

« doit être sans surprise et sans racolage. La liturgie ne doit pas chercher à concurrencer la société du spectacle. La liturgie doit être le lieu du recueillement et non de l’étonnement ou de la surprise (…). La forme de la liturgie peut demander un certain renoncement à l’individualité : des structures fixes et éventuellement aussi des formulaires fixes sont désirables et nécessaires. En effet, c’est seulement si le texte et la forme du culte ne sont pas “inventés” chaque fois de nouveau, qu’on a l’évidence d’avoir affaire avec la confession de l’Église et pas seulement avec une forme d’expression plus ou moins fortuite de tel ou tel groupe de chrétiens. (…) Le texte et la forme fixe ont aussi leur importance pour la liturgie en tant que “recueillement” et célébration. Car dans le culte comme ailleurs, on ne peut pas se recueillir si l’on doit toujours s’attendre à du nouveau, et y porter toute son attention. » 
 
Héritage de plusieurs siècles
 
Loin de « l’ère du vide » de Gilles Lipovetsky, du « bricolage post-moderne » et des artifices tapageurs au constant goût du jour donc, le frère mariste nous conviait par ses propos à la retenue et à la précaution en matière liturgique. Une réforme liturgique, oui, mais faite dans la prudence et la continuité. Les ruptures trop brutales sont souvent revues après un certain temps.

Source:

LETTRE DU PAPE BENOÎT XVI AUX ÉVÊQUES QUI ACCOMPAGNE LA LETTRE APOSTOLIQUE "MOTU PROPRIO DATA" SUMMORUM PONTIFICUM SUR L’USAGE DE LA LITURGIE ROMAINE ANTÉRIEURE À LA RÉFORME DE 1970 http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/letters/2007/documents/hf_ben-xvi_let_20070707_lettera-vescovi_fr.html

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