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Vatican II : le regard nuancé de Benoît XVI

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Sandro Magister revient sur les différents messages émis ces derniers jours par le pape au sujet de Vatican II :

Les cinq journées "conciliaires" du pape

Au cours des cinq jours qui ont été marqués à la fois par le début du synode des évêques consacré à la nouvelle évangélisation et par l’ouverture de l'année de la foi, Benoît XVI est intervenu six fois à propos de la question la plus controversée et la plus brûlante de toutes : le concile Vatican II.

Avec des accents différents à chaque fois. Et parfois surprenants.

1. L'HOMÉLIE DU DIMANCHE 7 OCTOBRE

Lors de la messe d’ouverture du synode, au cours de laquelle il a mis saint Jean d'Avila et sainte Hildegarde de Bingen au nombre des docteurs de l’Église, le pape a remarqué qu’"une des idées fondamentales de la nouvelle impulsion que le concile Vatican II a donnée à l’évangélisation est celle de l’appel universel à la sainteté".

"Les véritables protagonistes de l’évangélisation", ce sont les saints. Et Benoît XVI de poursuivre :

"La sainteté ne connaît pas de barrières culturelles, sociales, politiques, religieuses. Son langage – celui de l’amour et de la vérité – est compréhensible par tous les hommes de bonne volonté et les rapproche de Jésus-Christ, source intarissable de vie nouvelle".

2. LA "LECTIO DIVINA" DU LUNDI 8 OCTOBRE

 

Dans la méditation qu’il a prononcée devant les pères du synode après la récitation de l’office de tierce, le premier matin des travaux, Benoît XVI a insisté sur le primauté de Dieu pour ce qui est de "faire" l’Église :

"Nous ne pouvons pas faire l’Église, nous pouvons seulement faire connaître ce que Lui a fait. L’Église ne commence pas avec notre 'faire' mais avec le 'faire' et le 'parler' de Dieu. Ainsi les Apôtres n’ont pas dit après certaines assemblées : à présent nous voulons créer une Église et avec la forme d’une constituante ils auraient élaboré une constitution. Non, ils ont prié et dans la prière ils ont attendu, car ils savaient que seul Dieu lui-même peut créer son Église. [...] Comme à cette époque, c’est seulement grâce à l’initiative de Dieu que pouvait naître l’Église, [...] ainsi aujourd’hui aussi c’est seulement Dieu qui peut commencer, nous ne pouvons que coopérer et le début doit venir de Dieu".

On voit transparaître ici, dans l’allusion polémique du pape à une "constituante", sa critique de l'identification faite par certains entre le concile Vatican II et une assemblée destinée à donner à l’Église une "constitution", par analogie avec les États.

L’universitaire qui a le plus soutenu cette thèse, même si c’est avec toutes les précautions que demande la question, est Peter Hünermann, de la faculté de théologie de Tubingen, responsable d’un imposant commentaire théologique du concile Vatican II en cinq volumes, publié aux éditions Herder.

3. L'AUDIENCE GÉNÉRALE DU MERCREDI 10 OCTOBRE

Lors de l’audience accordée aux fidèles le 10 octobre, le pape Joseph Ratzinger a rappelé que la convocation de Vatican II n’avait pas été provoquée, comme cela avait été au contraire le cas pour d’autres conciles, par des erreurs en matière de foi qu’il fallait corriger ou condamner, mais par l’intention de "présenter à notre monde, qui a tendance à s’éloigner de Dieu, l’exigence de l’Évangile dans toute sa grandeur et toute sa pureté".

En d’autres termes :

"Ce qui est important aujourd’hui, tout comme cela l’a été dans la volonté des pères conciliaires, c’est que l’on voie – à nouveau, de manière claire – que Dieu est présent, qu’il nous regarde, qu’il nous répond. Et que, au contraire, lorsque la foi en Dieu fait défaut, ce qui est essentiel s’écroule, parce que l’homme perd sa dignité profonde et ce qui fait la grandeur de son humanité".

En guise de boussole pour cette navigation, le pape indique les documents du concile, "auxquels il faut revenir, en les dégageant d’une masse de publications qui, bien souvent, les ont cachés au lieu de les faire connaître ".

4. LA PRÉFACE A SES ÉCRITS RELATIFS AU CONCILE

"Ce fut une journée splendide" : c’est en ces termes que Benoît XVI évoque le 11 octobre 1962 dans la préface aux deux volumes de ses "opera omnia" qui contiennent ses écrits relatifs au concile Vatican II et dont la parution en Allemagne est imminente.

Cette préface a été présentée de manière anticipée par "L'Osservatore Romano" dans l’après-midi du 10 octobre. Le pape y entre plus que jamais dans le vif de la controverse.

Ayant préalablement affirmé que “Jean XXIII avait convoqué le Concile sans lui indiquer de problèmes concrets ou de programmes” et que ce fut là sa “grandeur et en même temps la difficulté”, le pape écrit qu’il y avait cependant "une attente générale".

Et il résume celle-ci de la manière suivante, tout en en reconnaissant à nouveau les limites :

"L’Église, qui à l’époque baroque avait encore, d’une certaine manière, modelé le monde, à partir du XIXe siècle était entrée d’une façon toujours plus évidente dans une relation négative avec l'époque moderne, qui ne commença vraiment qu’à ce moment-là. Les choses devaient-elles demeurer ainsi ? L’Église ne pouvait-elle accomplir un pas positif dans les temps nouveaux ? Derrière la vague expression 'monde d’aujourd’hui' se trouve la question du rapport avec l'époque moderne. Pour l’éclaircir il aurait été nécessaire de mieux définir ce qui était essentiel et constitutif de l'époque moderne. On n’y est pas parvenu dans le 'Schéma XIII'. Même si la Constitution pastorale exprime beaucoup de choses importantes pour la compréhension du 'monde' et apporte d’importantes contributions sur la question de l’éthique chrétienne, sur ce point elle n’a pas réussi à offrir un éclaircissement substantiel”.

Toutefois, immédiatement après cette note critique envers "Gaudium et spes", le pape poursuit en disant :

“De manière inattendue, on ne trouve pas la rencontre avec les grands thèmes de l'époque moderne dans la grande Constitution pastorale, mais bien dans deux documents mineurs, dont l'importance est apparue seulement peu à peu, avec la réception du Concile”.

Ces deux documents sont la déclaration “Dignitatis humanæ” concernant la liberté religieuse et la déclaration “Nostra ætate” concernant les relations avec les religions non chrétiennes.

À propos de "Dignitatis humanæ", Benoît XVI rappelle ce qu’il a affirmé plusieurs fois, y compris contre les objections des lefebvristes et des traditionalistes. À savoir que le concile a effectivement contredit le magistère des papes des derniers siècles, qui s’était révélé "insuffisant", mais pour revenir à la tradition originelle, au principe de la liberté religieuse porté par les premiers chrétiens dans le monde païen de l'époque.

Selon Benoît XVI, il a été "certainement providentiel" que, après le concile, il y ait eu un pape comme Jean-Paul II, venu de la Pologne communiste, c’est-à-dire "d'une situation qui ressemblait par certains côtés à celle de l'Église antique, si bien que le rapport intime entre la foi et le thème de la liberté devint à nouveau visible".

En ce qui concerne "Nostra ætate", Benoît XVI écrit que ce texte a “abordé un thème dont l’importance  n’était pas encore prévisible à l’époque”. Mais il en montre également les limites :

“La tâche que celui-ci implique, les efforts qu'il faut encore accomplir pour distinguer, éclaircir et comprendre, apparaissent toujours plus évidents. Au cours du processus de réception active, une faille est peu à peu apparue également dans ce texte, qui est en soi extraordinaire : celui-ci parle de la religion uniquement de manière positive et ignore les formes malades  et déviées de religion qui, du point de vue historique et théologique, ont une vaste portée ; c'est pourquoi, dès le début, la foi chrétienne a été très critique, que ce soit vers l'intérieur ou vers l'extérieur, à l'égard de la religion”.

5. L'HOMÉLIE DU JEUDI 11 OCTOBRE

Lors de la messe d’ouverture de l’année de la foi, le pape a réaffirmé que la volonté des pères conciliaires était de "présenter la foi de façon efficace. Et s’ils se sont ouverts dans la confiance au dialogue avec le monde moderne c’est justement parce qu’ils étaient sûrs de leur foi, de la solidité du roc sur lequel ils s’appuyaient".

Mais ensuite il est arrivé que, "en revanche, dans les années qui ont suivi, beaucoup ont accueilli sans discernement la mentalité dominante, mettant en discussion les fondements même du 'depositum fidei' qu’ils ne ressentaient malheureusement plus comme leurs dans toute leur vérité".

Si donc l’Église propose aujourd’hui une année de la foi – a-t-il poursuivi – "ce n’est pas pour célébrer un anniversaire, mais parce que le besoin s’en fait sentir, encore plus qu’il y a cinquante ans".

Au cours de ces décennies une "désertification" spirituelle s’est développée. "Et dans le désert il faut surtout des personnes de foi qui, par l’exemple de leur vie, montrent le chemin vers la Terre Promise et tiennent ainsi l’espérance en éveil".

En ce qui concerne, dans l'interprétation du concile, les oppositions entre l’esprit et la lettre, entre la continuité et la rupture, le pape s’est exprimé ainsi :

"J’ai insisté à plusieurs reprises sur la nécessité de revenir, pour ainsi dire, à la 'lettre' du Concile – c’est-à-dire à ses textes – pour en découvrir aussi l’esprit authentique et j’ai répété que le véritable héritage du Concile réside en eux. La référence aux documents protège des excès ou d’une nostalgie anachronique et ou de courses en avant et permet d’en saisir la nouveauté dans la continuité".

6. LA BÉNÉDICTION DU SOIR DU 11 OCTOBRE

Enfin, le soir du 11 octobre, Benoît XVI s’est mis à la fenêtre de son bureau, face à une place Saint-Pierre pleine de monde, où brillaient des milliers de petites lumières, comme au soir du11 octobre 1962, jour où le concile a commencé.

Et il a parlé en improvisant. Voici ce qu’il a dit :

"Il y a cinquante ans, ce même jour, j’étais moi aussi sur cette place, le regard tourné vers cette fenêtre où s’est montré le bon pape, le bienheureux pape Jean, et il nous a adressé des paroles inoubliables, pleines de poésie, de bonté, des paroles qui venaient du cœur. Nous étions heureux, je dirais pleins d’enthousiasme.

"Le grand concile œcuménique était inauguré. Nous étions sûrs qu’un nouveau printemps de l’Église allait venir, une nouvelle Pentecôte, une nouvelle présence forte de la grâce libératrice de l’Évangile.

"Aujourd’hui aussi, nous sommes heureux, nous avons la joie au cœur, mais je dirais une joie peut-être plus sobre, une joie humble. Au cours de ces cinquante ans, nous avons appris et expérimenté que le péché originel existe et se traduit toujours de nouveau en péchés personnels qui peuvent aussi devenir des structures du péché. Nous avons vu que, dans le champ du Seigneur, il y a aussi toujours de l’ivraie. Nous avons vu que, dans le filet de Pierre, il y a aussi toujours de mauvais poissons. Nous avons vu que la fragilité humaine est aussi présente dans l’Église, que la nef de l’Église navigue par vent contraire et que des tempêtes la menacent. Et parfois nous avons pensé : où est le Seigneur ? Il nous a oubliés ! Cela, c’est une partie des expériences qui ont été faites au cours de ces cinquante ans.

"Mais nous avons aussi eu la nouvelle expérience de la présence du Seigneur, de sa bonté, de sa force. Le feu du Saint-Esprit, le feu du Christ, n’est pas un feu dévorant, destructeur. C’est un feu silencieux, une petite flamme de bonté, de bonté et de vérité qui transforme, qui donne de la lumière et de la chaleur.

"Nous avons vu : le Seigneur ne nous oublie pas. Aujourd’hui aussi, à sa manière humble, le Seigneur est présent et il donne de la chaleur aux cœurs, il montre la vie, il crée des charismes de bonté et de charité qui illuminent le monde et qui sont pour nous une garantie de la bonté de Dieu.

"Oui, le Christ vit, il est avec nous aujourd’hui aussi et nous pouvons être heureux aujourd’hui aussi parce que sa bonté ne s’éteint pas, elle est forte aujourd’hui aussi. Pour finir, j’ose faire miennes les paroles inoubliables du pape Jean. Rentrez chez vous, embrassez vos enfants et dites-leur que c’est de la part du pape. Et avec cela je vous donne ma bénédiction de tout mon cœur".

 

 

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