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France: réussir un vrai débat sur le mariage homosexuel ?

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Dans l’hebdomadaire “Famille Chrétienne”, nous avons trouvé cette réflexion du philosophe Paul Thibaud. Celui-ci est un ancien directeur (1977-1989) de la célèbre revue  Esprit . Fondée en 1932 par Emmanuel Mounier,  l’un des chantres du nébuleux « personnalisme chrétien », cette revue est aujourd’hui devenue un carrefour intellectuel tirant tout de même à 10.000 exemplaires. 

“Les partisans du « mariage pour tous » mettent en avant l'idée de l'égalité entre les citoyens, d'où ils déduisent le droit à une même reconnaissance pour les sentiments des personnes homosexuelles. Dans cette logique, si la capacité des homosexuel(le)s à aimer un conjoint et un enfant est admise, alors leur droit à adopter et à éduquer ce dernier devient évident.

Cet argument s'appuie sur des faits : notre société, bien souvent, ne considère plus le mariage que comme la décision, assez précaire, du reste, prise par deux personnes de faire route ensemble. Et c'est aussi un fait que certains couples homosexuels élèvent avec amour les enfants de l'un ou l'autre. Alors, les « pro » disent en substance : « officialisons ce qui est déjà une réalité, le couple homoparental, voire la famille ».

Les « anti » mettent en avant ce que les « pro » oublient : nous vivons en société. Or la société n'est pas qu'un tas d'individus, elle est tissée de relations, notamment la filiation, élément essentiel de l'humanité. Filiation qu'ils voient comme devant être organisée autour de la dualité sexuelle. Ainsi, ils tendent à donner de l'humanité une définition naturaliste : un homme, une femme, un enfant. Ils revendiquent le droit pour l'enfant d'avoir des parents de sexe différent au nom de la nature. Ce qui revient à dire, au fond, qu'il y a des limites, un schéma dont l'homme ne doit pas sortir.

L'ordre naturel, un argument contestable

Je considère que l'argument de l'ordre naturel est contestable parce que l'homme ne peut être simplement caractérisé comme un être naturel. Le philosophe Jean-Jacques Rousseau définissait l'humanité comme perfectionnement de soi. En effet, historiquement, ce qui distingue l'homme c'est de prendre de plus en plus ses distances avec la nature. Nous voyons bien que, depuis toujours, mais surtout depuis trois siècles, l'homme déborde le donné naturel grâce à des outils de toutes sortes. Grâce à des prothèses... et maintenant grâce à des thérapies géniques. De cette émancipation, la contraception est un exemple et même un symbole.

On ne peut pas récuser ces « perfectionnements » de l'humanité a priori, mais on doit se demander si certaines ambitions ne sont pas mal orientées. Je pense que les responsables religieux ne doivent pas se contenter de parler de limites mais de bonne ou de mauvaise orientation de nos ambitions.

Le pouvoir d'une génération sur la suivante

La reproduction ne concerne pas seulement des adultes, mais aussi les enfants à venir. La conséquence est que si l'on accorde plus de liberté à la génération « reproductrice », cela change la condition de ceux de la génération ultérieure. Autrefois, la venue d'un enfant était ressentie comme due à des forces extérieures, aujourd'hui l'enfant est clairement le produit de volontés. La génération actuelle a donc augmenté son pouvoir sur la suivante. Il y a de nombreuses raisons (éducatives en particulier) pour préférer la situation moderne. Mais jusqu'où aller ?

On voit, pour aller à l'extrême, que le clonage créerait une situation de dépendance extrême. C'est donc à bon droit qu'on le refuse. L'homoparentalité ne crée certes pas une complète dépendance mais elle prive l'enfant de la proximité d'un homme ou d'une femme au début de sa vie, et ceci sans autre raison que le « choix de vie » de deux adultes. On ne peut se contenter, en l'occurrence, d'invoquer l'égale liberté, qui est le principe fondamental de notre société, parce que d'autres vies sont en cause : la question de l'abus de pouvoir vis à vis des enfants est inévitable.

Imposer une privation à des enfants ?

Je ne vois pas comment on autoriserait des gens à se marier tout en leur interdisant d'avoir des enfants, d'une manière ou de l'autre. Bien entendu, le texte actuel n'est qu'une étape. La procréation médicalement assistée viendra logiquement après, ce qui signifie qu'il y aura des enfants quasi sans père, ou sans mère. En souffriront-ils ? Certaines enquêtes concluent que non, d'autres vont dans l'autre sens. Mais là n'est pas l'essentiel. Il s'agit de savoir si des adultes, pour leur propre satisfaction ont le droit d'imposer à des enfants une privation de ce genre.

Une comparaison peut nous éclairer. J'imagine qu'un tenant du patriarcat vienne nous dire qu'il est prouvé, grâce à une enquête menée en Inde, par exemple, que les filles mariées d'autorité par leur famille sont plus heureuses que celles qui sont mariées selon leur choix. On dirait tout de suite que ce n'est pas la question, que le père n'a pas ce droit-là. Ici, de même, on doit questionner le droit des adultes.

Certains se demandent pourquoi les religions interviennent dans ce débat puisque les règles et les rites qui leur sont propres ne sont pas en cause. Selon cet argument, prétendu « laïque »,  les religions ne seraient pas concernées par la manière dont l'humanité s'organise. Ce qui est absurde. Les religions sont porteuses d'une idée de l'humanité, elles doivent donc parler. Encore faut-t-il qu'elles le fassent de manière à se faire entendre. Et pour cela l'appui sur la nature ne me paraît pas convenir, il évoque trop une pastorale de l'abaissement de l'homme dont l'Eglise catholique a abusé naguère. A cause de ce passé, elle donne à beaucoup l'impression de défendre son reste de pouvoir. L'argument de la situation homoparentale comme restriction imposée à l'enfant me paraît bien plus solide.

Le lien entre la parenté et la dualité sexuelle

Je trouve très beau ce qu'a dit le Grand rabbin de France, Gilles Bernheim, s'appuyant sur la Genèse : Il les créa homme et femme ! La dualité sexuelle nous montre que nous ne sommes pas des dieux, que nécessairement, par création,  nous sommes incomplets, que nous avons  besoin pour penser et vivre notre humanité, d'un élément qui nous est irréductiblement, et heureusement, extérieur. Certes l'argument de la nature est là présent, mais fondé spirituellement. L'homme et la femme, commente Gilles Bernheim, sont l'un pour l'autre une transcendance, quelque chose de nécessaire mais dont on ne dispose pas. Cette transcendance est analogue à la transcendance de la parenté dont nous savons ce que le Christ du Nouveau Testament en a fait dans la prière : « Notre père... »

Le risque d'un individualisme sans médiation

Mais nous sommes actuellement engagés dans un débat politique donc laïque. Nous avons des raisons spirituelles, non pas de condamner l'homosexualité, contre laquelle Jésus par exemple n'a pas un mot, mais de tenir au lien entre la parenté et la dualité sexuelle. De ces raisons nous devons savoir tirer une sagesse humaine capable d'éclairer les incroyants comme les croyants. Cette sagesse nous dit qu'il y a un droit de l'enfant à l'essentiel humain complet, elle dit  aussi que les projets actuels sont inspirés par l'individualisme régnant, celui qui tend à réduire la société à un ensemble d'autonomies, de volontés, sans rien qui entre elles fasse tampon et médiation, situation  qui est  potentiellement violente.

Dans le cas de la procréation, ceux qui veulent s'attribuer toujours plus de puissance soulignent que la nature n'est pas un code juridique réglant les conduites humaines. Cela est vrai mais en l'occurrence la nature joue un rôle d'amortisseur dans les rapports entre sexes et entre générations. Si on met fin à ce rôle, que l'on peut dire « prudentiel », les volontés se trouveront directement en présence, potentiellement en conflit. En pratique, dans le cadre d'une procréation excessivement « dénaturée », les nouvelles générations auront tendance à s'en prendre à des géniteurs devenus trop puissants, donc à recourir à la justice pour demander des comptes, faire grief aux responsables de ce qu'ils ont fait d'eux. Où cela mène-t-il ?

Référence: Le mariage homosexuel, un débat politique au sens fort

La nature (déchue) n'est pas harmonieuse, mais l’ordre se lit aussi dans cette nature. Le "hasard" n’explique pas la "nécessité" : un monde totalement aléatoire eût été un éternel chaos effondré sur lui-même. Il en irait de même pour une liberté humaine sans raison qui la transcende.

Par ailleurs, si Jésus lui même n’a, que l’on sache, rien dit de l’homosexualité, l’ancien testament comme le nouveau, sous la plume de saint Paul, se sont exprimés sans ambage. L’un et l’autre font partie du corpus de la Révélation, qui doit aussi se comprendre comme un tout. 

Commentaires

  • Je ne comprends pas très bien l'argumentation sur le mot 'nature' dans ce texte. Il faut toujours distinguer de quelle 'nature' l'on parle. La nature d'une étoile, la nature d'un minéral, la nature d'un végétal, la nature d'un animal, la nature d'un homme, etc... ne sont pas les mêmes. Le mot 'nature' vient du verbe 'naître'. C'est tout ce que l'on est ou ce que l'on a, en naissant comme étoile, minéral, végétal, animal, homme, etc.... La nature humaine s'est bien éloignée de la nature animale il y a environ deux millions d'années, en acquérant cette capacité sapiens qui nous est propre : capacité de pensée réfléchie et abstraite, et de spiritualité. Mais la nature humaine est la même, que l'on soit un homme préhistorique ou un homme d'aujourd'hui. Nous ne nous sommes pas éloignés de notre propre nature quand même.

    Or, les questions de sexualité et de procréation ne sont pas spécifiques à la nature humaine proprement dite. Ce sont des capacités liées à l'héritage de la nature animale, nature animale soumise à des lois qui ne dépendent pas de nous. Nous n'avons pas inventé nos lois naturelles de la respiration et de la circulation sanguine, nous n'avons pas non plus inventé nos lois naturelles de la sexualité et de la procréation. Lorsqu'on parle de lois naturelles, il faut donc savoir de quoi l'on parle. Il s'agit de lois non artificielles, de lois non créées par l'homme et donc existantes bien longtemps avant que la nature humaine n'existe. Pour les lois régissant la sexualité et la procréation, il faut donc bien parler de lois naturelles. Toute invention d'autres lois créées par l'homme ne seraient jamais que des lois artificielles, des lois d'apprentis sorciers, plaquées artificiellement sur des lois naturelles.

  • Le Genèse dit : "Il les créa homme et femme ", mais avant...
    L'homme est peut-être en train d'accélérer l'évolution

  • Pardon mais...que voulez-vous dire?

  • @ gabriel ... Je pense que l'homme n'accélère pas l'évolution par sélection naturelle (selon des lois naturelles) il provoque une sélection artificielle (selon ses propres lois). Cela fait des millénaires que l'homme a découvert (avec l'agriculture et l'élevage) qu'il pouvait faire évoluer les plantes ou les animaux d'une même espèce, pour sélectionner artificiellement une évolution qui convienne à ses besoins ou ses goûts.

    Il me semble que c'est tout autre chose de sélectionner des êtres humains pour qu'ils conviennent aux besoins et aux goûts du sélectionneur. Sur quels critères un être humain décidera-t-il qu'un autre être humain est digne ou non d'exister ? En effet, un homme en parfaite santé peut parfois causer beaucoup de mal autour de lui, alors qu'un homme handicapé peut faire par contre beaucoup de bien. En outre, comment peut-on être contre la peine de mort pour un criminel récidiviste endurci, et en même temps revendiquer le droit de donner librement la mort à quelqu'un qui ne serait tout simplement « pas désiré » ?

  • @ Pauvre job ... Je n’ai de réponse à aucune de vos questions ; comme par exemple pour le criminel si on le garde en prison on en fait un malade mental (il l’était probablement déjà avant), on détruit sa personne . Entre la destruction du corps physique ou la destruction du cerveau, quel est le bon choix.

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