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Encore la démission du pape

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« Une certaine émotion a été provoquée par deux articles publiés récemment en Italie qui envisagent l’hypothèse d’une démission de Benoît XVI, démission dont le but serait, entre autres, d’influer sur le choix de son successeur.

Les auteurs de ces articles sont Giuliano Ferrara, qui a publié le sien le 10 mars dans le quotidien "Il Foglio", dont il est le directeur :et Antonio Socci, dont l’article est paru dans le quotidien "Libero", le 11 mars :Ferrara n’est pas croyant, Socci est catholique militant. L’un et l’autre sont connus pour leur sincère admiration envers le pape Joseph Ratzinger. Mais, au-delà des bonnes intentions des deux journalistes, l’hypothèse qu’ils ont esquissée ne paraît pas fondée. Tout d’abord parce que ceux qui ont eu l’occasion de rencontrer Benoît XVI, y compris après la publication des deux articles, n’ont pas du tout eu l’impression d’avoir en face d’eux un pape envisageant de démissionner. Bien au contraire. Que ce soit par sa capacité à saisir les liens qui lui est nécessaire pour tout acte de gouvernement, ou par la vision non limitée dans le temps en fonction de laquelle il assure, toujours "s’il plaît à Dieu", la direction de l’Église universelle. Ensuite parce que rien n’est plus étranger à l’histoire et à la personnalité de Ratzinger que l’idée qu’il pourrait recourir à des manœuvres, même avec de nobles intentions, en ce qui concerne sa propre succession. Cette hypothèse-là est, au point de vue canonique, “subversive”. Pour un souverain pontife, la seule manière légitime d’influer sur le choix du futur pape est de créer des cardinaux. Et si l’on parcourt la liste de ceux qui ont été choisis par Benoît XVI entre 2006 et aujourd’hui, on ne peut pas y discerner une volonté claire d’hypothéquer le futur conclave, celui-ci devant, dans la "mens" de Ratzinger comme dans celle de tout bon croyant, être confié avant tout au Saint-Esprit.

Cela dit, il n’en reste pas moins que, dans son livre-entretien "Lumière du monde", paru en novembre 2010, Benoît XVI affirme (reprenant une idée qu’il avait déjà formulée avant d’être élu comme successeur de Pierre) : ''Si un pape se rend compte clairement qu’il n’est plus capable, physiquement, psychologiquement et spirituellement, d’accomplir les tâches inhérentes à sa fonction, alors il a le droit et, dans certaines circonstances l’obligation, de démissionner".

Le code de droit canonique lui-même prévoit ce cas, au canon 332, alinéa 2 : "S'il arrive que le Pontife Romain renonce à sa charge, il est requis pour la validité que la renonciation soit faite librement et qu'elle soit dûment manifestée, mais non pas qu'elle soit acceptée par qui que ce soit".

Un cas plus compliqué est celui où le pape serait atteint d’une maladie invalidante qui l’empêcherait de communiquer de quelque manière que ce soit ou qui le rendrait incapable de comprendre et de vouloir. Il n’y a pas de normes publiques (mais il pourrait y avoir des protocoles confidentiels) qui règlent ce cas et qui indiquent donc, entre autres, quelle est l’autorité qui aurait le pouvoir de déclarer le pape empêché. Il semble que l’on ait jugé possible de faire face à ce “vide législatif” au moyen d’une sorte de lettre de démission “en blanc” signée de manière anticipée par le pape et qui serait rendue officielle dans le cas d’une grave maladie invalidante.(…)  Mais même la démission d’un pape prévue par le droit canonique n’est simple qu’en théorie. Pas en pratique. Jean-Paul II affirma un jour que, dans l’Église, "il n’y a pas de place pour un pape émérite".(…) En effet, on peut imaginer ce qui se passerait si le “pape” émérite continuait à rédiger des articles et à accorder des interviews comme un cardinal Carlo Maria Martini, ou à écrire des livres et publier des mémoires comme un cardinal Giacomo Biffi.

Voilà pourquoi même un pape comme Paul VI, qui avait envisagé sérieusement l’hypothèse de sa démission, a fini par y renoncer. (…) ». Voir ici :  Démission du pape. La théorie et la pratique

La question est de savoir si l’hypothèse d’une déposition en cas de maladie invalidante (ou d’une autre circonstance grave) empêchant toute décision du pape de renoncer lui-même librement à sa propre charge est ou non envisageable en droit canonique. Il est probable qu’il soit plus prudent de ne pas légiférer sur un point aussi dangereux pour la sauvegarde de l’institution pontificale.

Commentaires

  • Bonjour,
    Pourquoi ne pas accepter ce que un Pape chef de l'Eglise Catholique, évêque de Rome, chrétien surtout puisse lui aussi suivre de l'Esprit Saint qui souffle là où il vaut.
    Même un Pape émérite pourra - sans doutes - servir l'Eglise du Christ avec tous le moyens qu’ils lui seront disponibles et avec les connaissances culturelles, théologiques, philosophiques et humaines qui lui sont propre. Le Cardinal Carlo Maria Martini en est un excellent exemple en tous ces domaines.
    Je ne vois vraiment pas où se situe le problème.
    Je pense que le théologien Joseph Ratzinger, qui a été notamment à l'école de Platon, S. Augustin, S. Bonaventure, et entre autre de Romano Guardini dirait avec ce dernier que c'est important de rechercher l'essence concrète des choses, une recherche fondamentale (Gestalt), aller au cœur de la question, avoir en regard d'ensemble, chercher la totalité des choses, penser à l'Esprit et pas à la lettre en toute fidélité avec la Tradition et aux Saintes Ecritures au moyen de LA POLARITÉ ("La polarité essai d'une philosophie du vivant concret" - R. Guardini - éd CERF).
    Romano Guardini écrit: "Voilà ma propre vocation: non pas de scruter minutieusement tel ou tel domaine précis de la théologie, mais d'expliquer et interpréter les réalités chrétiennes dans son ensemble". (Regard de sa théologie: le Christ au centre - R.A. Krieg ; Romano Guardini - a precursor of the Council Vat. II). Je pense qu’en ce questionnement spécifique, nous aurions une meilleure approche à la réalité en utilisant ce regard-là.
    Pourquoi ne demandé vous pas à notre Pape ce qu'il en pense sur ce "regard" et à propos de votre question particulière ? Vous serez mieux fixé sur du concret !
    Merci!

  • Pour la démission,nous avons déjà la réponse du Bienheureux Jean-Paul II: "il n'y a pas de place pour un pape émérite", complétée par la nuance qu'apporte Benoît XVI dans "Lumière du monde". Cela me parait le plus sage. La question de la déposition est d'une autre nature, et pose sans doute aussi un grave problème théologique. Sans remonter à Benoît XVI, des canonistes, des théologiens, voire des historiens ont sans doute déjà examiné ce genre d'hypothèse. Reste à chercher les références...

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