En 2009, le journaliste américain Christopher Cadwell, éditorialiste au Financial Times et au New York Times, avait publié un essai intitulé « Reflections on the revolution in Europe ». Sa traduction vient de paraître cette semaine aux éditions du Toucan à Paris, sous le titre « Une révolution sous nos yeux ». L’auteur, qui est un diplômé de Harvard, a enquêté sur l’immigration islamique en Europe. Ce continent peut-il rester le même si sa population change ? Bien évidemment non.
Si l’on en croit Michel Gurfinkiel ici La Révolution par l'immigration , « l’auteur a mené une enquête particulièrement complète, dans tous les pays européens, évitant tout ce qui pourrait, de près ou de loin, s’apparenter au racisme. Il ne dénonce pas, mais observe, avec minutie. Ses conclusions ont d’autant plus de poids : Selon Cadwell les immigrants ont été plutôt bien traités depuis les années 1950, et leur condition n’a cessé de s’améliorer. Partout où ils ont souhaité s’intégrer au pays d’accueil, ils ont pu le faire. Et enfin, là où ils ne l’ont pas souhaité, l’Europe n’a pris aucune mesure de rétorsion, mais au contraire cherché à s’adapter elle-même à cette nouvelle présence. Une telle capitulation constitue, a priori, un « mystère ». En fait, elle ne fait que refléter le collapsus démographique du continent (« un quart de la population a plus de 60 ans ») et les valeurs pacifistes et ultra-démocratiques qui ont prévalu après la Seconde Guerre mondiale.
Ce qui donne à cette évolution un tour alarmant, c’est que la plupart des immigrants, aujourd’hui, sont originaires de pays musulmans, et que l’islam se pense et se conduit en civilisation universelle et conquérante. Le refus d’intégration n’est donc plus une exception, mais la règle. Et la tolérance européenne facilite l’entrée massive de populations décidées à remodeler l’Europe à leur image. « On peut affirmer avec certitude que l’Europe ne sortira pas indemne de sa confrontation avec l’islam », note Caldwell. « A l’heure actuelle, c’est à l’islam et non à la civilisation européenne ou ses valeurs démocratiques que les immigrants accordent une légitimité politique… Ils acceptent les institutions européennes dans la mesure où celles-ci ne freinent pas l’expansion de l’islam. Ils les rejettent quand elles deviennent un obstacle. » Caldwell consacre plusieurs pages de son livre à l’avenir des Juifs européens. Sur ce sujet comme sur les autres, on ne peut qu’admirer sa lucidité. Il observe que pour beaucoup de musulmans, l’antisémitisme, y compris sous ses formes négationniste et néo-nazie, est « un moyen commode de participer à la culture européenne sans s’intégrer ». Il redoute aussi ce qu’il appelle « la tentation du bouc émissaire » : plutôt que de se mesurer à telle ou telle forme de violence islamique, de nombreux responsables européens affirment que celle-ci cessera, ou baissera en intensité, « quand le conflit israélo-palestinien sera résolu ». Ce qui revient à offrir aux Juifs un choix « horrible » : abandonner leurs frères israéliens ou être considérés comme les vrais responsables d’atrocités éventuelles commises sur le sol européen »
De l’Espagne à la péninsule balkanique ou l’Italie du Sud, la confrontation de Islam à l’Europe fut longtemps un phénomène classique d’invasions guerrières, qui a traversé de nombreux siècles. Avec le déclin mortel de l’empire ottoman et la généralisation du phénomène colonial européen, le monde musulman déconsidéré s’est assoupi. Depuis la fin de l’ère coloniale, le phoenix renaît de ses cendres, aujourd’hui sous la forme d’une immigration massive qui conjugue, comme au temps des invasions barbares, la fascination exercée par un continent réputé prospère et le rejet identitaire de ses « valeurs », laïques ou chrétiennes. Ceci pose à la « multiculturalité » prêchée par les esprits libéraux un défi peut-être insurmontable. Les européens mentalement désarmés paieront sans doute à brève échéance le prix fort de leurs propres contradictions. Pour devenir les « dhimmis » d’un autre monde à vocation universelle ?