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Où en est le chant grégorien en Belgique ?

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bernard.jpgLa Revue « Canticum Novum », organe de l’Académie de Chant grégorien de Belgique a interrogé à ce sujet le directeur du Festival de Watou qui réuni tous les trois ans des milliers de festivaliers autour des auditions et des liturgies animées par plus de 25 chorales venues du monde entier. Un événement musical et religieux unique en son genre qui aura pour thème cette année  : « Unam petii a Domino » , illustrant le désir de Dieu au cœur de l’homme.

Voici l’ interview, réalisée par Jacques Zeegers, Président de l’Académie :

« Le onzième Festival International de chant grégorien de Watou qui aura lieu du 12 au 20 mai 2012 est en pleine préparation. Ainsi se perpétue une tradition qui remonte à  plus de trente ans et qui connaît un succès croissant car l’intérêt pour le chant grégorien ne faiblit pas. Plusieurs milliers de personnes sont ainsi attendues dans ce petit village artistique de Flandre Occidentale.

Nous avons rencontré Bernard Deheegher (photo), Directeur et fondateur du Festival, qui nous a dévoilé ce qui nous attend cette année pendant le week-end de l’Ascension.

Quoi de neuf pour le Festival de Watou 2012 ?

Il y a beaucoup de nouveautés. Pour commencer, la participation de huit villes partenaires, notamment Bruxelles où nous présenterons un concert à la Cathédrale en collaboration avec l’Académie de chant grégorien et le Davidsfonds. Dunkerque s’est aussi ajoutée à la liste des partenaires. Le Festival prend ainsi chaque plus d’ampleur   et s’étend sur un plus grand nombre de jours. Le nombre de chorales participantes augmente également ; nous en avons 26 provenant de 18 pays différents. Une grande partie d’entre elles ne sont jamais venues à Watou. Ce sera l’occasion de nouvelles découvertes. Il y aura aussi plusieurs chorales de jeunes et d’enfants ainsi que de nombreuses chorales féminines. Le degré de professionnalisme parmi les chorales participantes sera également plus élevé car nous aurons huit ensembles professionnels et sept ensembles semi-professionnels.

Le Festival s’étend donc au Nord de la France. Et la Wallonie ? Pourquoi pas la cathédrale de Tournai qui n’est pas si éloignée de Watou ?

Pourquoi pas ? A condition bien sûr de trouver des partenaires motivés sur place !

Quel est le thème du Festival ?

Nous avons choisi le thème : « unam petii a Domino » tiré du psaume 26 qui exprime l’aspiration de l’homme vers l’union à Dieu. « J'ai demandé une chose au Seigneur, la seule que je cherche : habiter la maison du Seigneur tous les jours de ma vie. ». Un grand nombre de pièces des dimanches ordinaires, après la Pentecôte, sont composées sur les paroles de ce psaume. 

Qu’est ce qui ne changera pas ?

Notre objectif reste toujours le même : faire la promotion du chant grégorien liturgique vers le grand public et l’amener à redécouvrir ce trésor. Le Festival a permis à un très grand nombre de personnes, ces trente dernières années, de découvrir ou de redécouvrir le chant grégorien. De plus en plus nombreux sont ceux qui ne connaissaient que très peu le chant grégorien parce qu’ils ne l’entendent plus dans les églises et pour eux, c’est une véritable révélation. Les débats qui ont suivi la réforme liturgique de l’après-concile n’ont plus la même intensité et leur sont étrangers. Beaucoup de préjugés contre le chant grégorien ont donc disparu.

Le Festival réunit des chorales de plusieurs continents. Que peut-on dire de l’état du chant grégorien dans le monde ?

Dans les pays du sud-est asiatique, l’intérêt pour le chant grégorien va de pair avec un intérêt pour le christianisme. Ces cultures sont très sensibles à la beauté du chant grégorien. Le côté mystique de cette musique les attire au-delà des difficultés de la langue. On le constate principalement en Corée, ou l’on compte 30 % de chrétiens, un peu moins dans d’autre pays comme la Chine ou le Japon mais où les chrétiens sont très minoritaires.

En Europe, le tableau est contrasté. Il y a de nombreux centres de formation en Allemagne et en Autriche, de même qu’en France. La Belgique est malheureusement très pauvre à cet égard. Nous n’avons pratiquement aucun centre où les musiciens professionnels peuvent se former de manière approfondie au chant grégorien. Il y a aussi une renaissance du chant grégorien dans les pays de l’Est, notamment en Hongrie. Un festival de chant grégorien y est organisé à Vàc tous les trois ans. Le grégorien y progresse aussi au niveau des paroisses. Le grégorien est également présent dans les pays baltes qui seront représentés à Watou par plusieurs chorales de haut niveau. Il est intéressant de noter à cet égard que le chant grégorien est très présent à la Cathédrale de Riga (Lettonie) qui est pourtant luthérienne et dont schola sera présente au Festival. On constate le même phénomène en Norvège, à Oslo ainsi qu’à Trondheim d’où nous vient la Schola Sanctae Sunnivae qui est une grande habituée de Watou et qui y rencontre chaque fois beaucoup de succès.

Le grégorien attire de nombreux musiciens, même non croyants ....

C’est vrai. L’intérêt pour le chant grégorien augmente, surtout dans les milieux musicaux. Ceux qui s’intéressent au grégorien y entrent avec des exigences, un niveau musical assez élevé. C’est un point fort pour le chant grégorien, mais qui a aussi ses faiblesses. Sauf exceptions, ce n’est pas le clergé qui fera rentrer le grégorien dans la liturgie. Il faut donc le faire par le biais de musiciens. Même si leur première motivation est parfois plus musicale que spirituelle, le chant grégorien peut les conduire vers davantage de spiritualité. On ne peut apprécier un bon vin qu’en le dégustant !

Le salut du grégorien se trouve-t-il en dehors de l’Eglise ?

Peut-être, mais ce n’est pas de notre volonté ! Mais nous faisons tout pour qu’il regagne du terrain. Il ne faut pas être trop pessimiste. En France par exemple, il regagne du terrain dans plusieurs monastères. En Belgique, le grégorien souffre comme l’Eglise elle-même souffre.

Pour le Festival, nous essayons d’offrir un éventail aussi large et attrayant que possible afin de promouvoir le grégorien. Une grande place est aussi donnée à la liturgie en dehors des concerts et des auditions. Ce n’est pas un festival de musique ancienne. Certes, lors de concerts dans les villes partenaires, le programme est élargi à des œuvres qui ne sont pas strictement grégoriennes, mais qui s’inspirent largement de la musique grégorienne, mais au cours des auditions qui auront lieu à Watou même qui reste le cœur du Festival, seul sera présent le chant grégorien proprement dit. Cela permettra aux auditeurs de méditer sur les textes de la Bible sur lesquels le chant grégorien est construit.

 

Outre le prestigieux Festival International de Chant Grégorien de Watou, il faut aussi mentionner pour la Flandre l’enseignement de haut niveau dispensé par le Centrum Gregoriaans de Drongen (près de Gand). Pour la Wallonie et Bruxelles, des cours d’initiation sont dispensés à Liège (Eglise du Saint-Sacrement) et à Jette (au Prieuré des Frères de Saint Jean) par l’Académie de chant grégorien qui organise aussi des enseignements approfondis sous forme de cours (à Louvain-la Neuve) de séminaires et de stages. Aucune de ces initiatives n’a de lien structurel avec le milieu clérical qui, depuis la réforme liturgique de 1970, écarte soigneusement de ses cérémonies tout ce qui pourrait lui rappeler le patrimoine des temps anciens. A chacun sa révolution culturelle, comme disaient les gardes rouges de Mao-Tsé-Toung.

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