Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

L'épisode des Mages, un conte mythologique ?

IMPRIMER

En ce dimanche de l'Epiphanie, il n'est pas rare d'entendre dans nos paroisses certains clercs s'improviser exégètes et déclarer gravement que le récit de l'adoration des mages n'est qu'un beau conte mythologique ou une construction poétique sans fondement historique. Sur "Metablog", nous lisons cet excellent commentaire :

(...) Si on met en doute l’historicité de cet épisode (de la venue des Mages), c’est d’abord parce qu’on lit mal le texte qui est plein de détails, mais qui, dans certains Evangiles apocryphes (c’est-à-dire des textes tardifs qui «brodent» sur la vie de Jésus), devient carrément mythologique. Dans le Livre de l’Enfance, un apocryphe arménien du VIème siècle, on nous apprend par exemple que ces Mages en réalité sont des «rois», qu’ils sont trois et qu’ils s’appellent Gaspard Melchior et Balthasar. On nous dit que les Mages ont suivi une étoile qui se serait déplacée pour les précéder jusqu’à Jérusalem. Mais ce n’est pas cela du tout ! Ces astronomes, sans doute persans, ont vu un astre extraordinaire : «Nous avons vu son étoile en Orient». Il y a, diffuse, dans l’humanité de ce temps-là une attente d’un phénomène extraordinaire, comme on peut le lire dans la Quatrième Eglogue de Virgile, dans laquelle, quelques années avant le Christ, le poète latin annonce la venue d’un enfant né d’une Vierge. Ce sont des traditions semblables, qui dans le Zoroastrisme perse, animaient l’attente des Mages, qui savaient bien que si quelque chose devait advenir, ce serait en Judée, le pays de la Bible. Ils viennent donc à Jérusalem, s’enquièrent auprès du roi Hérode, qui, averti par les Mages de la naissance d’un Roi Messie, convoque les sages d’Israël, lui qui n’est qu’un Bédouin, un non-juif. 

Ces sages lui disent tous : le Messie doit naître à Bethléem, comme cela a été explicitement prophétisé dans la Bible hébraïque, par Michée. C’est l’origine du massacre des enfants de Bethléem. Les Mages, ayant compris la duplicité d’Hérode et s’étant abstenus de lui apporter, sur cette naissance merveilleuse, les renseignements précis qu’il demandait, lui Hérode s’est entêté et il a décidé de tuer tous les enfants de Bethléem. Cet acte de sauvagerie était resté dans les annales de l’histoire antique. Il est cité par le païen Macrobe. 

Si on cherche la véritable signification de la venue des Mages, on est bien obligé de supposer qu’il y a, non seulement pour les Juifs l’Ancien Testament, mais pour les Païens, une véritable «préparation évangélique», qui emprunte les canaux inattendus de l’astrologie et de la Prophétie, et cela en dehors du peuple juif. Le savoir humain (dont l’astrologie à l’époque est le symbole) mène au Christ, voilà ce que signifie l’épisode des Mages. Il y a un Ancien Testament païen, une ancienne alliance païenne entre la foi et la raison, qui précède la nouvelle alliance et le nouveau savoir en Jésus-Christ. Cet ancien Testament relève d’une forme de sagesse humaine qui converge avec la sagesse juive (le dernier livre de l’Ancien Testament s’appelle justement le Livre de la Sagesse et il est écrit en grec à l’honneur de la divine Sophia). 

En revanche, face aux mages, sages païens, le Politique se déchaîne. Le vieil Hérode, au terme d’une vie chargée de crimes, est aveuglé par son Pouvoir. C’est un véritable génocide qu’il va perpétrer dans le massacre des innocents de Bethléem, et Rachel «pleure ses enfants car ils ne sont plus». On retrouve cet aveuglement du Pouvoir chez presque tous les politiques de l’Ancien et du Nouveau Testament. 

Le dernier à y céder dans les Livres saints sera Pilate, prêt à tuer l’Innocent plutôt que de nuire à son Autorité. C’est la raison pour laquelle, dans le récit évangélique, il faut bien remarquer que les Mages ne sont pas appelés «Rois». On leur donne ce titre uniquement dans des écrits tardifs, comme le Livre de l’enfance, que j’ai cité plus haut. 

La royauté du Christ, qui dès sa naissance est obligé de fuir devant Pilate, n’est pas une royauté politique. La politique n’opère jamais aucun salut. Elle donne dans des oeuvres de mort, comme le montrent involontairement les mages, qui, «avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, regagnèrent leur Pays par un autre chemin». Mais pourquoi cette version «royale» dans les écrits tardifs? Et pourquoi ces couronnes que l’on se donne à la «fête des Rois»? Pour faire cadrer l’événement, dont l’évangéliste Matthieu se fait l’écho, avec la prophétie d’Isaïe (49, 7) et le Psaume 71 : «Les rois de Tharsis et des îles lui apporteront leurs présents». Notons cette obscurité des prophéties de l’Ancien Testament, notons ce décalage entre les prophéties et leur réalisation. Parler de «mages» et pas de «rois» dans l’Evangile, cela montre bien, quoi qu’on en dise, que le récit que nous possédons aujourd’hui dans saint Matthieu n’a pas été élaboré à partir des prophéties de l’Ancien Testament ; sa source est bien un événement historique, absolument imprévisible comme tel. On a ensuite fait cadrer non sans mal les prophéties avec l’événement.

Les commentaires sont fermés.