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Mgr Fellay : c'est l'attitude de l'Eglise officielle qui a changé

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mail.google.com.jpgOn lira avec intérêt cet entretien avec Mgr Bernard Fellay, supérieur de la Fraternité Sacerdotale Saint Pie X, qui fait, de son point de vue, l'analyse des relations de la Fraternité avec Rome (voir aussi le commentaire d'A. Tornielli (en italien) sur le Vatican Insider).

Source : http://www.dici.org/

Une solution canonique avant une solution doctrinale ?

DICI : La plupart de ceux qui sont opposés à l’acceptation par la Fraternité d’une éventuelle reconnaissance canonique mettent en avant que les entretiens doctrinaux n’auraient pu conduire à cette acceptation que s’ils avaient débouché sur une solution doctrinale, c’est-à-dire sur une « conversion » de Rome. Est-ce que votre position a changé sur ce point ?

Mgr Fellay : Il faut reconnaître que ces entretiens ont permis d’exposer clairement les divers problèmes que nous rencontrons au sujet de Vatican II. Ce qui a changé, c’est que Rome ne fait plus d’une acceptation totale de Vatican II une condition pour la solution canonique. Aujourd’hui, à Rome, certains considèrent qu’une compréhension différente du Concile n’est pas déterminante pour l’avenir de l’Eglise, car l’Eglise est plus que le Concile. De fait, l’Eglise ne se réduit pas au Concile, elle est beaucoup plus grande. Il faut donc s’appliquer à régler des problèmes plus vastes. Cette prise de conscience peut nous aider à comprendre ce qui se passe réellement : nous sommes appelés à aider à porter aux autres le trésor de la Tradition que nous avons pu conserver.

En sorte que c’est l’attitude de l’Eglise officielle qui a changé, ce n’est pas nous. Ce n’est pas nous qui avons demandé un accord, c’est le pape qui veut nous reconnaître. On peut se poser la question du pourquoi de ce changement. Nous ne sommes toujours pas d’accord doctrinalement, et pourtant le pape veut nous reconnaître ! Pourquoi ? La réponse elle est là : il y a des problèmes terriblement importants dans l’Eglise aujourd’hui. Il faut traiter ces problèmes. Il faut laisser de côté les problèmes secondaires et s’occuper des problèmes majeurs. Voilà la réponse de l’un ou l’autre prélat romain qui ne le diront jamais ouvertement; il faut lire entre les lignes pour comprendre.

Les autorités officielles ne veulent pas reconnaître les erreurs du Concile. Elles ne le diront jamais explicitement. Cependant si on lit entre les lignes, on peut voir qu’elles souhaitent remédier à certaines de ces erreurs. En voici un exemple intéressant au sujet du sacerdoce. Vous savez qu’à partir du Concile, il y a eu une nouvelle conception du sacerdoce et qu’elle a démoli la figure du prêtre. Aujourd’hui on voit très clairement que les autorités romaines essaient de réhabiliter la vraie conception du prêtre. On le constatait déjà lors de l’Année sacerdotale qui a eu lieu en 2010-2011. Maintenant, la fête du Sacré-Cœur devient le jour consacré à la sanctification des prêtres. A cette occasion, une lettre a été publiée et un examen de conscience pour les prêtres a été rédigé. On croirait qu’on est allé chercher cet examen de conscience à Ecône, tellement il se situe dans la ligne de la spiritualité anté-conciliaire. Cet examen offre l’image traditionnelle du prêtre, et même de son rôle dans l’Eglise. C’est ce rôle que Mgr Lefebvre affirme quand il décrit la mission de la Fraternité : restaurer l’Eglise par la restauration du prêtre…

Bien sûr, cela ne supprime pas tous les problèmes, et il y a encore de graves difficultés dans l’Eglise : l’œcuménisme, Assise, la liberté religieuse…, mais le contexte est en train de changer, pas seulement le contexte, la situation elle-même… Je distinguerai entre les relations extérieures et la situation intérieure. Les relations avec l’extérieur n’ont pas encore changé, mais pour ce qui se passe dans l’Eglise les autorités romaines essayent de le changer petit à petit. Evidemment, aujourd’hui encore demeure un grand désastre, il faut en être conscient, et nous ne disons pas le contraire, mais il faut aussi voir ce qui est en train de se faire. Cet examen de conscience pour les prêtres en est un exemple significatif.

Quelle attitude face aux problèmes doctrinaux ?

DICI : Vous reconnaissez que de sérieuses difficultés demeurent avec l’œcuménisme, la liberté religieuse… Si une reconnaissance canonique intervenait quelle serait votre attitude face à ces difficultés ? Ne vous sentiriez-vous pas tenu à une certaine réserve ?

Mgr Fellay : Permettez-moi de répondre à votre question par trois interrogations : Les nouveautés qui ont été introduites lors du Concile ont-elles été à l’origine d’un développement accru de l’Eglise, des vocations et de la pratique religieuse ? Ne constate-t-on pas au contraire une forme d’ « apostasie silencieuse » dans tous les pays de chrétienté ? Pouvons-nous nous taire devant ces problèmes ? …

DICI : 2012 n’est pas 1988, l’année de votre sacre épiscopal. En 2009 les « excommunications » ont été retirées, en 2007 il a été officiellement reconnu que la messe tridentine n’avait « jamais été abrogée », mais maintenant certains dans la Fraternité déplorent que l’Eglise ne se soit pas encore convertie. Leur refus a priori d’une reconnaissance canonique est-il dû à 40 ans d’une situation d’exception entraînant une certaine incompréhension de la soumission à l’autorité ?

Mgr Fellay : Ce qui se passe ces temps-ci montre clairement quelques-unes de nos faiblesses face aux dangers qui sont créés par la situation dans laquelle nous sommes. L’un des dangers majeurs est de finir par inventer une idée de l’Eglise qui paraît idéale, mais qui ne se trouve pas en fait dans l’histoire réelle de l’Eglise. Certains prétendent que pour travailler « en sécurité » dans l’Eglise, il faut préalablement qu’elle soit nettoyée de toute erreur. C’est ce qu’on dit quand on affirme qu’il faut que Rome se convertisse avant tout accord, ou que les erreurs doivent d’abord avoir été supprimées pour qu’on puisse travailler. Mais ce n’est pas la réalité. Il suffit de regarder le passé de l’Eglise, souvent et même presque toujours, on voit qu’il y a des erreurs répandues dans l’Eglise. Or les saints réformateurs ne l’ont pas quittée pour combattre ces erreurs. Notre Seigneur nous a appris qu’il y aurait toujours de la mauvaise herbe jusqu’à la fin des temps. Pas seulement de la bonne herbe, pas seulement du blé…

DICI : Y aura-t-il une différence dans vos relations avec les communautés Ecclesia Dei ?

Mgr Fellay : La première différence sera qu’elles seront obligées d’arrêter de nous traiter de schismatiques. Pour le développement futur, il est clair que certaines se rapprocheront de nous, puisque déjà elles nous approuvent discrètement ; d’autres non. C’est le temps qui nous dira comment la Tradition se développera dans cette nouvelle situation. Nous avons de grandes attentes pour l’apostolat traditionnel, tout comme certaines personnalités importantes à Rome et comme le Saint-Père lui-même. Nous avons grand espoir que la Tradition se développe avec notre arrivée.

DICI : Toujours s’il y a reconnaissance canonique, donnerez-vous la possibilité à des cardinaux de la curie, ou à des évêques de visiter nos chapelles, de célébrer la messe, d’administrer les confirmations, peut-être même de conférer les ordinations dans vos séminaires ?

Mgr Fellay : Les évêques favorables à la Tradition, les cardinaux conservateurs vont se rapprocher. Il y a tout un développement à prévoir, sans en connaître les détails particuliers. Et il y aura aussi certainement des difficultés, ce qui est tout à fait normal. Il ne fait pas de doute qu’on viendra nous visiter, mais pour une collaboration plus précise, comme la célébration de la messe ou des ordinations, cela dépendra des circonstances. De même que nous souhaitons que la Tradition se développe, nous espérons voir la Tradition se développer chez les évêques et les cardinaux. Un jour tout sera harmonieusement traditionnel, mais combien de temps cela prendra, Dieu seul le sait.

DICI : Dans l’attente de la décision romaine, quelles sont vos dispositions intérieures ? Quelles sont celles que vous souhaiteriez pour les prêtres et les fidèles attachés à la Tradition ?

Mgr Fellay : Lorsqu’en 1988, Mgr Lefebvre annonça qu’il allait sacrer quatre évêques, certains l’encouragèrent à le faire et d’autres tentèrent de l’en dissuader. Mais notre fondateur conservait la paix, car il n’avait en vue que la volonté de Dieu et le bien de l’Eglise. Aujourd’hui, ce sont les mêmes dispositions intérieures qu’il nous faut avoir. Comme son saint Patron, la Fraternité Saint-Pie X a la volonté de « tout restaurer dans le Christ » ; certains disent que ce n’est pas le moment, d’autres au contraire que c’est le moment opportun. Pour ma part je ne sais qu’une chose : c’est toujours le moment de faire la volonté de Dieu et il nous la fait connaître en temps opportun, à condition que nous nous montrions réceptifs à ses inspirations. Pour cela, j’ai demandé aux prêtres de renouveler la consécration de la Fraternité Saint-Pie X au Sacré-Cœur de Jésus, en sa fête, le 15 juin prochain, et de s’y préparer par une neuvaine au cours de laquelle seront récitées les litanies du Sacré-Cœur dans toutes nos maisons. Tous peuvent s’y associer en demandant la grâce de devenir des instruments dociles de la restauration de toutes choses en Jésus-Christ.

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