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Les mugissements du "grand boeuf muet de Sicile"

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Source : classes.bnf.fr

"Né en 1225 à Aquino, près de Naples, en Italie, Thomas d’Aquin appartient à l’une des plus importantes familles d’Italie. Il étudie d'abord la grammaire, les sciences naturelles, la science arabe et la philosophie grecque chez les dominicains de Naples.

À dix-neuf ans, il est reçu parmi les novices de l’ordre dominicain, déclenchant une vive opposition de sa famille, qui le fait enlever sur la route qui le conduit à Paris. Il prononce toutefois ses voeux en 1243 et étudie à Paris, puis à Cologne, où il a pour maître Albert le Grand et pour condisciples Ambroise de Sienne et Thomas de Cantimpré.

Il est taciturne et ses compagnons le surnomment « le grand boeuf muet de Sicile ». Mais dans une argumentation qu’il soutient publiquement, il répond avec une dialectique si pointue et si lumineuse qu’Albert le Grand se tourne tout ému vers ses élèves et leur prédit que « les mugissements de ce boeuf retentiront dans tout l’univers ». Comme son maître, il est ouvert à la renaissance des oeuvres de l’Antiquité, celles d’Aristote notamment.

En 1248, il commence à enseigner à Cologne puis revient à Paris, où il est reçu bachelier et occupe une chaire de théologie. En 1257, il obtient le grade de docteur et dirige une des deux écoles du collège de Saint-Jacques. Dès lors, sa renommée s’étend dans toute l’Europe et les papes qui se succèdent l’appellent à leurs côtés.

Il consacre les neuf dernières années de sa vie à la rédaction de sa grande oeuvre, la Somme de théologie. Il meurt le 2 mars 1274 à quarante-neuf ans, en se rendant au concile de Lyon, où il avait été convoqué comme expert.

La pensée théologique de Thomas d'Aquin repose sur deux axes fondamentaux :

  • une confiance active en la raison,
  • une référence permanente à la nature.

Sa vision optimiste réconcilie foi et raison en mettant les ressources de la raison au service de l’intelligence de la foi, au point de constituer la théologie en science véritable - science des choses divines construite à l’aide de raisonnements et de démonstrations conformes aux principes aristotéliciens.

On pourrait dire que si saint Augustin a eu la volonté de « christianiser » Platon en l'introduisant dans ses théories religieuses, saint Thomas d'Aquin « christianisa » à son tour Aristote, huit siècles plus tard, avec cette même volonté d'harmoniser le savoir, la sagesse antique et la foi chrétienne."

"Il devient de plus en plus malaisé de déguiser le fait que Thomas d'Aquin fut l'un des grands libérateurs de l'esprit humain, en réconciliant raison et religion. Il lui ouvrit les voies de l'expérimentation scientifique, il rendit aux impressions sensibles leur dignité de fenêtres de l'âme, et à l'intellect son droit divin de se nourrir de faits vérifiés. Il permit à la Foi d'assimiler la substantifique moelle de la plus dense et de la plus trapue des philosophies antiques.»

Chesterton, Saint-Thomas d'Aquin, Paris, Plon 1939, p.30

Commentaires

  • On dit que Jésus nouveau-né fut entouré et réchauffé par un bœuf et un âne gris. Cela ne devait donc pas déranger saint Thomas d'Aquin d'être comparé à un bœuf, vu qu'il ne méritait certainement pas le bonnet d'âne.

    Dans la conception monothéiste du monde, Dieu est défini comme la cause première créatrice de ce monde, et est donc transcendant à ce monde. Et par conséquent éternel (hors du temps) et infini (hors de l'espace), puisque le temps et l'espace ont été créés avec ce monde.

    Mais Dieu, du fait de cette transcendance, ne nous est pas connaissable par expérience directe. Cela veut dire par exemple qu'il nous est impossible de refaire l'expérience de la création du monde, puisque cela suppose que (même si nous en avions la capacité ...) nous serions aussi hors ou au-delà de ce monde.

    Par conséquent la théologie (la science ou la connaissance de Dieu) ne peut se réaliser que par deux méthodes. Une première méthode directe, qui est une révélation par Dieu, voulue par Dieu, en se manifestant d'une manière ou de l'autre à nous, dans notre monde, dans notre espace temps. Une condition de ces révélations semble être la foi et l'humilité des personnes qui en bénéficient. Et ce sont rarement des théologiens, au sens académique du terme.

    Une seconde façon indirecte, qui est l'observation patiente du monde qu'il a créé, puisqu'on peut discerner la personnalité d'un créateur (même inconnu) à partir de son œuvre connue. Et parmi toute la Création de Dieu, son œuvre ou sa créature la plus aboutie est l'être humain. C'est donc en particulier l'observation de l'être humain qui peut nous en apprendre le plus sur Dieu.

    Il me semble que saint Thomas d'Aquin a sans cesse exploité ces deux méthodes, en les confrontant en permanence pour en déduire la meilleure science ou connaissance de Dieu possible. En plus de la raison, il avait heureusement aussi assez d'humilité que pour être ouvert aux révélations de Dieu. S'il se taisait beaucoup, c'est sans doute qu'il réfléchissait beaucoup, mais sans doute aussi qu'il était beaucoup à l'écoute de Dieu.

    Que Dieu nous donne beaucoup de théologiens qui savent se taire et L'écouter comme saint Thomas d'Aquin a su le faire.

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